FABLE XV. Le Renard, le Loup, et le Cheval. Cff. ÉSOPE, f. 134, 263, Renart le contrefait. sat. 3*. · (Voyez aussi suprâ, le Cheval et le Loup, V, 8, p. 204 et s.) Un renard, jeune encor, quoique des plus madrés 1, 1 Quoique des plus madrés. Il faudrait, ce semble : POURTANT des plus madrés, car il est madré, quoique jeune encore. Madré signifie d'abord marqué de diverses couleurs, et, par extension, rusé, matois, qui sait plus d'un tour. * Voici la fable de REGNIER: Jadis un loup que la faim espoinçonne, Sortant hors de son fort, rencontre une lionne, Vit le premier cheval qu'il eût vu de sa vie. Beau, grand, j'en ai la vue encor toute ravie. Si j'étois quelque peintre ou quelque étudiant, Que vous aurez en le voyant. Mais venez. Que sait-on ? Peut-être est-ce une proie Ils vont ; et le cheval, qu'à l'herbe on avoit mis, Fut presque sur le point d'enfiler la venelle 1. Et comme les Normands, sans lui respondre voire, Compère, ce dit-il, je n'ai point de mémoire. Et comme sans esprit ma grand'mère me vit, Sans m'en dire autre chose, au pied me l'escrivit. Lors il lève la jambe au jarret ramassée ; Que les loups de son temps n'alloient point à l'écolle. Alloit précipitant la rage et le dessein, S'approche, plus sçavante, en volonté de lire. Le mulet prend le temps, et du grand coup qu'il tire N'en desplaise aux docteurs, cordeliers, jacobins, Parbleu ! les plus grands clercs ne sont pas les plus fins. ↑ Enfiler la venelle. Expression populaire : prendre la fuite. Le mot venelle est une vieille expression qui signifie : petite rue. Apprendroient volontiers comment on vous appelle. Mes parents, reprit-il, ne m'ont point fait instruire; [à lire 1. Lui coûta quatre dents : le cheval lui desserre 2 Frère, dit le renard, ceci nous justifie Ce que m'ont dit des gens d'esprit : Cet animal vous a sur la mâchoire écrit 1 Apprendre à lire. La Fontaine semble se souvenir ici d'une fable de Marie de France où l'on voit un prêtre qui veut apprendre à lire à un loup, pour le fere prestre. 2 Lui desserre (un coup). Expression familière: donner un coup de pied avec violence. 3 Haut le pied. En levant le pied. ▲ Mal en point. Familier, en mauvais état (vieux). C'est-àdire vaincu, maltraité. Mal en point est l'inverse de bien en point, employé par nos anciens auteurs comme synonyme d'accompli, de triomphant. FABLE XVI. Le Renard et les Poulets d'Inde. Cff..Thème du duc de Bourgogne. Contre les assauts d'un renard Un arbre à des dindons servoit de citadelle. S'écria: Quoi! ces gens se moqueront de moi ! Lui qui n'étoit novice au métier d'assiégeant, ↑ La dindonnière gent. Expression pittoresque de la création de La Fontaine. (a) PULLI INDICI ET VULPES. Pulli indici villæ in salice cavá degerant sedem quam villicus clauserat tubulis. Vulpes nesciebat quid faceret tandem simulavit se mortuum esse in prato in quo gramen copiosum erat. Pulli indici eam existimantes esse exanimem exierunt è cavo arboris at vulpes, ut vidit eos egressos, irruit in turbam ignavam, et vorans eos, sic alloquebatur hostes: Vestra salix cava nihil proderit vobis adversus dolos meos. (Mss. de la Bibliothèque du Roi, n° 8511, fol. 2.) Arlequin n'eût exécuté Tant de différents personnages. Il élevoit sa queue, il la faisoit briller, Pendant quoi nul dindon n'eût osé sommeiller. Les pauvres gens étant à la longue éblouis, Fait le plus souvent qu'on y tombe 2. 1 Arlequin. Personnage de comédie, dont le vêtement est formé de pièces de diverses couleurs. M. Paulin Paris fait descendre la famille d'Arlequin de la bande hellequine qui accompagne le charivari dont le roman de Fauvel donne une description; et le nom de cette bande aurait, suivant cet érudit, sa source dans celui du fameux cimetière d'éliscamps ou Aleschans aux environs d'Arles. D'après M. Dochez, le mot arlequin dérive du vieux mot germanique erle ou elle, aune, et de King, roi, et signifie des aunes et des fantômes qui habitent dans les bois. 2 Cette fable est jolie et bien contée, mais elle aura peu d'application tant qu'il sera vrai de dire qu'on ne guérit pas de la peur. (CHAMFORT.) |