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PARALLÈLE

DE LOUIS XIV ET DE HENRI IV.

Tiré, idem de l'Éloge de Montausier.

DANS cet imposant appareil du trône, tout commandait une soumission sans réserve, une admiration silencieuse; rien n'y avertissait plus, que l'on pouvait parler avec la franchise du zèle, avec la confiance de l'amitié; si ce n'est la magnanimité du prince : mais où sont les courtisans, qui sachent y croire, et qui osent s'y fier?

Combien le bon Henri fut plus grand dans la simplicité et la familiarité de ses mœurs! Il ne voyait dans ses premiers sujets que les anciens compagnons de ses victoires; et toutes les expressions de l'amitié sortaient continuellement de sa bouche et de son

cœur.

Louis parut encore dédaigner l'exemple

de son aïeul, dans une autre vertu, dans sa popularité.

Ce dernier, chéri entre tous les autres, comme le meilleur ami du peuple, le cherchait toujours au milieu de ses fêtes et dans ses jours de bonheur; on s'assurait d'un bon accueil, en lui en parlant. Par sa bonté attirante et paternelle, il relevait l'humanité de cette dégradation, où l'avait fait tomber la tyrannie féodale.

Louis renouvela, en quelque sorte, ce crime de la barbarie, par l'orgueil de sa magnificence. Toute cette grandeur, dont il marchait environné; toute cette inflexible dignité de son maintien, semblait dire au peuple: Adore, et n'approche pas. Je le remarque avec douleur; mais je dois à l'humanité d'exprimer cette plainte: jamais il n'a reçu lui-même la prière du pauvre; jamais il n'a adressé une parole à un homme du peuple. Cependant il montra souvent une belle âme a milieu de sa cour; il voulait bonheu uple, et désirait son estime.

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LOUIS XIV,

SOUS UN AUTRE ASPECT.

Ce morceau est tiré d'un ouvrage inédit.

EH quoi! grand monarque, avec toute ta puissance et ton orgueil, tu ne pourras donc jamais montrer dans tes villes, dans tes compagnes, ces miracles de l'industrie, qui enrichissent cette province de Hollande, conquise sur la mer par ses habitans; et que tes valeureuses armées ne purent t'assujettir! S'il te faut renoncer, par les vices de la constitution que tu laissas à ton empire, à ce qu'un despotisme, vraiment magnifique, pourrait avoir de bienfaisant; du moins, par l'éclat des beaux-arts, ne laisse pas ta capitale au-dessous de cette Athènes, éternelle par cette gloire; de qui la ville du monde reçut toutes ses pompes ; et de qui seule tu peux encore apprendre, aujour

d'hui, à faire rivaliser ta vaste monarchie, avec cette petite république.

Voilà le vœu que Louis a dignement accompli. Le faste des rois a un charme qui séduit, un ascendant qui subjugue ; l'adulation l'a mieux secondé ici, que le zèle dans de meilleures choses; la vanité nationale s'est émue où se taisait l'esprit public; les murmures sur ces ruineuses constructions, n'ont commencé que dans la postérité.

Que ne peut-on donner aux potentats de l'Europe, des idées d'une meilleure gloire, je leur dirais :

Si vous voulez que l'étranger ralentisse involontairement sa course, en parcourant vos états; qu'il fasse envier, au loin, le bonheur de vivre sous vos lois; si vous voulez être heureux vous-mêmes, et laisser de vous un beau souvenir; portez vos regards et vos soins au-delà de vos cours, au-delà de vos capitales. Comment vous borner à la décoration de ces enceintes, toujours trop étroites, pour absorber et réfléter la majesté suprême? Les monumens des arts sont imposans et glorieux; mais l'admiration qu'ils inspirent, est souvent attristée par la

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misère qui les entoure; et leurs plaisirs ne se communiquent qu'à ceux qui ont appris à les adorer. Ce sont les bienfaits d'une administration savante et généreuse, qui font la vie et l'honneur des monarchies, comme des républiques.

Vous recherchez aujourd'hui la nature dans vos somptueux jardins; vous aimez à y surprendre partout ce qu'elle offre de simple et d'aimable; vous épuisez vos trésors à l'imiter et souvent à la défigurer: enrichissezvous, en la secondant; faites de tout votre empire un jardin immense, fécondé par tous les prodiges du travail et de l'industrie; et embelli de toutes les formes, de tous les aspects du bonheur.

Alors, sortez de vos palais; venez jouir de ce que vous avez fait, observer ce qui vous reste à faire encore. Quelquefois, sans pompe, sans cortége, inconnus; et, comme le mortel, content de lui-même, cherchez les lieux infréquentés. Là, mille détails d'une amélioration continuelle, opérée par vous, pour ainsi dire, à votre insu, feront long-temps l'occupation de vos yeux et le charme de vos cœurs. D'autres fois parcourez vos états, dans

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