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scellé : cependant, douce, calme, présente à tout, aimable à tous, le tourment même de l'impatience la tient en dehors d'elle; jusqu'au moment où elle pourra se plonger dans les délices mystérieuses qui l'attendent. Alors, seule, dans le silence et le repos de la nuit, repoussant le sommeil, comme un ennemi de sa joie, son âme n'est plus que dans une seule pensée, qu'elle tourne et retourne, au gré de son avide passion (*).

LVI. Il y a des sentimens cachés dans le fond du cœur d'une femme, qui attendent une seule personne, pour recevoir, une fois, un épanchement (**).

LVII. La destinée de madame de Sévigné est aussi singulière qu'aimable: l'un des ornemens d'une belle époque par les agrémens de sa personne et de son esprit, et surtout par le charme qu'elle avait dans le cœur, et qui se répandait jusque sur ses petits défauts et ses légers ridicules, elle se donnait, sans le savoir, à la postérité, lors

(*) Situation de mon roman.
(**) Idem.

qu'elle ne se livrait qu'à sa fille; elle est devenue un de nos premiers écrivains par les seules confidences d'une vie privée; et l'un des peintres de son siècle, avec Molière et La Bruyère, puisqu'elle nous en a conservé le ton et les couleurs, dans le tableau des élégantes sociétés où elle fut placée.

LVIII. Fut-il jamais plus de femmes ornées du goût et de l'instruction des lettres, qu'à la fin de l'ancien régime, en France? Et quelles femmes eurent plus de bons sentimens dans le cœur; surent mieux faire les sacrifices à leurs devoirs; eurent plus de simplicité, de décence, de véritables grâces dans les mœurs, le ton et les manières? Je me plais à relever cet honneur pour l'esprit général de cette époque sans doute, il fut pour beaucoup dans cet immortel héroïsme, que les femmes ont montré, aux jours infames et lamentables de ce régime, qui s'appelait lui-même la terreur. Comment donc se montrent-elles, aujourd'hui, si aliénées de cette régénération des institutions et des lois, qu'elles avaient favorisée de tous leurs voeux?

LIX. Ces pensées, que je recueille de

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quelques-uns de mes écrits, auront peutêtre le tort, à leurs yeux, de ne pas leur offrir leurs défauts, et même leurs vices. Elles ne haïssent pas le reproche, même l'accusation, surtout la plainte; et veulent être montrées tout entières; je ne puis me retenir d'observer, que c'est encore là un de leurs mérites; car je suis condamné à bien parler d'elles, jusqu'à la fin.

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DANS L'ORDRE SOCIAL, ET LEUR PARTICIPATION

CULTURE DES LETTRES ET DES ARTS.

A LA

Ce morceau est un extrait de deux discussions sur ce double sujet, faites, à des temps très-différens; l'une avant, l'autre pendant la révolution. J'ai essayé de rédiger celui-ci, uniquement par des citations des morceaux mêmes ; c'est un extrait par réduction. Il y a des ouvrages qui gagneraient, et d'autres qui perdraient à ce genre de travail. Sur quelques matières, qui intéressent différens ordres de lecteurs, l'ouvrage réduit, peut être précieux; je crois que l'auteur seul peut s'extraire ainsi.

1. Il est également heureux et malheureux d'avoir à écrire sur les femmes, après

Rousseau : il faut partir de ses principes, sous peine de s'écarter du vrai éternel; ou les affaiblir, si on les reprend. C'est là où sa philosophie est aussi parfaite que son éloquence. Le traité et le roman, intitulé: Sophie, ou la Femme (car l'ouvrage a fondu, admirablement, les deux genres) est un des plus beaux ouvrages de notre langue et de toutes les langues. Il est pourtant vrai que l'application de ses principes à plusieurs questions de l'ordre social, restait à faire.

II. Presque point de livres en observations morales, qui n'offrent, plus ou moins des morceaux ou des traits détachés, sur les femmes. Le sujet est piquant et aimable; inépuisé, parce qu'il se renouvelle de toute la variété et la mobilité des mœurs. C'est surtout, dans le dernier siècle, qu'il a été le plus considéré, sous un aspect philosophique. Au commencement et à la fin, deux dames illustres se sont placées, à cet égard, dans une glorieuse rivalité avec de grands écrivains sous la régence, l'honorable amie de Fénélon, de Fontenelle et de Montes

quieu, la marquise de Lambert; et aujourd'hui madame la baronne de Staël, qui, seule, dans son sexe, a su se former un talent à part, des inspirations de l'âme et des richesses de l'esprit observateur.

Ces dames se trouvent en concurrence

avec The , Diderot, Condorcet, SaintLambert. ien ne se ressemble moins que les écrits de cas quatre philosophes. Tous, on peut le dire, les rabaisser, sont effacés

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par Rousseau, pour la justesse de la méditation, et pour le charme du coloris.

III. Une révolution, comme celle de la fin du dix-huitième siècle, devait tout remettre en question: on fut près de demander pour les femmes, une participation aux droits politiques.

IV. Il ne s'agissait là de rien moins que de savoir, si un assentiment universel de tous les peuples, de tous les siècles, n'avait été que la violation d'une loi de la nature; et si, pour réparer cette erreur, cette injustice, le genre humain aurait à recomposer autrement tout le système social.

v. De telles discussions, qui ne peuvent

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