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XI. Ce n'est pas l'humeur de notre vie domestique, c'est celle de nos pensées habituelles, qui donne du caractère à nos écrits.

XII. Par notre humeur, quelque chose de plus net, de plus ferme, de plus animé, s'imprime dans notre style.

Sur les Recueils de pensées et de morceaux.

I. Tout n'est pas excellent dans les grands écrivains. L'on aimerait à trouver réunis les plus beaux fruits de leur génie.

11. Mais trop souvent les esprits les plus grossiers se sont chargés de remplir ce vœu des esprits délicats.

III. C'est avec ces recueils, s'ils étaient dignement faits, que nous charmerions nos loisirs ; que nous suspendrions nos travaux, pour féconder notre esprit ou le délasser; que nous goûterions tout ce qu'il a de plus délicieux dans le plus intime des plaisirs, celui des bonnes lectures.

IV. Ce facile travail du goût devrait être imposé aux académiciens, sous la révision

des Académies; comme un amusement, après les œuvres de création.

Sur l'esprit de société.

1. La perfection de celui qui plaît dans le grand monde, se compose plutôt de la connaissance des choses ordinaires que des grandes choses; plutôt de finesse que de force; de tact que de goût; de souplesse dans le caractère que de fécondité dans l'esprit ; et tout cela jouerait mal, sans la puissance de captiver ses affections, pour entrer dans celles des autres. Ce mérite est éminemment le don des femmes; et cela est trèsbien ainsi.

II. Ce n'est pas une chose si facile et si vulgaire que de se bien poser dans le grand monde pour cela, il faut s'y comporter avec noblesse, avec grâce, surtout avec la simplicité d'un heureux naturel; ne s'en laisser imposer par rien et ne rien choquer; toujours parler ou se taire à propos; ne dire que ce qui peut plaire, et le dire comme il convient; tirer parti de ses avantages, en faisant valoir ceux des autres : celui qui

réunit ces dons a de quoi être heureux dans cette vie de représentation et de contrainte; et,'ce qu'il y a de mieux, de quoi s'en retirer, à volonté; sûr d'y revenir, sans avoir rien perdu.

III. Des gens d'un esprit juste et poli conversent mieux ensemble que des esprits de premier ordre; ils savent mieux se plier les

uns aux autres.

IV. Vous trouvez des personnes, dont l'esprit, l'âme et l'imagination ne s'échauffent que dans la méditation; vous en rencontrez d'autres, à qui il faut la contradiction, un auditoire, et un certain moment, pour entrer en verve et parler mieux que d'autres n'écrivent. Les voleurs d'idées et de mots à citer, s'attachent à ces personnes, comme à une proie.

v. Si la conversation n'a tous ses attraits que par ces hommes aimables, qui possèdent éminemment l'esprit de société, elle ne s'anime et ne s'embellit que par ceux qui ne s'y gouvernent que par leur caractère.

VI. On plaît par la politesse des paroles et

la grâce des manières. Mais on ne frappe et on n'émeut que par les saillies de l'âme et l'originalité de l'imagination.

VII. Les esprits légers et les esprits courts ont le même inconvénient, dans la société; ils ne retournent jamais que leur assertion, dans la réponse à votre objection.

vi. On ne souffre pas les insens dans les livres ; ils brouillent tout dans les conversations. Une vraiment bonne compagnie aurait le droit de les repousser, comme des importunités ou des inconvenances.

Ix. Il ne faut ni faire des livres, ni parler comme les livres, dans la société; mais quelque chose de la manière des bons livres est le propre d'une bonne conversation; s'il est vrai que la marche d'un livre, bien fait, n'est que la marche naturelle, perfectionnée.

x. Il y a des gens si avides de domination, qu'ils s'emparent de la moindre concession, comme d'une victoire.

XI. Il y en a d'autres, qui ne font jamais

la moindre concession; comme si leur doctrine devait nécessairement se composer du faux et du vrai.

XII. C'est la marque d'un bon esprit d'être arrêté de toute l'inquiétude du doute, sur toute vue, qui n'est pas entrée dans les preuves de notre pensée.

XIII. Les hommes supérieurs et vrais saisissent un principe, dès qu'il est énoncé.

XIV. Les gens à préjugés ne le contestent jamais plus, que lorsqu'il est prouvé.

xv. La vérité ne s'établit et ne se communique qu'entre les esprits, qui vérifient leurs idées par la contradiction qu'elles éprouvent; qui entrent dans votre pensée, aussi bien, et quelquefois mieux que vous; qui ne veulent vous l'enlever, qu'en la détruisant par elle-même ; en qui le raisonnement a toujours de la bonne foi; vient de la raison et y retourne ; à leur profit, comme au vôtre.

XVI. Celui qui reçoit ou rend des procédés qui remuent son cœur, embellit sa

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