2 Et puis, quand le chasseur croit que son chien la Elle lui dit adieu, prend sa volée ","et rit [pille 1, De l'homme qui, confus, des yeux en vain la suit. N'est-elle, après cela, qu'un corps vide d'esprit? Jamais on ne pourra m'obliger à le croire, Mais voici beaucoup plus écoutez cette histoire. : Deux rats cherchoient leur vie ; ils trouvèrent un œuf. Il n'étoit pas besoin qu'ils trouvassent un bœuf. Ils alloient de leur œuf manger chacun sa part, Car comment sauver l'œuf? Le bien empaqueter, ↑ Pille. Terme de chasse, se jette sur elle pour la saisir. 2 Prend sa volée, etc. Je demande s'il existe en poésie un tableau plus parfait; si le plus habile peintre me montrerait sur la toile plus que je n'en vois dans les vers du poëte? Comme le chasseur et le chien suivent pas à pas la perdrix qui se traîne avec le vers! Comme un hémistiche rapide et prompt vous montre le chien qui pille!... Ce dernier mot est un élan, un éclair; et avec quel art l'autre vers est suspendu, quand la perdrix prend sa volée! Elle est en l'air, et vous voyez longtemps l'homme immobile, qui, confus, des yeux en vain la suit; le vers se prolonge avec l'étonnement. (LA HARPE, Éloge de La Fontaine.) Ce passage a été heureusement imité par un poëte latin moderne, le P. VANIÈRE : At simul implumes perdix videt anxia pullos Ou le rouler, ou le traîner, C'étoit chose impossible autant que hasardeuse. Leur fournit une invention. Comme ils pouvoient gagner leur habitation, L'un se met sur le dos, prit l'œuf entre ses bras; Puis, malgré quelques heurts 2 et quelques mauvais L'autre le traîna par la queue. Qu'on m'aille soutenir, après un tel récit, Que les bêtes n'ont point d'esprit ! [pas, 1 L'écornifleur. Celui qui cherche à vivre aux dépens d'autrui, parasite. Style familier. 2 Quelques heurts : quelques chocs. Rac. de heurter. FABLE II. L'Homme et la Couleuvre. Cff. Livre des lumières, ou la conduite des roys, p. 204. Contes et fables indiennes de BIDPAÏ et de Lokman, t. II, p. 276: l'Homme et la Couleuvre. Un homme vit une couleuvre : Ah! méchante, dit-il, je m'en vais faire une œuvre Agréable à tout l'univers 1! A ces mots, l'animal pervers (C'est le serpent que je veux dire 2, : Et non l'homme on pourrait aisément s'y tromper), A ces mots le serpent, se laissant attraper, 1 A tout l'univers. Observez la brièveté de l'exposition, et l'art du poëte qui se fait ici par un monologue. (De St-ANGE.) 2 Que je veux dire. Voilà de ces traits auxquels on reconnaît dans La Fontaine un mélange unique de finesse et de naïveté; une simplicité qui donne de la grâce à sa finesse; une finesse qui rend sa simplicité piquante. (MARMONTEL.) Dans la fable précédente, nous avons vu: Je parle des humains, car quant aux animaux... RICHER S'est souvenu de ce passage dans sa fable intitulée le Singe et l'Écolier (VII, 16.) : Un jour le petit garnement, (C'est le singe qu'il faut entendre: Est pris, mis en un sac; et, ce qui fut le pire, 1 L'autre 1 lui fit cette harangue : Symbole des ingrats! être bon aux méchants, A qui pourroit-on pardonner? Toi-même tu te fais ton procès : je me fonde Selon ces lois, condamne-moi; Mais trouve bon qu'avec franchise En mourant au moins je te dise Ce n'est point le serpent, c'est l'homme. Ces paroles Enfin, il repartit: Tes raisons sont frivoles. Je pourrois décider, car ce droit m'appartient; Mais rapportons-nous-en 3. Soit fait, dit le reptile. L'autre. Remarquez ce terme. La Fontaine s'en sert avec une intention qui ne doit pas nous échapper: son estime ne fait pas plus de frais pour l'un que pour l'autre. 2 Ton utilité, ton plaisir, ton caprice. Gradation admirable et souvent trop vraie pour définir la justice des hommes. Utilité, plaisir, caprice, ces motifs de plus en plus illégitimes, tiennent la place du droit, seul principe de justice, seule sauvegarde des sociétés. 3 Rapportons-nous-en: A quelqu'un que nous prendrons pour juge. Ellipse. Une vache était là: l'on appelle; elle vient : Il n'a sans mes bienfaits passé nulles journées; Avoient altérée ; et mes peines Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin. lents. Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête, 4 1 Enfin me voilà vieille! Quel langage! Peut-on n'en pas être ému ? Le cœur ne vous parle-t-il pas en faveur de l'animal qui se plaint? (LA HARPE, Éloge de La Fontaine.) 2 Sans herbe. Ces mots sont rejetés avec un art infini au commencement du vers. 3 Croyons. Croyons ce qu'il nous dira; rapportons-nous-en à son jugement. Ellipse. 4 Ruminé. Expression particulièrement convenable au bœuf, et qui, par sa double acception, a le mérite de la propriété joint à une grâce singulière. (DE St-ANGE.) On sait que, dans le style familier, ruminer signifie penser et repenser à une chose, la tourner et retourner dans son esprit. |