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globe. Parfois même la saillie fait écran, et la paroi se trouve dépourvue de cristaux dans toute l'étendue qui est ainsi partagée.

Voilà d'une manière générale ce que les études les plus attentives ont permis de constater sur la formation du cristal de roche dans les filons, et l'eau qui suinte aujourd'hui dans les interstices de quelques-uns de ces antiques souterrains n'est qu'un accident sans importance. Cette eau, dans les terrains où elle peut se charger de carbonate de chaux, occasionne assez ordinairement dans les cayités qu'elle traverse des incrustations; mais ce sont des incrustations calcaires, et non pas siliceuses comme le cristal de roche. Dans quelques circonstances très-rares, et particulièrement dans les terrains volcaniques, on observe à la vérité des incrustations siliceuses, mais elles different sensiblement du cristal de roche, et n'offrent ni cette diaphanéité ni ces curieuses aiguilles qui le font rechercher. Partout l'observation démontre que le cristal de roche, autrement dit le quartz diaphane, est un produit non pas des temps modernes, mais des hautes époques de la géologie. La même substance se rencontre dans les terrains de tous les âges, car c'est elle qui constitue le grès, les pierres à feu, les galets de la plus grande partie de nos côtes; mais elle ne possède la disposition moléculaire propre au cristal de roche que dans des circonstances d'exception.

Et maintenant, pour en revenir à votre nouvelle, pourquoi va-t-on chercher effectivement cet intéressant minéral au milieu des glaces qui recouvrent les régions élevées de la chaîne des Alpes? La raison en est simple, et on la saisit sans peine si l'on réfléchit que les cimes centrales de cette chaîne sont précisément formées de roches cristallines anciennes qui, soumises à des alternatives continuelles de gel et de dégel, tombent journellement en pièces, couvrant de leurs débris les glaciers qui rampent

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à leur pied. De là ces hautes aiguilles à crêtes toujours vives, dont les hardis escarpements nous étonnent, et que les siècles futurs ne verront plus, car la main du temps ne cesse de les frapper, non pas de sa faux, la métaphore pécherait, mais d'un marteau plus puissant que celui des mineurs, qui ravive continuellement leur surface, en y mettant à jour les richesses que la nature avait enfermées à l'origine dans les entrailles de la masse. C'est de cette manière que se découvrent les cristaux déposés dans l'intérieur des filons, et dont la pureté est d'autant plus grande qu'ils ne sont en contact que de la veille avec les puissances désorganisatrices de l'atmosphère; et souvent, vu la hauteur à laquelle ils se trouvent, c'est l'humidité suintant entre les parois des filons qui trahit leur présence; mais de ce que l'humidité les accompagne, c'est tirer une conclusion illicite que de croire que l'humidité les engendre.

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ETIA FONTES

Nicolas Bailleul, prévôt des marchands (1621-1627). -Médaille de G. Dupré.

du grand conseil, charge dont il se démit pour accepter | celle de lieutenant civil de Paris. Dans ces dernières fonctions, il se concilia si bien l'affection des Parisiens qu'en 1621 il fut élu prévôt des marchands et réélu en 1624. Lorsque Nicolas Bailleul quitta la prévôté de Paris, en 1627, il fut reçu président à mortier au Parlement de Paris, puis chancelier de la reine; en 1643, il fut nommé surintendant des finances, et mourut en 1652.

Pendant les trois premières années de sa prévôté, 16211624, fut achevé l'aqueduc d'Arcueil, construit, sous la direction de Jacques Debrosse, par les ordres la reine régente Marie de Médicis, pour amener les eaux de Rungis au palais du Luxembourg, que cette reine faisait bâtir (1).

() Voy. t. VII, 1839, p. 100; t. XIII, 1845, p. 77.

Des trente pouces d'eau que fournissait l'aqueduc', dixhuit furent réservés au palais; les douze autres furent donnés à la ville de Paris, qui fit construire, pour les recevoir, quatorze fontaines, dont plusieurs existent encore, sur la rive gauche de la Seine, jusqu'alors dépourvue de distribution d'eau. Nicolas Bailleul présida à ces constructions, en mémoire desquelles a été frappée la médaille que nous reproduisons, d'après le Trésor de numismatique et de glyptique (Médailles françaises, 2e partie, planche XVIII, figure 4). L'original existe au cabinet des médailles de la Bibliothèque de la rue de Richelieu; elle a été exécutée par G. Dupré.

