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mes, d'après leur intérêt: la règle est bonne, assurément. Mais il ne faut pas oublier qu'ils se conduisent aussi, d'après leur caractère.

CLV. Rien ne se fait plus aimer et honorer, que le caractère d'un sage, dans les mouvemens d'un homme sensible.

CLVI. Les jeunes seigneurs, sous Louis XVI, se lassaient de la marche monotone de la vieille monarchie; ils voulaient un mouvement qui animât les acteurs, les spectateurs; ils tracassaient les ministres avec des idées parlementaires, avec des idées philosophiques; tout leur était bon, pour fronder. Le tiers-état ne frondait pas; mais il apprenait ses droits, ses moyens, sa puis

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CLVII. Les petites gens, dans l'ancien régime commençaient à s'étonner et à s'indigner qu'on voulût toujours les tourner les uns contre les autres. C'est une des petites causes, qui ont joué avec les grandes, pour la révolution.

CLVIII. Il y avait des gens d'une telle bonne foi, dans le culte des abus, qui faisaient

leurs fortunes, qu'ils disaient sérieusement des Turgot, des Malesherbes, des Necker : Ces gens-là, de réformes en réformes, ruineront le roi et la France.

CLIX. Jamais gouvernement n'eut plus de petits torts, plus d'inconséquences, que celui de Louis XVI; il recherchait l'opinion, et la violait sans cesse; il lui cédait, mais avec humeur; toujours incomplétement, toujours trop tard.

CLX. Un gouvernement, sage et habile, sans l'étouffer, ni la braver, sait la redresser, la contenir, la diriger, s'en faire un appui et un moyen.

CLXII. Il n'est pas mal d'être raisonnables envers nous-mêmes, lorsque nous sommes généreux pour les autres.

CLXII. Il ne déplaît pas à une grande âme d'être née dans la classe des pauvres, des orphelins; dans la grande masse du peuple ; elle est avertie par-là d'en faire toujours les objets de ses pensées; de les servir en frère; de les aider à se relever, comme elle a appris à se relever elle-même.

CLXII. L'opinion devrait flêtrir ceux qui sollicitent ou mème acceptent un bénéfice de la loi, contre le cri de leur conscience.

CLXIV. Il est des hommes faibles et petits en tout, même dans la méchanceté.

CLXV. Il est des gens contre qui c'est une duperie de se défendre, et un bon jeu d'attaquer.

CLXVI. La nécessité seule peut plier les caractères et briser les passions.

CLXVII. Les frères et sœurs passent leur jeunesse dans une alternative de petites querelles et de courtes amitiés. C'est déjà l'image de toutes les autres liaisons, où l'on se prend et l'on se quitte, par des goûts et des antipathies d'un moment.

CLXVIII. L'amitié est une heureuse rencontre, et non un bonheur commun dans nos mœurs; elle demande trop de qualités, et trop d'accord dans les qualités.

CLXIX. On s'est réduit à être des camarades, des voisins, des associés, des parens, d'anciennes connaissances; et on à bien

fait ; c'est déjà un avantage qu'une communauté d'intérêts et de plaisirs; principe de la sociabilité et source de la bienveillance.

CLXX. Il y a des fautes qui n'excluent pas les meilleurs sentimens; et qui ne s'allient pas avec les mauvaises actions. Les personnes, à qui il échappe beaucoup de fautes, ne sont ni les plus estimables, ni les moins aimables.

CLXXI. Où en serait la loi, si elle voulait écouter toutes les plaintes de l'intérêt trompé? N'a-t-elle pas à dire : Ouvrez-moi vos consciences; et voyons si vos désirs étaient innocens des injustices, que vous me dénoncez ?

CLXXII. Tel est le cœur de l'homme, que le meilleur garant du devoir, c'est l'avantage et le plaisir qui en résultent.

CLXXIII. Il ne faut pas se håter d'improuver dans les choses anciennes et générales. Il n'est pas naturel que les hommes aient fait long-temps les mêmes choses, sans des motifs dignes d'une sérieuse attention.

CLXXIV. La justice est avant l'utilité; ou

plutôt, il n'y a point d'utilité, sans la justice.

CLXXV. Les lois nous observent assez au dehors, pour laisser inviolables nos pensées dans la vie domestique.

CLXXVI. La liberté ne sait pas toujours garder ses propres bornes; alors elle ressemble à la rébellion, qui alarme bientôt l'autorité; et l'autorité, dans ses inquiétudes, abuse de ses moyens légitimes. Sous les meilleurs lois même, voilà l'éternel procès entre les gouvernans et les gouvernés.

CLXXVII. Jamais les lois n'ont plus de stabilité, que lorsqu'elles tirent leur force de l'acquiescement public.

CLXXVIII. Si la contradiction les éprouve d'abord, c'est pour les affermir ensuite.

CLXXIX. Le respect où elles arrivent devient une sorte de religion.

CLXXX. L'homme répugne à la règle; il ne s'y attache que par un besoin bien senti.

CLXXXI. Jamais aucun droit réel du citoyen n'a mis la société en péril.

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