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sexe; mais elle ne la réserve réellement que pour la beauté. Toutes les qualités sont oubliées pour celle-là. Toutes les autres femmes restent sous l'oppression; mais celles-ci ont un trône.

LXII. La beauté brille surtout par le rang et la naissance; ainsi se réduisent toujours les honneurs, qui lui sont rendus. L'ancienne galanterie avait réellement créé, parmi les femmes, une aristocratie, doublement humiliante.

LXIII. On ne juge pas la divinité; on la sert. La galanterie commande de toujours supposer les vertus; et par-là elle aide plus aisément à en manquer; c'est une séduction, qui se cache sous le voile du respect.

LXIV. Devenant un mérite, et faisant une réputation, la galanterie ne suppose pas plus la passion, qui devrait l'animer, qu'elle ne tend au bonheur de la personne qui en est l'objet; elle finit par se réduire à des formes et par s'allier avec la conduite, qui outrage plus les femmes. Elle fait tout pour les dames dans la représentation des mœurs

II.

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publiques; rien dans l'intérêt obscur de la vie privée.

LXV. C'est par-là que la galanterie a toujours répugné aux principes des sociétés li bres et au goût des peuples éclairés. A mesure que les esprits se sont fortifiés, que les âmes se sont élevées, on l'a vue tomber, parmi nous. On a cru que nous redevenions grossiers, tandis que nous ne faisions que reprendre plus de justesse dans nos idées et de sincérité dans nos sentimens.

On a remarqué, que, dans tous les temps, un grand nombre d'hommes supérieurs, manquaient de ce mérite; cette disgrâce ne venait, peut-être, que de la réalité de leur mérite même.

De la Philosophie moderne.

LXVI. La philosophie a d'autres effets, comme elle a une autre source. Née des facultés étendues, des sentimens épurés; science du vrai et du juste, du bon et du beau; c'est dans la nature qu'elle cherche ses principes; c'est au perfectionnement social qu'elle les rapporte; c'est par des moyens conformes à ses vues, qu'elle opère.

Amenée, par un grand événement, à déterminer l'état des femmes, elle écarte les illusions, comme les préjugés; et, sans se défendre du charme de cet ouvrage, elle n'y porte aucun enthousiasme.

Elle n'accorde ou ne refuse rien aux femmes, que d'après leur destination. Mais par-là, tout ce qu'elle veut pour les hommes, se communique à elles; elle les associe à tout; mais de la manière qui leur est pro

pre..

LXVII. Elle laisse à l'amour à récompenser l'amour. Ce n'est point par un sentiment qui ne dure pas; c'est par des droits de tous les momens, qu'elle règle leur sort.

LXVIII. Elle ne souffre pas autour d'elles une insultante affectation des sentimens qu'on n'a pas; elle les sert mieux, en les abandonnant à ceux qu'elles inspirent.

LXIX. Elle ne fait pas contre toutes, co qu'elle fait pour quelques-unes. Rien n'est partial, tout est social dans ses vœux et ses soins. Elle incline plutôt à relever la pauvreté qu'à exhausser la richesse; à dé

dommager le mérite obscur, qu'à enfler la gloire de celui que tout a favorisé.

LXX. La philosophie s'occupe encore plus de leurs intérêts, que de leurs honneurs. Elle cultive leurs facultés, pour étendre leurs droits; plus elle chérit leurs qualités particulières, plus elle veille à ce qu'elles ne s'altèrent pas; à ce qu'elles se perfectionnent sans cesse. C'est par les vertus et les talens, qu'elle accroît le doux empire de la beauté et des grâces; c'est par un sentiment plus réfléchi des convenances; et non par des règles hors de la nature et de la raison, qu'elle conserve leurs mœurs et trace leur morale.

LXXI. Ah! que les femmes quittent de vains regrets, pour adopter de nobles espérances; qu'elles conçoivent mieux leurs droits et leurs destinées; qu'elles jugent mieux de leur siècle, et de la rénovation générale, qui en sera le caractère; qu'elles soient justes envers cette philosophie, qui les aura aimées et honorées, comme elles doivent

l'être; en cherchant leur place dans toute l'amélioration humaine.

LXXII. Les femmes aiment naturellement leur patrie. Tout ce qui environne leurs peines et leurs plaisirs; tout ce qui a vu leurs beaux jours; tout ce qui assiste même à leur déclin, agit plus vivement sur ces âmes, dont toutes les pensées tiennent à des émotions. C'est par cette puissance de l'imagination, qu'elles s'attachent aux lois de leur pays, lors même qu'elles leur sont injustes et cruelles ; qu'elles s'attachent à une constitution, à proportion que son caractère est plus prononcé : on les a vues idolâtrer l'austérité républicaine, comme le faste monarchique.

LXXIII. Elles ne savent pas moins servir leur pays que l'aimer. Leur patriotisme a des autels dans toutes les histoires. Elles ne se distinguent jamais plus que dans les crises des empires; elles y réalisent des prodiges, que les hommes ne savent ni tenter, ni espérer; elles y portent surtout un désintéressement, qui confirme les principes que j'ai établis. Comme si elles n'existaient pas

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