Une rue de Paris porte le nom de Bailleul, qui lui vient de Robert Bailleul, clerc des comptes au quinzième siècle, et probablement un des ancêtres de Nicolas Bailleul.

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Cette église est de deux styles très-différents. La tour de droite, avec son appareil et ses modillons, appartient au style roman; la tour de gauche, beaucoup plus élevée, ne date que de la fin du quinzième siècle. Feu M. Lassus, notre collaborateur regretté, a donné, dans l'Histoire de l'Aigle de M. Vougeois, des notes intéressantes sur cette seconde tour.

En 1494, l'accroissement de la population ayant obligé d'agrandir l'église de Saint-Martin, on résolut d'y ajouter, du côté du nord, une aile qui, vers l'orient, serait terminée par une tour d'un beau style et ornée de sculptures. Au mois de mai de ladite année, les travaux furent commencés, et on les suivit avec tant d'activité qu'ils ne durèrent que cinq ans : la dernière année ne paraît même avoir été employée qu'à terminer les ornements, car, quatre ans après la pose de la première pierre, la tour avait été en état de recevoir les cloches, qui étaient au nombre de six. A l'un des angles se trouve l'escalier pratiqué dans une tourelle octogone, à porte engagée dans la grosse tour.

A l'étage supérieur, les contre-forts, ainsi que les faces de la tourelle qui contient l'escalier, sont ornés de belles figures représentant les personnages suivants : un évêque mitré; la Vierge et l'Enfant Jésus; la Force, drapée dans un manteau et tenant de la main gauche une tour appuyée sur sa poitrine; la Foi tenant un calice; un cardinal; saint Jacques le Majeur; saint Michel terrassant le démon; saint Jean; saint Nicolas; saint Christophe; le Christ tenant la boule du monde.

Toutes ces statues sont posées sur de riches culs-delampe saillants, et couronnées par des dais d'une sculpture très-délicate. Dans toute cette ornementation, on retrouve les caractères propres à l'architecture de la fin du quinzième siècle et du commencement du seizième.

Divers indices annoncent que la tour que nous venons de décrire devait être terminée par une flèche en pierre; elle a cela de commun avec deux belles tours de la même région, celles de Rugles et de la Madeleine de Verneuil, qui sont bâties exactement dans le même goût et où l'on voit encore quelques pieds de la racine des flèches qui devaient les terminer.

La seconde aile de l'église, qui renferme quelques vitraux du seizième siècle, a été commencée en 1545.

LES CHERCHEURS DE CRISTAL. SECOND RÉCIT.

Suite.

- Voy. p. 326, 334, 338, 346. Comme il est agréable de rentrer au logis après une semblable catastrophe! dit le chamoiseur. Pour une centaine de francs que l'on gagne...

C'est justement le prix convenu entre moi et le mari; mais le pauvre homme m'a donné de plus un médaillon en or, que j'ai là dans mon armoire, et que j'avais retrouvé sur la dame. Ils devaient y mettre le portrait de leur premier enfant M. Liniers ne voulait plus le voir.

Je le crois bien! mais si affligeante qu'ait pu être cette aventure, au moins n'as-tu pas risqué de t'y rompre le cou, tandis que moi, l'année dernière, mon diable d'Américain a failli m'envoyer dans l'autre monde; si je vis encore, ce n'est pas de sa faute.

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comme les grues que nous entendons, la nuit, passer en criant au-dessus de nos chalets.

-Va toujours, reprit l'armurier; de quoi veux-tu que nous causions, quand nous sommes d'une humeur sombre? Il y a des moments où la plaisanterie n'amuse guère.

Eh bien donc, pendant que nous étions sur la Mer de Glace et que le naturaliste dessinait les aiguilles du Drn et du Moine, il me dit tout à coup

J'ai une soif extrême, qui vient sans doute de la sécheresse de l'air; nous n'avons apporté que du vin, et je boirais avec délices un verre d'eau ; si vous pouviez m'en trouver, vous me feriez un grand plaisir.

