L'argent volé, prétendant bien Tout reprendre à la fois, sans qu'il y manquât rien. Mais, pour ce coup, l'autre fut sage : Il retint tout chez lui, résolu de jouir, Plus n'entasser, plus n'enfouir 1; Et le pauvre voleur, ne trouvant plus son gage, Il n'est pas malaisé de tromper un trompeur. FABLE VI. Le Loup et les Bergers. Cff. PHILIBERT HÉGÉMON, f. XX. Un loup rempli d'humanité ↑ Plus n'entasser, plus n'enfouir. — Ellipse un peu hardie. 2 Tomber de sa hauteur. Expression analogue: tomber de son haut, qui se dit, familièrement, d'une personne extrême ment surprise de quelque chose. 3 Il n'est pas malaise, etc. · Cela n'est pas tout à fait vrai. N'eût-il pas mieux valu exprimer l'idée suivante: «< Heureux celui qu'un avertissement engage à triompher de sa passion favorite? >>> 4 Rempli d'humanité. C'est-à-dire, de douceur pour les animaux de toute espèce. (S'il en est de tels dans le monde) 1 Quoiqu'il ne l'exerçât que par nécessité, Je suis haï, dit-il ; et de qui ? de chacun. Chiens, chasseurs, villageois, s'assemblent pour sa [perte: C'est par là que de loups l'Angleterre est déserte ?; Il n'est hobereau 3 qui ne fasse Que du loup aussitôt sa mère ne menace. 1 S'il en est de tels dans le monde. Ce second vers, dit CHAMFORT, fait la critique de cet apologue. Les meilleures fables sont celles où les animaux sont peints dans leur naturel, avec les goûts et les habitudes qui naissent de leur organisation. 2 De loups l'Angleterre est déserte. — Edgard', roi d'Angleterre, qui régnait vers le milieu du xe siècle, fit faire tous les ans de grandes chasses pour la destruction des loups, et convertit le tribut en argent que son prédécesseur Athelstan avait imposé aux souverains de la principauté de Galles, en un tribut annuel de trois cents têtes, de loups. Par ces moyens, Edgard détruisit les loups dans toute l'Angleterre. (V. HUME's, Hist. of England, ch. II, t. I, p. 127.) L'Écosse et l'Irlande furent plus lentes à en être purgées : les derniers loups furent tués en Écosse en 1680 seulement, et en Irlande en 1710. 3 Hobereau. Désigne, par mépris, un petit gentilhomme campagnard. Bans. Mandements faits à cris publics pour ordonner ou défendre quelque chose. 5 Il n'est marmot, etc. Allusion à la fable, le Loup, la Mère et l'Enfant. (V. suprà, IV, 14, p. 168 et s.) Le tout pour un âne rogneux, Pour un mouton pourri, pour quelque chien harDont j'aurai passé mon envie. [gneux, Eh bien ! ne mangeons plus de choses ayant eu vie : Paissons l'herbe, broutons, mourons de faim plutôt. Est-ce une chose si cruelle? Vaut-il mieux s'attirer la haine universelle? Disant ces mots, il vit des bergers, pour leur rôt, Mangeant un agneau cuit en broche. Oh! oh! dit-il, je me reproche Le sang de cette gent: voilà ses gardiens 1 S'en repaissants eux et leurs chiens; Et moi, loup, j'en ferai scrupule ! Non, par tous les dieux ! non; je serois ridicule : 2 Sans qu'à la broche je le mette; Et non-seulement lui, mais la mère qu'il tette, Ce loup avoit raison. Est-il dit qu'on nous voie, Manger les animaux; et nous les réduirons 1 VARIANTE: s'en repaissant, dans toutes les éditions modernes. Mais cette leçon n'est autorisée par aucune des éditions originales. 2 Thibaut l'agnelet. C'est-à-dire, le petit agneau qu'on nomme Thibaut. 3 Passera. Sous-entendu par mon gosier. Ellipse hardie. 4 Ce loup avoit raison. Le poëte fait ici un sophisme : un méchant ne se justifie pas en alléguant les crimes d'autrui. 5 Aux mets de l'âge d'or. C'est-à-dire, au régime végétal des Ils n'auront ni croc ni marmite! 1 FABLE VII. L'Araignée et l'Hirondelle. Cff. ABSTEMIUS, 4. O Jupiter, qui sus de ton cerveau, 3 Entends ma plainte une fois en ta vie! premiers temps, où les hommes vivaient de glands, de légumes et de laitage. 1 Quand il n'est pas le plus fort. Morale que tout lecteur sensé blâmera. 2 Nouveau. Allusion mythologique. Jupiter, incommodé d'un violent mal de tête, implora le secours de Vulcain, qui, d'un coup de hache, fit sortir de son cerveau Minerve tout armée. 3 Pallas, jadis mon ennemie. Arachné avait prétendu surpasser Minerve dans l'art de broder; elle osa lui lancer un défi et la vainquit. La déesse, irritée, brisa le métier et les fuseaux de sa rivale. Arachné se pendit de désespoir, et Minerve la métamorphosa en araignée. (OVIDE, Métam., lib. vI.) 1 Progné 1 me vient enlever les morceaux ; 3 Ainsi, d'un discours insolent 3, Se plaignoit l'araignée, autrefois tapissière, Prétendoit enlacer tout insecte volant. La sœur de Philomèle *, attentive à sa proie, 1 Progné. L'hirondelle. Progné, sœur de Philomèle, qui avait été, suivant la mythologie, changée en hirondelle. 2 Frisant l'air et les eaux. Les eaux, bien; mais l'air? 3 D'un discours insolent. Latinisme, pour insolemment. ▲ Philomèle. Qui fut métamorphosée en rossignol. 5 Bestion. Ce mot est dérivé de l'italien; mais, au lieu d'être, comme dans cette langue, un augmentatif, il devient sous la plume de notre poëte un diminutif. Il bestione signifie en italien une bête grosse ou grande. Dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie française, on trouve cependant le mot bestions, mais au pluriel seulement; il est dit que ce mot signifie particulièrement des bêtes sauvages, et qu'il ne s'emploie guère qu'en parlant des tapisseries qui représentent ces sortes de bêtes, tapisseries de bestions. Ce mot aujourd'hui, même au pluriel, est hors d'usage : le mot propre, pour signifier un petit animal, une petite bête, est bestiole. 6 Happoit mouches dans l'air. Sola avium non nisi in volatu pascitur. (PLIN., Hist. Nat., X, c. 4.) 7 Pour ses petits, etc. Réminiscence de Virgile : |