Pour comble de misère, un tas de faux docteurs Vint flatter les péchés de discours imposteurs; Infectant les esprits d'exécrables maximes, Voulut faire à Dieu même approuver tous les crimes Une servile peur tint lieu de charité;
Le besoin d'aimer Dieu passa pour nouveauté; Et chacun à mes pieds, conservant sa malice, N'apporta de vertu que l'aveu de son vice.
Pour éviter l'affront de ces noirs attentats, Je vins chercher le calme au séjour des frimas, Sur ces monts entourés d'une éternelle glace, Où jamais au printemps les hivers n'ont fait place : Mais, jusque dans la nuit de mes sacrés déserts, Le bruit de mes malheurs fait retentir les airs. Aujourd'hui même encore une voix trop fidèle M'a d'un triste désastre apporté la nouvelle : J'apprends que, dans ce temple où le plus saint des rois 1 Consacra tout le fruit de ses pieux exploits, Et signala pour moi sa pompeuse largesse, L'implacable Discorde et l'infâme Mollesse, Foulant aux pieds les lois, l'honneur et le devoir, Usurpent en mon nom le souverain pouvoir. Souffriras-tu, ma sœur une action si noire? Quoi! ce temple, à ta porte élevé pour ma gloire, Où jadis des humains j'attirais tous les vœux, Sera de leurs combats le théâtre honteux! Non, non, il faut enfin que ma vengeance éclate : Assez et trop longtemps l'impunité les flatte. Prends ton glaive, et, fondant sur ces audacieux, Viens aux yeux des mortels justifier les cieux.
Ainsi parle à sa sœur cette vierge enflammée : La grâce est dans ses yeux d'un feu pur allumée. Thémis sans différer lui promet son secours, La flatte, la rassure, et lui tient ce discours :
Chère et divine sœur, dont les mains secourables
1 Saint Louis, fondateur de la Sainte-Chapelle. (BOIL.) - Elle fut consacrée en
Ont tant de fois séché les pleurs des misérables, Pourquoi toi-même, en proie à tes vives douleurs, Cherches-tu sans raison à grossir tes malheurs? En vain de tes sujets l'ardeur est ralentie : D'un ciment éternel ton Église est bâtie;
Et jamais de l'enfer les noirs frémissements N'en sauraient ébranler les fermes fondements. Au milieu des combats, des troubles, des querelles, Ton nom encor chéri vit au sein des fidèles.
Crois-moi, dans ce lieu même où l'on veut t'opprimer. Le trouble qui t'étonne est facile à calmer; Et, pour y rappeler la paix tant désirée, Je vais t'ouvrir, ma sœur, une route assurée. Prête-moi donc l'oreille, et retiens tes soupirs.
Vers ce temple fameux, si cher à tes désirs, Où le ciel fut pour toi si prodigue en miracles, Non loin de ce palais où je rends mes oracles, Est un vaste séjour des mortels révéré,
Et de clients soumis à toute heure entouré.
Là, sous le faix pompeux de ma pourpre honorable, Veille au soin de ma gloire un homme incomparable', Ariste, dont le ciel et Louis ont fait choix
Pour régler ma balance et dispenser mes lois. Par lui dans le barreau sur mon trône affermie, Je vois hurler en vain la chicane ennemie : Par lui la vérité ne craint plus l'imposteur, Et l'orphelin n'est plus dévoré du tuteur. Mais pourquoi vainement t'en retracer l'image? Tu le connais assez : Ariste est ton ouvrage ; C'est toi qui le formas dès ses plus jeunes ans : Son mérite sans tache est un de tes présents. Tes divines leçons, avec le lait sucées, Allumèrent l'ardeur de ses nobles pensées.
Ainsi son cœur, pour toi brûlant d'un si beau feu,
1 M. de Lamoignon, premier président. (Bou..) - C'est de lui que Louis XIV a dit : « Si j'avais connu un plus homme de bien et un plus digne sujet, je l'aurais choisi. >>
N'en fit dans le monde un lâche désaveu;
Et son zèle hardi, toujours prêt à paroître, N'alla point se cacher dans les ombres d'un cloître. Va le trouver, ma sœur : à ton auguste nom Tout s'ouvrira d'abord en sa sainte maison. Ton visage est connu de sa noble famille; Tout y garde tes lois, enfants, sœur, femme, Tes yeux d'un seul regard sauront le pénétrer; Et, pour obtenir tout, tu n'as qu'à te montrer. Là s'arrête Thémis. La Piété charmée Sent renaître la joie en son âme calmée. Elle court chez Ariste; et s'offrant à ses yeux : Que me sert, lui dit-elle, Ariste, qu'en tous lieux Tu signales pour moi ton zèle et ton courage, Si la Discorde impie à ta porte m'outrage? Deux puissants ennemis, par elle envenimés, Dans ces murs, autrefois si saints, si renommés, A mes sacrés autels font un profane insulte, Remplissent tout d'effroi, de trouble et de tumulte. De leur crime à leurs yeux va-t'en peindre l'horreur. Sauve-moi, sauve-les de leur propre fureur.