A une hauteur aussi grande, où tout est gelé, où l'on n'aperçoit que des masses de granit, ce n'est pas facile, répondis-je; mais puisque vous y tenez, j'essayerai de vous satisfaire.

Allez, mon ami, me répliqua M. Forbes, et vous m'obligerez beaucoup.

Je m'achemine donc vers le sauvage promontoire de Trélaporte, qui était le plus voisin de nous. J'escalade les premières saillies, j'entre dans des couloirs, je pénètre dans des combes où personne, je suppose, n'avait mis le pied avant moi: efforts inutiles. Le rocher nu, compacte, formant une seule masse, m'environnait de toutes parts. Je cherchais depuis une demi-heure, quand je découvre au loin deux hommes perchés sur une crête qui me font des signes pour m'appeler. C'était un peu plus bas; je descends vers eux et les rejoins, non sans peine. Ils me montrent alors, au-dessous de l'endroit où nous nous trouvions, un homme debout sur une corniche. Cette espèce de balcon naturel était large d'un pied tout au plus, et long de cinq ou six; du gazon en tapissait la surface et quelques genévriers y tordaient leurs rameaux chétifs. Par delà le mince gradin, une muraille perpendiculaire descendait dans une gorge qui paraissait avoir cent toises de profondeur. Je ne concevais pas d'abord comment l'étranger, en glissant ou en tombant de la cime, avait pu s'arrêter sur la console et n'avait point roulé au fond du précipice. Mais des ronces et des buissons qui cramponnaient leurs racines aux creux, aux fissures de la pierre, entre le haut du massif et l'étroite galerie, ayant accroché les vêtements du personnage, avaient amorti sa chute. Son pantalon était déchiré, sa jaquette en lambeaux. Il avait voulu, l'imprudent, visiter seul la Mer de Glace, chercher sans conducteur des points de vue. Le pied lui avait glissé au bord de l'attique d'où il admirait l'immense et terrible paysage. Il était là depuis vingt-quatre heures, comme il nous l'apprit bientôt. La nuit heureusement n'avait pas été froide, en sorte qu'il avait pu attendre le jour sans trop souffrir. Mais la vue de l'abîme et la crainte de mourir de faim troublaient sa raison. Quelqu'un l'apercevrait-il? Parviendrait-on à le hisser dans les airs? Bien souvent, tu le sais, des semaines entières se passent sans qu'on visite ces redoutables solitudes. L'imprudent touriste se voyait exposé au plus cruel supplice. Et, en attendant, il se pressait contre le rocher, n'osait faire un mouvement, de peur de tomber dans le gouffre.

Mais sa bonne étoile voulut que, le lendemain, deux jeunes gens partissent de Chamouny pour aller au Courtil (1). Du haut de son observatoire, l'étranger les aperçut, leur fit des signes et implora leur secours à grands cris. Les braves montagnards ne balancent point; ils s'aventurent en de périlleux détours et, après une longue marche,

(') C'est un rocher qui présente une surface de trois hectares, où a fini par s'amasser une couche de terre végétale, et qui se dresse, comme un jardin suspendu, au centre du glacier que domine le Talèfre. Mille plantes aromatiques le festonnent pendant le mois d'août. Une arête de pierres et de gravier forme alentour une véritable en

ceinte.

après avoir failli eux-mêmes se rompre le cou, ils atteignent le haut du roc d'où avait glissé le voyageur. Mais là, comment le tirer de sa prison en plein air? Les jeunes gens avaient apporté un rouleau de corde; malheureusement elle était trop mince, elle ressemblait à de la ficelle et ne pouvait enlever un homme qui ne se serait pas beaucoup aidé luimême. N'en possédant point d'autre, ils n'en avaient pas trouvé chez leurs connaissances. Or le touriste n'avait plus ni force, ni présence d'esprit. Vainement on lui descendit un bout de la cordelette, on lui cria de l'attacher autour de sa taille; il semblait d'abord ne pas comprendre, et quand il eut noué à ses reins le trop faible lacet, il demeura immobile comme une souche. Les sauveteurs, placés d'une manière désavantageuse, sur une crète fort étroite, étaient obligés de calculer tous leurs mouvements. Ni l'un ni l'autre ne voulait descendre auprès de l'Américain, ou, pour mieux dire, aucun d'eux n'y songeait. Ce fut au milieu de cette perplexité qu'ils me découvrirent et me hélèrent. Je n'eus garde de les laisser dans la peine, quoique le naturaliste m'attendit.

