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les yeux plus qu'ils ne plaisent au bon sens. Cependant on | légères, et, après tout, celle-ci est d'un maître et d'une n'oserait pousser bien loin la critique à propos d'œuvres si des plus belles époques de l'art. Polydore Caldara, dit de

Caravage, était né à Caravaggio, dans le Milanais, en 1495, un siècle avant Michel-Ange Amerighi, surnommé aussi Caravage et plus connu. Il eut la gloire d'être estimé et employé par Raphaël : c'est lui qui a fait les frises de plusieurs des célèbres fresques du Vatican, notamment de celle qui représente la victoire de Constantin. On montre, à Messine, un de ses tableaux les plus remarquables: le Christ portant sa croix. Il excellait dans l'art décoratif appliqué à l'architecture, les trophées, les grisailles. Il n'avait que quarante-huit ans, lorsqu'il fut assassiné, à Messine, par son domestique.

LES TASSES DE MA GRAND'MÈRE.

NOUVELLE.

Fin. Voy. p. 69.

Mon frère Alphonse, emporté par son cheval, était tombé sur le pont de S...; on l'avait relevé expirant. L'ami qui m'annonçait cette affreuse nouvelle avait été profondément ému de la douleur de la pauvre jeune veuve; ses impressions, vivement exprimées, m'intéressèrent à elle. Je me rappelais avec amertume mes torts envers Alphonse, et il me tardait d'avoir l'occasion de les réparer. Je partis donc, et, aussitôt arrivé, je me présentai chez ma belle-sœur en demandant avec instance à être introduit. Elle me fit répondre qu'elle ne recevait encore que des amis intimes, et qu'il lui serait impossible de supporter ma vue. Cette réponse me causa un vrai chagrin; il me semblait que, sur une tombe aimée, elle aurait dû, comme moi, oublier les causes justes ou non qui nous avaient éloignés l'un de l'autre. Qui pouvait partager sa douleur mieux que le frère de son mari? Je revins cependant quelques jours après, mais moins disposé peut-être à lui serrer la main sans arrière-pensée. Cette fois on me fit entrer. Ce n'était pas sans trouble que je me préparais à parler de nouveau à cette jeune femme que je n'avais vue qu'une fois en ma vie, alors qu'elle n'était pour moi qu'une étrangère dont je croyais avoir lieu de me plaindre, et que j'allais retrouver aujourd'hui portant le deuil de mon frère et me recevant à titre de son plus proche parent. Mais elle me reçut sans effusion aucune; elle ne voulut me laisser voir ni sa douleur ni l'intérêt que pouvait lui inspirer la mienne. Son cœur restait fermé, en souvenir non-seulement de la désapprobation que j'avais manifestée à l'occasion de son mariage, mais encore du chagrin qu'avait éprouvé Alphonse de notre désunion, dont elle mettait tout le tort de mon côté. Elle me regardait comme incapable de sympathie véritable pour elle, et allait même, je crois, jusqu'à douter de la sincérité de mes regrets. Lorsque j'essayai de faire allusion à notre épreuve commune, épreuve, me semblait-il, qui devenait un lien entre nous, elle détourna brusquement le cours de l'entretien.

Je ne l'accuse pas, mon cher ami, car depuis j'ai appris à la connaître et à mieux comprendre cette âme vivement impressionnable, qui trop souvent se ferme avec passion ou s'ouvre avec une candeur d'enfant. Si j'étais venu à elle en implorant son pardon, elle me l'eût accordé sans hésiter; elle m'eût donné même une large place dans son affection; mais ne lisant pas assez profondément dans mon âme, elle me rejeta sans m'entendre. Un plus noble motif, que je ne connus pas alors, pour mon malheur, lui inspirait aussi cette attitude hautaine et impassible qui refoula en moi toutes mes dispositions à lui donner mon amitié. Mon frère n'ayant pas fait de testament, sa veuve n'avait aucun droit à sa fortune; j'étais son seul héritier légitime. Dans sa juste fierté, elle craignait que la moindre avance de sa part ne parût un moyen de m'attendrir, une insinuation pour m'engager à lui venir en aide.

J'étais bien loin de soupçonner qu'elle eût de semblables pensées. Je la quittai fort mécontent, et même, il faut bien en faire l'aveu, lorsque j'appris que la fortune de mon frère m'était dévolue par la loi, j'éprouvai une mauvaise satisfaction en songeant que j'avais en quelque sorte le pouvoir de punir cette femme de ses procédés à mon égard. Je m'occupai aussitôt d'entrer en possession des biens dont j'héritais, et comme plusieurs titres qui faisaient partie de papiers demeurés chez ma grand mère m'étaient indispensables, je résolus de me rendre dans ma ville natale. J'entrepris ce voyage avec des préoccupations d'esprit qui ne ressemblaient guère, hélas! aux douces et mélancoliques émotions qu'en tout autre temps une semblable visite m'eût fait éprouver.

