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unique dans un mauvais régime, à leur égard.

XLIX. Considérez les femmes dans la grande civilisation.

Elles ne vivent plus sous l'unique inspection de leurs familles; elles sont sous les regards du public.

Elles n'existent plus dans des mœurs grossières et franches; mais dans des mœurs où le raffinement est entré avec l'esprit et le luxe. L. Tout est changé pour elles.

Leur naïve pudeur est devenue de la modestie; leur vertu, de la sagesse.

Leur maintien a perdu de sa simplicité, pour prendre de la décence.

Leurs actions et leurs discours, qui n'étaient que timides, se revêtent de cette noble réserve, qui est de la dignité.

Leurs époux, moins violens, sont livrés à plus de passions, plus de vices; il faut les retenir par des attentions plus aimables; les soutenir par de plus habiles conseils.

Elles n'ont plus seulement à élever des enfans sains de corps et d'esprit ; il faut les préparer et les rattacher à des talens, à des vertus, à l'honnêteté, à la gloire.

Ces devoirs exigent un mérite nouveau, qu'elles ne peuvent tirer que d'un esprit heureusement et solidement cultivé.

LI. Mais l'instruction des femmes doit être relative à leurs devoirs. Les touchantes fonctions de mères de famille, et cet aimable emploi d'embellir de leurs grâces et de leur conciliante aménité cette communication habituelle, que tant de rapports ont établie entre les hommes; telle est leur destination; assez douce et assez belle, pour qu'elles puissent s'y renfermer, avec joie et avec gloire.

LII. Les talens agréables sont pour elles

des talens utiles.

LIII. Les connaissances sérieuses ne leur conviennent, qu'en ce qu'elles développent, dirigent et tempèrent, en elles, la sensibilité, qui est la raison des femmes.

LIV. Si je ne craignais d'employer ici une comparaison trop grave, je dirais que les femmes sont, à l'égard des sciences, ce que sont les magistrats, à l'égard des amusemens; avant de se les permettre, elles doivent exa

miner si d'autres soins ne réclament pas leur sollicitude.

LV. Il est très-simple, il est même trèsheureux, que les femmes cultivent nos connaissances; et même quelquefois par leurs

travaux.

Pourquoi la nature leur aurait-elle accor dé des talens, si la société leur en interdisait l'exercice?

Les fruits des talens sont-ils si vulgaires, qu'il soit permis de les étouffer?

Et le génie d'un sexe, singulièrement sensible et délicat, ne peut-il pas enrichir les arts de certaines beautés, que lui seul recèle?

LVI. Mais la nature, rarement, les a douées de cette puissance de moyens et de ressources, qui termine glorieusement les hautes entreprises.

De même, que la vigueur de l'homme choquerait dans des corps embellis par leur douce inaptitude à de durs travaux; de même, les fortes méditations, les grands clats du talent déparent des esprits si aimables, et souvent les écrasent.

LVII. On a vu des femmes régner avec grandeur; d'autres s'illustrer dans les combats. En s'élevant au-dessus de leur sexe, elles semblent avoir voulu surpasser l'autre; comme si elles n'avaient pu justifier que par là cet essor désordonné, qu'elles avaient osé prendre.

LVIII. Il n'est pas impossible que des femmes réalisent un personnage poétique ; et qu'elles réunissent, comme Clorinde, les charmes de leur sexe à la gloire du nôtre. Alors une adoration extraordinaire sera due à des choses, toutes prodigieuses. Mais l'exception même confirmera l'éternelle loi de la nature, à laquelle les femmes les plus illustres par leurs talens, se sont toutes sou

mises.

LIX. Toujours les progrès de la civilisation leur furent favorables.

La Grèce éleva des temples à la beauté. L'urbanité romaine environna leur sexe d'égards et de respect.

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Mais notre ancienne galanterie a obparu tenir, de leur part, plus de reconnaissance; et fait, aujourd'hui, l'objet de leurs regrets.

Serait-il donc vrai que notre philosophie ne fût pas meilleure pour elles, comme pour

nous?

C'est là une de ces erreurs, qu'elles ne pourraient chérir, sans faire douter de ce sentiment délicat, qui les avertit si bien de ce qu'elles doivent préférer.

De l'ancienne galanterie.

LX. L'exaltation de l'amour, se mêlant à l'esprit religieux, décida de tout dans ce culte, que la chevalerie avait institué pour les femmes. Tout y fut outré; rien n'y resta raisonnable.

En effet, ce n'est pas un être faible et touchant, que la galanterie veut rétablir dans ses droits; c'est un être charmant, dont elle veut porter les fers. Elle venge les injures faites à ce sexe; mais elle ne s'occupe pas des injustices, que lui font les lois. Ce n'est pas une fille modeste, une épouse fidèle, une digne mère, qu'elle récompense par des hommages; c'est une belle personne, à qui elle prodigue l'idolâtrie.

LXI. Elle affecte cette idolâtrie pour tout

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