Me voilà donc grimpant de mon mieux vers l'arête, où ils ne savaient plus quel parti prendre. J'arrive au bout d'une demi-heure, et je me trouve aussi embarrassé qu'eux. ---Il faut se procurer une autre corde, leur dis-je enfin, ou aller chercher le voyageur. Il a perdu la tête. Si j'osais, je le prendrais sur mes épaules et, me cramponnant aux irrégularités, aux saillies de la pierre, tandis que vous allégeriez notre poids au moyen de la cordelle, je le monterais ici. Mais ce serait jouer sa vie pour une faible chance de succès.

Les jeunes gens effrayés gardèrent le silence, et j'hésitai une minute.

--- Bah! m'écriai-je, ce sera plus tôt fait. Aidez-moi, mes garçons. Ayez l'œil au guet et la main ferme.

Aussitôt, sans plus réfléchir, pour ne pas m'énerver, je me glisse de pointe en pointe, je m'attache à la pierre, aux buissons, je descends beaucoup plus avec les mains qu'avec les pieds. J'ai le bonheur de parvenir sain et sauf sur la corniche.

---Oh! vous êtes généreux, dit le patient, qui m'examine d'un œil effaré. Vous venez pour mourir avec moi, mais c'était inutile.

Je ne viens pas du tout pour mourir; je viens, au contraire, pour vous sauver si c'est possible.

Me sauver? et de quelle façon?

Parbleu! je vais vous prendre sur mon dos. Je suis fort, je suis adroit; j'espère que le ciel ne me refusera pas son aide et que je grimperai là-haut sans accident.

Je ne l'espère pas, mais il faut en finir. Je meurs de faim.

Allons, détachez la corde, que je la mette autour de moi. Bon. Placez-vous maintenant. Ohé! les camarades, faites attention! Tirez, et ne tirez pas trop fort. Je comLa suite à la prochaine livraison.

mence.

LE DÉCOUPAGE AU CANIVET.

Il existe quelques livres dont les lettres et les vignettes ou estampes ont été découpées à la main. Certains bibliophiles les ont désignés par cette périphrase énigmatique : Cum figuris et characteribus ex nulla materia compositis; c'est-à-dire livres dont « les figures et les caractères ne sont faits d'aucune matière. »

Pour concevoir une idée de ces œuvres fort rares, il faut se représenter des peaux de vélin ou des folios de papier percés à jour à l'aide d'un instrument acéré, où les vides produits par l'outil, se combinant à la matière épargnée, représentent avec une remarquable perfection le texte, les

majuscules, les lettres capitales, les vignettes, les grands sujets, en un mot tous les ornements que l'on admire dans les beaux livres illustrés.

Le vélin ou le papier ont été champlevés comme le bois dans la xylographie, c'est-à-dire par la pointe; mais dans cette dernière opération la plaque n'est fouillée que jusqu'à une certaine profondeur et les traits du dessin sont laissés en saillie, tandis que, dans le découpage, le parchemin est perforé complétement et offre l'aspect d'une dentelle ourdie par les tailles. C'est une gravure à laquelle le fond manque. Pour combler cette lacune et ne rien faire perdre aux yeux des détails du découpage, on place derrière ces déchiquetures un corps opaque et coloré, rouge, bleu, noir, orange; en sorte que le vélin, à travers ses tailles blanches, laisse, quand le livre est ouvert, apercevoir ce fond de couleur sur lequel les lettres capitales, les vignettes, les estampes viennent s'appliquer et se détachent en faisant saillie, comme un camée dont les couches inférieures plus ou moins obscures font ressortir les figures en blanc.

