Sont, disoit-il, bien malheureux ! Ils ne sauroient manger morceau qui leur profite : Je crois même qu'en bonne foi [fièvre. Un souffle, une ombre, un rien 5, tout lui donnoit la Le mélancolique animal, 1 Jamais un plaisir pur, etc. Rapprochez de ce passage le monologue du bûcheron (Suprà : la Mort et le Bûcheron, I, 15). La misère et la peur rendent toutes deux l'homme malheureux. 2 Sinon les yeux ouverts. Ce détail est exact. Le lièvre dort, en effet, les yeux ouverts. 3 Eh! la peur, etc. « La faiblesse est le seul défaut qu'on ne puisse corriger. » (LA ROCHEFOUCAULD). 4 Il était douteux. Ce mot est employé dans le sens de craintif, l'une des acceptions que lui attribuait l'ancien français. Nous le trouvons encore avec cette acception dans REGNIER, qui représente le vieillard : Imbécille, douteux, qui voudrait et qui n'ose. Et dans BOILEAU ! (SAT., V.) Ainsi toujours douteux, chancelant et volagë. (EP. III, v. 89.) 5 Une ombre, un souffle, un rien... Ailleurs La Fontaine reproduit quasi la même gradation : Un songe, un rien, tout lui fait peur, Quand il s'agit de ce qu'il aime. Voy. infrà les Deux Amis, VIII, 44.) En rêvant à cette matière, Entend un léger bruit : ce lui fut un signal Il s'en alla passer sur le bord d'un étang. 3 Qu'on m'en fait faire ! Ma présence Effraie aussi les gens ! je mets l'alarme au camp! Et d'où me vient cette vaillance? Comment! des animaux qui tremblent devant moi! Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre 1 Sa tanière. Le lièvre n'a point de tanière, il n'a qu'un gîte à ciel ouvert. 2 Grenouilles aussitôt de sauter, etc. Ellipse qui fait image. 5 J'en fais faire, etc. Négligences. A Il n'est, etc. Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire, dit BOILEAU, en terminant le chant Ier de son Art poétique. FABLE XI. Le Coq et le Renard. Cff. ÉSOPE, f. 88, 36. MARIE (YSOPET, fable du Renard et du Pigeon, manuscrit du xme siècle). — Conte livonien *. Sur la branche d'un arbre étoit en sentinelle Un vieux coq adroit et matois 1. Le Coq, étant perché avec ses poules sur le juchoir, voit approcher le Renard qui va flairant çà et là et qui lui crie: - Eh! là-haut, mon petit Coq! n'as-tu pas appris la bonne nouvelle ? - Quelle nouvelle ? Quoi! tu ne sais pas encore que les animaux de toute la terre, les oiseaux, les quadrupèdes, viennent de conclure une paix éternelle, et que désormais nous allons vivre en frères ! descends donc avec tes Poules, en toute confiance, afin que nous puissions nous entretenir en bons voisins et en vieilles connaissances. Viens, j'ai à vous communiquer d'autres nouvelles qui vous feront battre les ailes de joie. Quel bonheur ! s'écrie le Coq stupéfait. Et tendant son long cou, il jette au loin ses regards perçants. Que vois-tu donc? lui demande le Renard. - Je vois... je vois des chiens qui s'approchent au pas de course; ils viennent sans doute nous annoncer la grande nouvelle. Je vais avoir le plaisir d'être témoin de vos embrassements. Le bon Renard se met tout de suite à jouer des jambes, sans en demander plus long. (Conte livonien, le Coq et le Renard, extrait de Livische grammatik, par S.-A. Sjogren. St-Pétersbourg, 1861.) 1 Matois, rusé, dans le style familier. Frère, dit un renard, adoucissant sa voix, Nous ne sommes plus en querelle : Je viens te l'annoncer; descends, que je t'embrasse: Ne me retarde point, de grâce; Je dois faire aujourd'hui vingt postes 1 sans manquer. Sans nulle crainte, à vos affaires ; 2 Le baiser d'amour fraternelle. - Ami, reprit le coq, je ne pouvois jamais Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle Que celle De cette paix; Et ce m'est une double joie De la tenir de toi. Je vois deux lévriers, Que pour ce sujet on envoie : Ils vont vite, et seront dans un moment à nous. 4 ▲ Vingt postes, comme qui dirait : quarante lieues. Le mot poste signifie ici mesure de chemin. 2 Faites-en les feux, faites des feux de joie, réjouissez vous. 3 Je m'assure, j'en suis sûr.-- Je m'assure ne s'emploie plus sans régime; mais du temps de La Fontaine, cette locution n'était pas encore bannie de l'usage. ▲ Traite, l'étendue de chemin qu'un voyageur fait d'un lieu à un autre sans s'arrêter. Nous nous réjouirons du succès de l'affaire 2 Et notre vieux coq en soi-même Car c'est double plaisir de tromper le trompeur. FABLE XII. Le Corbeau voulant imiter l'Aigle. Cff. ESOPE, f. 3, 207; Corrozet, f. 69; Verdizotti, f. 67. 3 L'oiseau de Jupiter enlevant un mouton, Un corbeau, témoin de l'affaire, Et plus foible de reins, mais non pas moins glouton, En voulut sur l'heure autant faire. Il tourne à l'entour du troupeau, Marque entre cent moutons le plus gras, le plus beau, · ↑ Tire ses grègues, expression populaire : s'enfuir. Le mot grègues signifie haut-de-chausses. Dans la langue romanewallonne, pour faire sortir quelqu'un d'un endroit, on lui disait tire tes bragues, tire tes grègues. Barbazan fait dériver grègues du roman braies, bragues (latin braccœ), lequel signifie aussi culottes, haut-de-chausses, avec changement dub en g. 2 Mal content, plus énergique que mécontent. 3 L'oiseau de Jupiter, l'aigle, que les anciens consacraient à Jupiter. |