Elle sort à ces mots. Le héros en prière Demeure tout couvert de feux et de lumière. De la céleste fille il reconnaît l'éclat,
Et mande au même instant le chantre et le prélat. Muse, c'est à ce coup que mon esprit timide Dans sa course élevée a besoin qu'on le guide, Pour chanter par quels soins, par quels nobles travaux Un mortel sut fléchir ces superbes rivaux.
Mais plutôt, toi qui fis ce merveilleux ouvrage, Ariste, c'est à toi d'en instruire notre âge. Seul tu peux révéler par quel art tout-puissant Tu rendis tout à coup le chantre obéissant 1.
Le premier président fit comprendre au trésorier que ce pupitre n'ayant, dans l'origine, été élevé que pour la commodité du chantre, celui-ci ne pouvait èure assujetti à le conserver. Toutefois, et par forme de satisfaction, il fit consentir le chantre a laisser replacer ce pupitre devant lui, mais pour un jour
Tu sais par quel conseil rassemblant le chapitre, Lui-même, de sa main, reporta le pupitre ; Et comment le prélat, de ses respects content, Le fit du banc fatal enlever à l'instant.
Parle donc c'est à toi d'éclaircir ces merveilles. Il me suffit, pour moi, d'avoir su, par mes veilles, Jusqu'au sixième chant pousser ma fiction,
Et fait d'un vain pupitre un second Ilion.
Finissons. Aussi bien, quelque ardeur qui m'inspire, Quand je songe au héros qu'il me reste à décrire, Qu'il faut parler de toi, mon esprit éperdu Demeure sans parole, interdit, confondu.
Ariste, c'est ainsi qu'en ce sénat illustre
Où Thémis par tes soins reprend son premier lustre, Quand, la première fois, un athlète nouveau Vient combattre en champ clos aux joutes du barreau, Souvent, sans y penser, ton auguste présence Troublant par trop d'éclat sa timide éloquence, Le nouveau Cicéron, tremblant, décoloré,
Cherche en vain son discours sur sa langue égaré; En vain, pour gagner temps, dans ses transes affreuses, Traîne d'un dernier mot les syllabes honteuses;
Il hésite, il bégaye; et le triste orateur
Demeure enfin muet aux yeux du spectateur.
L'ode suivante a été composée à l'occasion de ces étranges dialogues' qui ont paru depuis quelque temps, où tous les plus grands écrivains de l'antiquité sont traités d'esprits médiocres, de gens à être mis en parallèle avec les Chapelains et avec les Cotins, et où, voulant faire honneur à notre siècle, on l'a en quelque sorte diffamé, en faisant voir qu'il s'y trouve des hommes capables d'écrire des choses si peu sensées. Pindare est des plus maltraités. Comme les beautés de ce poëte sont extrêmement renfermées dans sa langue, l'auteur de ces dialogues, qui vraisemblablement ne sait point de grec, et qui n'a lu Pindare que dans des traductions latines assez défectueuses, a pris pour galimatias tout ce que la faibless e de ses lumières ne lui permettait pas de comprendre. Il a surtout traité de ridicules ces endroits merveilleux où le poëte, pour marquer un esprit entièrement hors de soi, rompt quelquefois de dessein formé la suite de son discours; et, afin de mieux entrer dans la raison, sort, s'il faut ainsi parler, de la raison même, évitant avec grand soin cet ordre méthodique et ces exactes liaisons de sens qui ôteraient l'âme à la poésie lyrique. Le censeur dont je parle n'a pas pris garde qu'en attaquant ces nobles hardiesses de Pindare, il donnait lieu de croire qu'il n'a jamais conçu le sublime des psaumes de David, où, s'il est permis de parler de ces saints cantiques à propos de choses si profanes, il y a beaucoup de ces sens rompus, qui servent même quelquefois à en faire sentir la divinité. Ce critique, selon toutes les apparences, n'est pas fort convaincu du précepte que j'ai avancé dans mon Art poétique, à propos de l'ode :
Son style impétueux souvent marche au hasard : chez elle un beau désordre est un effet de l'art.
Ce précepte, effectivement, qui donne pour règle de ne point
■ Parallèle des anciens et des modernes, en forme de dialogue. (BOIL.) · Ouvrage de Perrault, en quatre volumes, dont trois seulement avaient paru quand Boileau composa son ode. Le quatrième ne fut publié que trois ans après, en 1696
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