On doit remarquer particulièrement les minuscules, les majuscules, qu'il ne faut pas confondre avec les capitales; et aussi les signes numériques et de ponctuation, et quelques menus ornements que l'on rencontre disséminés çà et là dans ces livres singuliers. La façon dont ces objets sont rendus se base sur une autre méthode. L'artiste les a exécutés à l'aide de la gravure en creux. Leur image, préalablement dessinée sans doute, a été évidée, enlevée complètement par l'instrument; et, constitués par leurs contours seuls, ces signes, ces lettres, ces ornements, empruntent pour leur coloration le corps opaque sur lequel leur vide est appliqué.

Enfin, faisant un dernier appel à la gravure en creux et la combinant avec la gravure en relief, l'artiste a pratiqué dans le vélin découpé qui constitue les lettres capitales, les vignettes et les estampes, des tailles d'une délicatesse extrême, au fond desquelles le fond coloré se fait jour. Le résultat de ce dernier travail est d'indiquer l'ombre et la lumière, d'accentuer le clair-obscur, de modeler et de différencier les détails, d'obtenir des effets de perspective et de second plan, de réaliser enfin l'illusion d'une gravure finement et purement exécutée.

Si par la pensée on accolait la peau de vélin à la feuille colorée qui la suit, on obtiendrait par cette alliance, comme par la xylographie, un folio anopistographié à deux couleurs, ou quelque chose d'analogue à ces enluminures polychromes des anciens manuscrits et des premiers livres imprimés.

Comme on le voit, ces figures, ces caractères, ne sont pas absolument composés ex nulla materia; le vélin a été travaillé de telle sorte qu'il constitue une matrice tantôt négative, tantôt positive, comme ces patrons découpés, ces poncifs dont l'intervention active se fait si souvent sentir dans l'industrie et l'art contemporains.

Le dessin que nous donnons page 356 sert de fron--tispice à l'un de ces livres découpés. Le graveur a con-sacré son habileté à buriner sur vingt-trois folios de vélin les Psaumes de la pénitence, les illustrant de vignettes, de lettres capitales d'un style romain très-pur, et de sept estampes épisodiques empruntées à l'histoire de David et de Bethsabée.

La méthode d'ouvrer ainsi le parchemin, d'y découper d'élégantes dentelles comme on le fait dans le bois, la pierre, le métal, paraît avoir été à la mode pendant la renaissance. L'esprit patient et audacieux de ce siècle de merveilles se plaisait à se heurter aux tentatives difficiles. en cherchant à agrandir le domaine de l'art. L'idée de transformer le patron découpé en un petit chef-d'œuvre plein d'originalité et de bon goût avait passionné quelquesuns de ces chercheurs obstinés.

Mais on aurait peine à croire, dit un auteur ('), que quelqu'un se fut avisé de faire tout un livre entièrement ainsi percé à jour. Cependant il s'en trouvait un tel en 1640 dans le cabinet d'Albert Henry, prince de Ligne; et comme c'est probablement le seul et unique volume d'une si singulière fabrique, j'en donnerai d'autant plus volontiers ici la description qu'elle contient quelques particularités assez curieuses et qu'elle ne se trouve que dans un livre assez peu commun. La voici telle qu'on peut l'y voir (2): « Liber Passionis Domini nostri Jesu Christi, cum » figuris et characteribus ex nulla materia compositis,

» in-8. »

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» Ce livre est en vélin fait à la pointe du canivet, en sorte que les figures et les caractères en sont percés à jour. L'empereur Rodolphe, l'ayant veu, fit savoir si le prince de Ligne s'en vouloit faire quitte, lui en offrant unze mille escus d'or. Aussy une personne voyant la Bibliothèque du Vaticant, ceux qui lui faisoient veoir advouérent qu'il n'y avoit chose à l'esgal du livre qu'ils avoient veu entre les mains du prince de Ligne. »

Le canivet n'était sans doute que la pointe des anciens graveurs sur bois, qui différait sensiblement, surtout par la manière dont elle était maniée, de l'instrument en usage de nos jours et qui porte le même nom.