J'arrivai par une radieuse matinée de juin, et, sans perdre un instant, je me dirigeai vers la pauvre demeure inhabitée depuis près de trois ans.

Je pénétrai dans le vestibule, puis dans le petit salon; je me hâtai d'ouvrir fenêtres et volets: les joyeux rayons du soleil firent irruption et éclairèrent comme par enchantement les scènes si familières de mon enfance. Je me laissai tomber dans un fauteuil, le vieux fauteuil de mon aïeule, et, sans repousser les souvenirs mélancoliques qui m'assaillaient en foule, je me mis à contempler avec une indicible tristesse ces divers objets inanimés qui tous avaient une histoire à me dire, une histoire de tendresse et d'inno

cence.

Chaque chose était restée à sa place dans ce lieu vénéré, et, si ce n'eût été la poussière qui avait étendu partout son voile gris, on aurait pu croire que celle qui l'animait jadis de sa présence n'avait cessé de l'occuper que la veille. Ah! si vous aviez une voix, pensai-je, que me diriez-vous, vous que le temps a respectés? Sans doute vous me plaindriez en me voyant revenir seul, sans famille, le cœur blessé, dans cet asile où j'étais si heureux de l'affection de mes parents! Et je commençai une minutieuse revue de tous ces objets devenus pour moi des reliques sacrées. Bientôt mes yeux rencontrèrent ces tasses de porcelaine rangées symétriquement, selon l'invariable coutume, sur le petit guéridon au fond de la chambre. Quelle foule d'impressions leur vue réveilla en moi! Impressions du passé si vivantes, si présentes, que je n'y résistai pas, je fondis en larmes. Je m'abandonnai longtemps à ces émotions douces et tristes à la fois, et mon cœur en fut soulagé.

Lorsque je redevins plus calme, j'attachai de nouveau les yeux sur ces humbles petites coupes, et j'évoquai volontairement les scènes enfantines, et cependant si sérieuses parfois, dont elles avaient été témoins.

Un jour, il m'en souvenait, comme nous prenions le café, on avait introduit dans le salon une petite fille qui venait prier mon aïeule d'assister sa mère, pauvre et malade. L'enfant était transie, car il faisait grand froid; elle jeta un regard de timide convoitise sur une tasse encore pleine c'était la tasse de ma grand'mère, qui comprit le regard de l'enfant, et lui présentant son café fumant :

Prends, ma petite, dit-elle, je ne l'ai pas encore touché; prends, cela te réchauffera. Demain j'irai voir ta mère, je te le promets.

Aves quelle volupté l'enfant but ce café, et comme elle avait l'air ravi, ma bonne petite grand'mère ! Nous ne fimes aucune observation sur ce qui venait de se passer; mais, en secret, chacun aurait voulu être à sa place.

Est-il bien vrai? murmura ma conscience en cet instant; n'est-il pas en ton pouvoir aussi de donner à qui besoin, et si cela rend heureux, comme tu le dis, qui t'empêche de l'être, réponds?

Je fis taire cette voix importune en alléguant que le

sacrifice auquel elle faisait allusion était d'une tout autre nature; et je me replongeai dans mes souvenirs.

Une autre fois, nous étions autour de la même table, et je racontais, en me plaignant, que la veille, au collège, on avait, à mes dépens, favorisé de la première place un de mes amis; et cependant, ajoutai-je, cette place était mon droit, tous les autres élèves le savent et le disent comme moi.

-Non, dit-elle, je n'en doute pas.

Ainsi donc, ce n'est qu'une justice tardive qui vous est faite, et j'ai besoin que vous oubliez beaucoup pour me pardonner. Mais, pour l'amour d'Alphonse, vous oublierez, n'est-il pas vrai?

Oh! dit-elle d'une voix tremblante, je vois maintenant combien il avait raison de vous aimer. Et moi aussi je vous aime à présent, ajouta-t-elle avec un charmant aban

---- Eh bien, mon ami, me dit ma grand mère, il faut don. Désormais, je serai votre sœur, votre véritable sœur. quelquefois savoir céder son droit aux autres.

Oh! grand'maman, si c'était à vous!... m'écriai-je. Oui, reprit-elle en souriant, tu me le céderais de bonne grâce, j'en suis sûre; mais il faut savoir faire de même à l'occasion, même quand il s'agit de personnes qui ne nous sont rien.

