Page images
PDF
EPUB

VII. J'ai observé, toute ma vie, que, dans tout ce qu'on appelle accommodement et conciliation, on entend toujours qu'il y ait sacrifice de part et d'autre ; en sorte que, lorsque le puissant se relâche d'une tyrannique prétention, le faible soit obligé de céder de son droit; de mème de l'homme raisonnable, avec le fou; de même de l'honnête homme avec le coquin. Prêcher et pratiquer ainsi la conciliation, c'est tout pervertir; c'est faire de la prudence un renfort à l'oppression.

VIII. Rien de mieux que de s'interposer entre des forces inégales; mais cet office vous impose de peser, de tous vos moyens, du côté du juste et de l'honnête.

IX. Les mêmes écrits, sur des questions, qui varient sans cesse par les termes, si ce n'est par les choses, ne seraient plus que de vieux habits, dans des modes nouvelles. En philosophie, en littérature, en politique, au barreau, on abrégerait tout, si on n'écrivait que sur une question fixée.

x. Un certain embarras gêne et obscur

cit l'esprit; on a dans la pensée le mot qu'il faudrait dire; et on ne le dit

pas.

x1. Il vient enfin de quelque part; c'est le fruit qui tombe, parce qu'il est mûr; et il en résulte cette adhésion générale, qu'enfante l'apparition de l'évidence, dans une longue et laborieuse recherche.

XII. Plus les dissensions sont petites par l'espèce des âmes et des objets, plus elles sont intraitables.

XII. De grands personnages sont sur la scène; c'est une commotion générale, un célèbre scandale. De quoi s'agit-il? Le plus obstiné des contendans, si ce n'est tous les deux, joue contre lui-même. Il fait, avec fareur, une sottise.

XIV. La froide obstination n'a pas de moins funestes écarts, qu'une sensibilité impétueuse.

xv. Les petites passions, en se mêlant à tout, enfantent souvent de grands maux.

XVI. Les conseils sont responsables, moralement, des troubles, des scandales, quand

ils arrivent, non-seulement par des spéculations interessées, mais encore par un pedantisme insensé, et un vaniteux entètement.

xvii. Il est des causes, qui se décrient par la sécheresse de leur discussion: là, où se placent la raison, la justice, les considérations morales, les bons sentimens; là vient, si ce n'est l'éloquence, au moins quelque

intérêt.

XVIII. Où va souvent se nicher le plus incurable, comme le plus sot des orgueils? Dans des subtilités et des rigueurs de palais, et dans le style qui leur est propre.

XIX. Au théâtre, les bons sentimens restent encore inviolables; et au palais, le ridicule est à les invoquer.

xx. Nul homme ne peut se placer assez bas, pour avoir droit à l'impunité de ses

méfaits.

XXI. Il est des jugemens où éclate une' singulière industrie à éluder les droits d'un opprimé.

XXII. De tels jugemens font aux honnêtes.

gens la même horreur que ces livres déhontés, qui renversent tous les principes de la morale.

XXIII. Dans ces derniers temps, tour à tour, par l'esprit de révolution et par celui de contre-révolution, la pire immoralité est sortie des lois, des jugemens et des adages du barreau. Celle-là infecte tout, en propageant le mal, par tout ce qui est destiné à sa réfrénation.

XXIV. Des temps mauvais arrivent et se prolongent, où les sentimens généreux s'éteignent; où les lois de l'honneur ont disparu; où l'opinion publique n'est ni un appui, ni un frein; où, sans énergie et sans couleur, comme les mœurs, elle déshérite également le bien, de l'estime, et le mal, de la honte.

XXV. La justice se perfectionne dans la bonté, comme la générosité dans la sagesse.

XXVI. J'entends sans cesse retentir, autour des autorités, ce cri solennel: Soyez impassibles, comme la loi.

Et moi, qui puis aussi me rendre témoi

gnage d'avoir toute ma vie médité les principes, les moyens, le but de la justice; la liaison nécessaire et l'utile accord des opérations de l'esprit avec les nobles mouvemens de l'âme, je dis à toutes les autorités :

Écartez de vous la fausse sagesse des petits esprits, qui retranchent toujours, à la haute sagesse des lois tout ce qu'ils n'en peuvent saisir; adoptez les faibles et les délaissés, comme la loi; soyez sensibles pour eux, autant que la loi même. Quels autres ont plus besoin de sa protection? Pour quels autres a-t-elle été faite? Ouvrez vos cœurs à leurs humbles prières; car qui ne les sent pas, les méprise. Fermez vos esprits à tous les sophismes des hommes en crédit et en pouvoir, qui, usurpant toujours, se prétendent toujours envahis. Là, seulement, est le danger de la justice.

XXVII. Tant qu'une autorité répressive ne croit pas de son devoir de s'interposer entre l'oppresseur et l'opprimé, il est clair que l'opprimé n'a d'autre juge que l'oppresseur. Est-ce là ce qu'on veut, avec l'impassibilité du magistrat?

« PreviousContinue »