Le découpage au canivet nécessitait des soins, des lenteurs, des dépenses que pouvaient seuls aborder des génies patients et des Mécènes bien rentés. Aussi ne signale-t-on que de très-rares spécimens de ces ceuvres fragiles où le procédé de la gravure en creux se trouve combiné avec celui de la gravure en relief. Indépendamment du livre de

(') Prosper Marchand, Histoire de l'imprimerie, t. Ier, p. 9. (*) Antonius Sanderus, Bibliotheca belgica manuscripta.

la Passion et du livre des Psaumes, on ne connaît guère que l'Abécédaire offert à Louis XIV enfant, de la Bibliothèque de Rouen.

A côté de ces artistes habiles, quelques autres, arrêtés sans doute par la difficulté de la gravure en creux, se bornèrent au découpage en relief. Leurs ouvrages sont moins parfaits, moins achevés, moins prestigieux; cependant ils offrent encore un cachet fort original. La Bibliothèque impériale et celle de Rouen renferment des Heures découpées de cette manière. G. Debure croit que celles de Paris ont été formées à l'emporte-pièce (1). Cette opinion, qui n'est appuyée sur aucun fait, est infirmée d'abord par le récit de Sanderus, et surtout par les nombreuses irrégularités qu'on remarque dans la configuration des caractères; ces frrégularités n'existeraient point si l'on s'était servi d'un moule identique pour chacun d'eux. Les Heures de Paris renferment des estampes dont l'artiste n'a pas osé aborder le découpage, et qu'il s'est borné à enjoliver à l'aide du crayon et du pinceau.

Un temps vint où l'industrie s'empara du découpage au canivet et le modifia encore. En 1687, Maximilien Misson voyait à Rotterdam, dans la fabrique de Van Vliet, « de » curieux ouvrages en papier », représentant des navires, » des palais, des paysages entiers en espèce de bas-reliefs; >> tout cela, dit-on, fait et rapporté à la seule pointe du » canif. »(2) Ces productions, devenues plus nombreuses, perdirent-elles de leur élégance? substitua-t-on en partie la mécanique à la main? Le récit laconique de Misson ne permet guère de décider. Enfin, la mode s'en mêlant, le découpage se répandit dans les boudoirs, les couvents, décora les salons, les chapelles, embellit les images des saints et des grands personnages. Mais ces produits vulgaires sont loin des œuvres d'art du seizième siècle. Des ciseaux inexpérimentés y ont remplacé le canivet (3).

L'ancien art du canivet est représenté aujourd'hui par le découpage à l'emporte-pièce qui enguirlande les gravures de piété éditées par MM. Dopter et Letaille.

Quant au livre d'où est tirée notre gravure, il paraît avoir été offert par Marguerite de Valois à son frère le roi François Ier. Ce frontispice avec ses médaillons de salamandres, ses F couronnées, l'antique écusson de France, le collier de Saint-Michel, appuie singulièrement cette présomption, qui devient une certitude lorsqu'on voit apparaître dans les autres folios la couronne de duchesse de Marguerite, ses armes, sa devise, ses initiales, son portrait, sa cordelière de veuve, dont les entrelacs servent de motif principal aux vignettes qui encadrent chacune des pages de ce livre singulier. Cette cordelière sert à préciser la date de l'œuvre : Marguerite devint veuve du duc d'Alençon en mai 1525, et n'épousa le roi de Navarre qu'en janvier 1527.

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SIMART, STATUAIRE.

Pierre-Charles Simart, né à Troyes, le 27 juin 1806, était le fils d'un menuisier. Quand il eut dix ans, on l'envoya étudier à l'école de dessin. Deux ans après, il était apprenti dans l'atelier de son père. Mais bientôt le plaisir qu'il trouvait à couvrir d'esquisses à la craie les murs et les planches, ou à faire en secret des essais de peinture et de sculpture, révélérent sa vocation d'artiste. Ce fut un sujet

(') Catalogue de la bibliothèque du duc de la Vallière. - Heures

de Henri III, Henri IV et Louis XIII, décrites sous le no 307. (*) Nouveau voyage en Italie. La Haye, in-8.

(3) Voy. l'article SCHURMAN (Marie-Anne de). Chaussepie, Suite au Dictionnaire philosophique de Bayle.

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