J'allais protester, lorsque, par maladresse, je renversai mon café sur mes genoux. Chacun rit de ma mésaventure, et moi, assez mortifié, j'allai vers la fenêtre passer ma mauvaise humeur sur les mouches que je pourchassai contre les vitres. Un instant après, j'entendis à côté de moi la voix de mon frère qui me disait :

Allons, tiens donc, ce sera tout froid.

Je me retournai; il me présentait sa tasse de café presque intacte. Je le regardais, hésitant à accepter.

Prends, frère, reprit-il; j'en ai bu ma part. D'ailleurs, tu l'aimes encore plus que moi.

J'étais touché, et je ne résistai pas à sa douce invitation. Lorsqu'il reporta la tasse vide sur la table, ma grand'mère l'embrassa avec tendresse en disant :

Il a cédé son droit; j'espère que son frère saura plus tard, à son tour, suivre son exemple.

Depuis ce jour, en effet, son affection ne s'est jamais démentie.

Telle est mon histoire, mon ami. Comprenez-vous maintenant le prix que j'attache à ces pauvres petites tasses? M. Duperret ne répondit pas; il contemplait les fragiles porcelaines.

-Ah! cher ami, dit-il enfin, je crois, en effet, que si nous écoutions plus souvent ce qu'ont à nous conseiller tous les vieux souvenirs de notre enfance, nous aurions quelques fautes de moins à nous reprocher. Vous avez donné une leçon à mes cheveux blancs; de quelque part que vienne l'appel à ma conscience, je l'écouterai toujours avec respect.

COMMENT IL FAUT LIRE.

Un livre est comme un ami qui vous parle tout bas et en quelque sorte à l'oreille, et qui, pour peu qu'il ait d'art, d'habileté et d'agrément, gagne d'autant mieux votre confiance qu'il s'insinue plus doucement et plus intimement dans votre âme. Or, parmi les livres aussi, il y

O mon frère quel avertissement ! quelle sérieuse si-a de faux amis, et il est bon de savoir les discerner pour gnification dans ce simple incident! Que d'autres choses encore nous avons bues à la même coupe : l'amour de notre aïeule, les joies, les épreuves et les espoirs de ce monde! et que de fois tu m'as laissé la meilleure part, frère bien-aimé ! Oh! je veux écouter la voix du passé, et comprendre le sens prophétique de ces scènes de notre

enfance.

Et me recueillant en moi-même : Grand'mère vénérée, pensai-je, que dois-je faire? Mais pourquoi vous interroger? Je sais bien ce que vous feriez à ma place, et ce que vous auriez fait depuis longtemps.

Je demeurai un moment absorbé dans mes pensées; puis je me levai, et je quittai ce salon tout autre que je n'y étais entré. Je laissai dormir en paix les papiers que j'étais venu chercher, et, quelques jours après, je me trouvais assis à côté de ma belle-sœur.

- Ma sœur, lui dis-je, je viens vous prier de me pardonner. J'ai eu de grands torts envers vous, et j'ai besoin de votre pardon. Permettez-moi d'être votre frère, comme j'étais celui d'Alphonse.

Elle me tendit la main sans répondre; elle était visiblement émue.

--Vous me pardonnez sincèrement, n'est-ce pas ? repris-je en serrant sa main dans les miennes. Eh bien, donnez-m'en une preuve; laissez-moi vous restituer la fortune de votre mari, que j'avais voulu, Dieu me le pardonne! m'approprier injustement. Elle leva sur moi un regard étonné.

Me la restituer! mais je n'y ai aucun droit.

- Vous y avez plus de droits que moi, lui dis-je; non pas devant la loi humaine peut-être, mais devant nos consciences, dont le jugement est autrement équitable. Puisje douter, pouvez-vous douter que si Alphonse avait écrit ses volontés dernières il n'eût pas légué sa fortune à celle qui tenait la première place dans ses affections? Répondezmoi franchement, ma sœur en pouvez-vous douter?

s'en préserver. Un mauvais livre est un flatteur, un ennemi caché sous l'apparence de la bienveillance; il importe de n'en être pas dupe, et chacun en a le moyen aussi sûr que facile : c'est la conscience. Tout livre qui la blesse, qui parle, par conséquent, contre la piété, la charité, la justice, la prudence et les bonnes mœurs, quelque art perfide qu'il y mette, est un méchant et mauvais livre; comme tout livre qui la satisfait, pour peu qu'il ait d'ailleurs de ce charme sérieux qui ne messied pas à l'honnêteté, est un bon et excellent livre.

