Réservez ce repas à messieurs vos enfants 1. L'autre lui dit : Tu t'es trompée : Est-ce à moi que l'on tient de semblables discours? Meurs, et va-t'en, tout de ce pas, 1 Mes enfants trouveront assez d'autres repas. Voici le sens moral qui peut y convenir : La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir : 1 Vos enfants. (V. suprà, le petit Poisson et le Pêcheur, v. 3, p. 194 et s.) 2 Sœurs filandières. (V. suprà, la Vieille et les deux Servantes, V, 6, p. 200, n. 1.) 3 La vieillesse est impitoyable. Moralité sujette à caution: elle est, sinon radicalement fausse, du moins trop absolue. Le poëte semble avoir oublié sa fable du Vieillard et des trois jeunes Hommes (XI, 7, p. 518 et s.). Si le chat ne pardonne pas à la souris, ce n'est pas son âge qui en est la cause, mais son naturel. LOUANDRE fait au sujet de cette fable la remarque suivante: « La Fontaine a dit plusieurs fois déjà que l'enfance est sans pitié. Il dit maintenant que la vieillesse est impitoyable. Entre ces deux extrémités, la place qui reste dans la vie pour les sentiments généreux est bien peu de chose. Ne pourrait-on point, en cette occasion et en quelques autres encore, adresser à La Fontaine le même reproche qu'à La Rochefoucauld, c'est-à-dire de faire une trop large part aux sentiments égoïstes et durs? >> FABLE V. La Chauve-Souris, le Buisson, Cff. ESOPE, f. 124, 42. Le buisson, le canard et la chauve-souris, Ils faisoient petite fortune, 2 Vont trafiquer au loin et font bourse commune 1. Des registres exacts de mise et de recette. Tout alloit bien; quand leur emplette, Et de trajet très-difficile, Alla tout emballée au fond des magasins 1 Vont trafiquer au loin, et font bourse commune. Voilà une association dont l'idée blesse le bon sens ; l'esprit la rejette comme absurde. Comment un buisson peut-il voyager? Quel besoin a-t-il de faire fortune, lui, et ces deux animaux? La Fontaine baisse beaucoup. (CHAMFORT.) 2 Des agents. Autre invraisemblance. 3 Qui du Tartare sont voisins. Au fond des eaux. Tartare est le nom que des poëtes donnent à cette région des enfers où les coupables sont punis. Notre trio poussa maint regret inutile ; Le plus petit marchand est savant sur ce point : Pour sauver son crédit, il faut cacher sa perte. Celle que, par malheur, nos gens avoient soufferte Ne put se réparer le cas fut découvert. Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource, Prêts à porter le bonnet vert. Aucun ne leur ouvrit sa bourse. Et le sort principal 2, et les gros intérêts, Dès devant la pointe du jour, Le buisson accrochoit les passants à tous coups. Messieurs, leur disoit-il, de grâce, apprenez-nous En quel lieu sont les marchandises Que certains gouffres nous ont prises. A Prêts à porter le bonnet vert. C'est-à-dire, prêts à se laisser revêtir du bonnet vert pour éviter la prison. La même allusion se rencontre dans BOILEAU: Ou que d'un bonnet vert le salutaire affront Sur quoi Boileau a lui-même fait cette remarque : « Du temps que cette satire fut faite, un débiteur insolvable pouvait sortir de prison en faisant cession, c'est-à-dire en souffrant qu'on lui mît, en pleine rue, un bonnet vert sur la tête. »> Cette coutume d'échapper au châtiment par la honte, avait passé d'Italie en France dans le xvIe siècle. (PASQUIER, Recherches, liv. IV, ch. v.) 2 Le sort principal. Latinisme pour désigner le capital. Le plongeon sous les eaux s'en alloit les chercher. L'oiseau chauve-souris n'osoit plus approcher Pendant le jour nulle demeure : 2 Je connois maint detteur qui n'est ni souris-chauve, [sauve 1 Sergents. Officiers de justice dont la fonction était autrefois de donner des exploits, des assignations, de faire des exécutions, des saisies, d'arrêter ceux contre lesquels il y avait contrainte par corps. Cette acception du mot sergent est aujourd'hui surannée. On se sert maintenant du mot huissier. 2 Detteur. Ce mot n'est plus français. On aurait dû le conserver dans le sens de débiteur insolvable. Les Normands disent encore dettier pour un homme criblé de dettes. (GERUZEZ.) FABLE VI. La Querelle des Chiens et des Chats, et celle des Chats et des Souris. Cff. GUILL. HAUDENT, Trois cent soixante et six apologues d'Ésope, etc., traduits nouvellement en rithme francoyse, 1547, in-16, fable LXI; réimprimée dans ROBERT, Fables inédites, p. CLXXXIX de l'introduction, De la guerre des chiens, des chats et des souris (a). La Discorde a toujours régné dans l'univers; Vous serez étonnés de voir qu'à tous moments 1 Appointés contraires. Opposés l'un à l'autre. Ce terme que le poëte emprunte à la pratique judiciaire, n'est pas d'un goût exquis, appliqué à la lutte des éléments. VARIANTE : dans les OEuvres posthumes, cette fable commence ainsi : La discorde aux yeux de travers, Vous trouverez qu'à tous moments Ils sont appointés contraire. (a) Cette fable a, depuis, été publiée, sur une autre copie, dans les OEuvres posthumes de La Fontaine, p. 225. |