1 Se trouva fort dépourvue De mouche ou de vermisseau 2. Elle alla crier famine Chez la fourmi sa voisine, La fourmi n'est pas prêteuse; 1 Bise. Poétique pour l'hiver : c'est le vent du nord. Clément Marot avait dit : D'autre costé j'oy (j'entends) la bise arriver, Qui en soufflant me prononce l'hiver. 2 Vermisseau. La Fontaine, ordinairement très-exact pour tout ce qui touche aux mœurs des animaux, se trompe ici. La cigale ne mange point d'insectes, elle suce la sève des arbres et des arbrisseaux, dans ses trois états de larve, de nymphe et d'insecte parfait. 3 Crier famine. Expression familière; c'est la plainte bruyante de celui qui est réduit à la disette. ▲ Avant l'oût. Avant la moisson, qui se fait au mois d'août, qu'on prononce oût; et ce dernier mot, sous cette forme, dans notre ancien langage, se prend pour la moisson. On disait autrefois un aousteron (ousteron) pour un moisson neur. s Intérêt et principal. Principal représente la chose prêtée ; intérêt, le bénéfice que l'on retire du prêt consenti. C'est là son moindre défaut 1: 1 C'est là son moindre défaut. Exemple d'ironie enjouée : ce n'est pas par là qu'elle pèche; c'est-à-dire, ce n'est pas la principale qualité de la fourmi. 2 A tout venant: au premier venu. 3 Ne vous déplaise: n'est guère le langage d'une emprunleuse. (D'ALEMBbert.) 4 Dansez maintenant : Tout l'esté chanta la cigale Et l'hyver elle eut la faim vale; (BAÏF.) La leçon qui découle de cet apologue ne s'accorde guère avec la saine morale, car si nous devons éviter l'imprévoyance de la cigale, nous ne devons pas imiter la dureté de la fourmi. Pour justifier La Fontaine, on a dit que le blâme devait atteindre les inventeurs du sujet et non leur imitateur cette défense n'est pas sérieuse, car en acceptant le thème primitif, La Fontaine est censé l'approuver. Cff. ESOPE, 216, 208; PHÈDRE, 1, 13. Au moyen âge ce sujet a excité la verve de plusieurs poëtes, notamment de Marie de France et des auteurs du Roman du Renard et de la Farce de l'Avocat Pathelin *. Maître corbeau 1, sur un arbre perché, * Voici le récit que l'auteur anonyme de la Farce de maître Pathelin a mis dans la bouche de Guillemette : Il m'est souvenu de la fable Si ouvrit le bec pour chanter, Ainsi est-il, je m'en fais forte, * Guillemette s'adresse à Pathelin, son mari. 1 Maître corbeau. Un noir corbeau dessus un arbre estoit Le titre de maître, aujourd'hui commun aux avocats, aux avoués et aux notaires, se rencontre dans la Farce de Pathelin et dans Rabelais. Dans le premier ouvrage on parle de maître Regnard; dans celui du curé de Meudon, de monsieur de l'Ours, monsieur du Lion. 2 Tenait en son bec un fromage. Ce vers se trouve dans la Maître renard, par l'odeur alléché, Hé! bonjour, monsieur du corbeau ! Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Se rapporte à votre plumage 3, Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. fable Ire d'YSOPET I, qui commence ainsi le même sujet : Sire Tiercelin le corbeau, Qui cuide (croit) être avenant et beau ↑ Que vous êtes joli, etc. J.-J. Rousseau blâme ce vers comme constituant une cheville, une redondance inutile. Ce jugement paraît sévère : entre les deux épithètes, il n'y a pas une vaine synonymie, mais une véritable gradation : la première (joli ) exprime l'idée d'avenant, de ce qui plaît; la seconde (beau) exprime un sentiment d'admiration. Chamfort ne partage pas l'avis de l'auteur d'Émile; à ses yeux, le discours du renard est un chef-d'œuvre. 2 Ramage, ne se dit que du chant des petits oiseaux. Langage de la flatterie. 3 Se rapporte à votre plumage, répond à votre plumage, l'égale. 4 Phénix. Oiseau fabuleux, dont l'histoire remonte aux temps les plus anciens. Il ne paraît pas cependant qu'elle ait jamais été acceptée par les esprits éclairés. Hérodote regarde son existence comme peu vraisemblable : ἔστι δὲ καὶ ἄλλος ὄρνις ἱρός, τῷ οὔνομα φοίνιξ. ἐγὼ μέν μιν οὐκ εἶδον εἰ μὴ ὅσον γραφὴ (II, 73). Tacite se borne à reproduire les traditions qui avaient cours de son temps au sujet de cet oiseau fabuleux. (Ann. VI, 28.) Pline en a fait une description dont nous détachons les lignes suivantes : «< (Phoenix) aquilæ narratur magnitudine, auri fulgore circa colla, cetero purpureus, cœru A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie 1; Et, pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie 2. leam roseis caudam pinnis distinguentibus, cristis fauces caputque plumeo apice honestari. (N. Hist. X, 2.) Du reste il formule ses réserves; Manilius, dont il rapporte le témoignage, sans le garantir, dit que jamais homme n'a vu le phénix manger, et qu'en Arabie cet oiseau est consacré aù soleil et vit 660 ans. Il ajoute que, se sentant vieux, il se fait un nid avec de l'écorce de cannelle et de l'encens, et meurt dessus, et que de ses cendres sort un ver qui se change bientôt en oiseau. » Plusieurs Pères de l'Église ont fait du phénix le symbole de la résurrection. Dans le passage de La Fontaine, le mot phénix est employé au figuré; en ce sens il désigne une personne unique ou rare dans sa carrière, à raison de ses qualités éminentes. Le corbeau ne se sent pas de joie, c'est-à-dire que l'excès de la joie lui enlève le sentiment de lui-même. Ce vers, vivement critiqué par J.-J. Rousseau, exprime une pensée fort juste, car tout sentiment vif nous met hors de nous. 2 Il ouvre un large bec, etc. Ce vers est admirable, l'harmonie seule en fait image. Je vois un grand vilain bec ouvert, j'entends tomber le fromage à travers les branches. (J.-J. R.) 3 Mon bon monsieur, etc. La rime de monsieur avec flatteur, défectueuse aujourd'hui pour l'oreille, était exacte au temps de La Fontaine, parce que c'était l'usage alors de faire sonner I'r de monsieur. Ainsi en était-il encore de l'infinitif présent marcher, et du substantif foyer, qui rimaient avec cher. Boileau avait proposé à La Fontaine de substituer chanteur à monsieur; mais notre poëte ne tint pas compte de l'observation: il ne voulut pas renoncer à la fine raillerie qui se trouve dans son bon monsieur. ▲ Apprenez que tout flatteur. Il est plaisant de mettre la morale dans la bouche de celui qui profite de la sottise. |