Mais il ne suffit pas, pour recueillir d'utiles fruits de ses lectures, de savoir distinguer et choisir entre les livres, il faut encore savoir lire, ce qui n'est pas aussi aisé qu'on peut d'abord le supposer. Lire, en effet, bien lire est avant tout comprendre; puis c'est juger, et s'approprier les pensées d'un auteur; c'est en faire son miel, à la manière de l'abeille, et les déposer, pour les y garder, dans le plus pur de son âme. Lire est un peu comme prier. On ne prie pas bien partout et en toute circonstance; il y faut surtout cette gravité, cette sérénité, cette pureté dans l'amour de Dieu qui sont proprement la piété. De même quand on lit, et, pour bien lire, il faut, au dedans comme au dehors, la réunion et le concours de certaines causes favorables à cet excellent exercice, je dirai presque à cette prière de l'intelligence en quête de la vérité. Ainsi pour vous, le matin ou le soir, dans la retraite et le silence de vos modestes demeures, ou dans la paix des champs, pour peu que vous vous sentiez d'ailleurs l'âme curieuse et recueillie, lisez, lisez un bon livre, et ce sera un peu comme si vous priiez; vous vous instruirez et vous édifierez, vous aurez fait un acte religieux de raison (1).

(') Conseils et allocutions adressés à des enfants d'ouvriers et à leurs familles dans des distributions de prix d'une école de village, par M. Damiron.

LE TOMBEAU DU GÉNÉRAL FOY.

Ceux qui ont vécu sous la restauration ne sauraient passer sans être émus devant ce tombeau. Ils se souviennent de leur consternation lorsque, le 28 novembre 1825, le bruit de la mort du général Foy se répandit de Paris dans toute la France. « Cent mille citoyens, dit M. de Barante, suivirent son cercueil. Ce n'était point l'empressement d'un vain esprit de parti, recrutant la foule par les passions. Les sages amis du pays, les hommes graves, les partisans les plus modérés de la liberté, marchaient, dans

ce deuil, avec une émotion aussi religieuse que la jeunesse enthousiaste ou l'opposition la plus exaltée. Une souscription fut ouverte pour doter ses enfants qu'il laissait sans fortune; elle s'éleva à près d'un million. Partout on voyait son buste et son portrait. Un monument lui fut élevé. » David d'Angers, alors à l'apogée de son talent, voulut exécuter la statue qui devait surmonter ce tombeau. Il y représenta Foy dans l'attitude de l'orateur, mais avec un costume idéal, contrairement au système hardi qui a donné à beaucoup de ses œuvres un caractère si saisissant de vérité. L'illustre citoyen n'est vêtu que d'une sorte de

AU GENERAL

FOY

SES CONCITOYENS
23 NOV. 18

Tombeau du général Foy, au cimetière du Père-Lachaise. - Architecte, M. Léon Vaudoyer; sculpteur, David d'Angers ('). manteau. A ses pieds, une épée et une couronne civique | rappellent sa double gloire sur les champs de bataille de la république et de l'empire, et à la tribune sous la restauration. Deux bas-reliefs figurent le génie de la guerre et celui de l'éloquence; deux autres, le général en Espagne et à la tribune; un cinquième est une esquisse de ses funérailles. La plupart des contemporains du général Foy ont disparu; de grandes révolutions nous séparent des nobles débats où il défendait la liberté avec un accent de conviction si énergique et si sincère; des flots de passions nouvelles ont passé sur celles qui enflammaient son âme gé

néreuse : son nom reste vivant et respecté. L'opinion publique n'est, en somme, ni injuste ni ingrate: s'il lui arrive souvent de murmurer trop bas ses mépris, ceux qui seignent de ne pas les entendre doivent bien pressentir ce qu'elle réserve à leur mémoire en voyant l'hommage éclatant qu'elle persiste à rendre aux hommes qui ont servi la France avec un cœur dévoué, une conviction inébranlable, et un désintéressement qu'aucun soupçon n'a jamais pu atteindre.

(') Euvres complètes de P.-J. David d'Angers, lithographiées par Eugène Marc, son élève. Paris, Haro, éditeur.

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Une Chaire du dix-septième siècle, par Lepautre. - Dessin de Chevignard. Ce qui frappe d'abord les yeux dans la gravure que nous reproduisons, c'est l'abondance des chapeaux; jamais on ne vit tant de têtes couvertes dans une église. Nous espéFions rencontrer quelque dissertation savante, in-folio, TOME XXX, MARS 1862,

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sous ce titre : « Des chapeaux au sermon » ; elle nous aurait expliqué la raison d'un usage qui choquerait aujourd'hui toutes les convenances. Mais, en tout temps, qu'on blâme la mode ou qu'on la vante, quand elle règne, on

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