Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau, La rage alors se trouve à son faîte montée. Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs, Comme il sonna la charge, il sonne la victoire 3, ↑ Qui n'en peut mais.— Mais dérive du mot latin magis, et signifie davantage; c'est un idiotisme bien ancien, et qu'on trouve dans la langue romane provençale (voir Raynouard, Éléments de la grammaire de la langue romane avant l'an 1000, p. 338), et dans la langue romane wallonne (V. ROQUEFORT, Glossaire). On trouve de fréquents exemples de cette locution dans Malherbe, dans Molière et dans les auteurs du siècle de Louis XIV: Est-ce que j'en puis mais? dit MOLIÈRE, dans l'École des femmes, V, 4. Aujourd'hui elle n'est plus usitée que dans le style familier. 2 Le voilà sur les dents. Être sur les dents, se dit des hommes et des animaux harassés et abattus de lassitude. 3 Comme il sonna la charge, etc. Que j'observe de près ces clairons, ces tambours, Et sonnaient le danger, la charge et la victoire. (DELILLE, Georg. Franç., liv. III.) 4 Et rencontre en chemin, etc. Ici commence une nouvelle action qui aura sa morale particulière (aux grands périls, etc.). La Fontaine a donc méconnu la règle de l'unité. DORAT, dans sa fable de l'Aigle et le Moucheron, n'a pas L'embuscade d'une araignée; Il y rencontre aussi sa fin. Quelle chose par là nous peut être enseignée? craint d'entrer en lice avec La Fontaine. Voici comment il décrit l'attaque du moucheron : Il caracole Sur le bec du roi des oiseaux, Le pique à l'œil, et galment le désole, Et de prendre son vol vers la voûte éternelle, Il attaque l'insecte, il daigne le poursuivre, On reconnaîtra que les prétentions de Dorat n'ont causé aucun tort à l'original. FABLE VII. L'Ane chargé d'éponges et l'Ane chargé de sel. Cff. ÉSOPE, éd. Nevel., f. 258. 1 Un ânier, son sceptre 1 à la main, Deux coursiers à longues oreilles. L'un, d'éponges chargé, marchoit comme un courrier; Et l'autre, se faisant prier, Portoit, comme on dit, les bouteilles 2: Sa charge étoit de sel. Nos gaillards pèlerins, 4 Et fort empêchés 5 se trouvèrent. L'ânier, qui tous les jours traversoit ce gué-là, Chassant devant lui l'autre bête, 1 Son sceptre, son bâton, son fouet. Il y a bien de l'esprit et du goût à savoir tout ennoblir sans donner aux petites choses une importance ridicule. 2 Portoit... les bouteilles, marchait lentement comme s'il eût porté des bouteilles. Expression proverbiale. 3 Par vaux, pluriel de val. N'est usité que dans cette locution. 4 Gué, endroit d'une rivière où l'eau est si basse et le fond si ferme, qu'on peut y passer sans nager et sans s'embourber. 5 Empêchés, embarrassés. Qui, voulant en faire à sa tête, Car, au bout de quelques nagées 1, Que le baudet ne sentit rien Sur ses épaules soulagées. Camarade épongier 2 prit exemple sur lui, Tous trois burent d'autant l'ânier et le grison 3 1 Nagées. Ce mot appartient au vocabulaire des mariniers et des nageurs: il signifie l'effort que l'on fait pour avancer en nageant. Quoiqu'il n'ait point encore été admis (dans ce sens du moins) dans le Dictionnaire de l'Académie, il mérite d'y trouver place, car il n'y en a point d'autre pour exprimer la même idée, et il est parfaitement clair. 2 Épongier, mot de la création de La Fontaine, mais qui n'a pas été, comme le mot besacier, consacré par le Dictionnaire. 3 Comme un mouton, etc. Réminiscence de Rabelais (liv. IV, ch. viu). Vers négligé. Ailleurs La Fontaine applique cette comparaison à ceux qui ne sauraient rien produire d'euxmêmes: C'est un bétail servile et sot, à mon avis, (Climene, comédie.) 4 Burent d'autant. D'autant, dans la même proportion; locution adverbiale et familière. Ici : à qui mieux mieux. 5 Grison, dans le style familier, désigne un âne. Firent à l'éponge raison 1. Et de tant d'eau s'emplit d'abord, Quelqu'un vint au secours ; qui ce fut, il n'importe ; C'est assez qu'on ait vu par là qu'il ne faut point Agir chacun de même sorte: J'en voulois venir à ce point. 1 Firent à l'éponge raison, tinrent tête à l'éponge. Le conducteur et l'âne burent autant que l'éponge. Un commentateur trouve ce trait de mauvais goût; la critique serait fondée si le dénouement devait être tragique. On peut blâmer cet apologue sous deux rapports. D'abord le plus étourdi des deux ânes est celui qui se tire d'affaire, et l'homme y joue un rôle qui le met de pair avec ceux qu'il conduit. De plus, il est du petit nombre de ceux dont La Fontaine a le moins soigné le style. |