FABLE XVI. Le Bassa et le Marchand. Cff. Æsop. (édit. du Dr CORAï), II, 215; GILB. COGNATUS, 126. Un marchand grec en certaine contrée De quoi le Grec en bassa le payoit, Non en marchand: tant c'est chère denrée 2 3 [sance, Eux trois vouloient moins de reconnaissance Même on lui dit qu'il jouera, s'il est sage, 1 Bassa ou pacha, gouverneur de province. On disait encore autrefois bacha. Aujourd'hui le mot pacha prévaut. 2 Tant c'est chère denrée, etc. Épigramme excellente. Support. Appui, protection. 4 Pour Mahomet. Les envoyant trouver Mahomet dans l'autre monde. Comme, ailleurs, le lion envoye l'ours chez Pluton faire le dégoûté. V. suprà, la cour du Lion (VII, 5, p. 287, n. 1). Et sans tarder; sinon ces gens unis Le préviendront, bien certains qu'à la ronde Comme Alexandre 1; et, plein de confiance, Et de raisons qui pourroient t'ennuyer, Il étoit un berger, son chien et son troupeau. 3 1 Alexandre. Allusion historique : Alexandre but le breuvage que lui présenta son médecin Philippe, au moment où un message venait de l'informer que celui-ci voulait l'empoisonner (V. ARRIEN, liv. II, c. IV; JUSTIN, liv. XI, c. viii; PLUT., Vie d'Alexandre). Ce qui a fait dire à MONTAIGNE : « Ce prince est le souverain patron des actes hasardeux : mais je ne sçay s'il y a traict en sa vie qui ayt plus de fermeté que cettuy-cy, ny une beauté illustre par tant de visages. >> 2 Breuvage. Litote pour désigner le poison. 3 Dogue. De l'anglais dog, espèce de chien, ordinairement gros et fort, qui a le museau noir et écrasé, les lèvres épaisses et pendantes. Étoit un pain entier. Il falloit bien et beau Lui, berger, pour plus de ménage, Auroit deux ou trois mâtineaux 1, Qui, lui dépensant moins, veilleroient aux trouBien mieux que cette bète seule. [peaux Il mangeoit plus que trois; mais on ne disoit pas Qu'il avoit aussi triple gueule Quand les loups livroient des combats. Le berger s'en défait; il prend trois chiens de taille Du choix de semblable canaille. Si tu fais bien, tu reviendras à moi. Le Grec le crut. 3 Ceci montre aux provinces Que, tout compté, mieux vaut, en bonne foi, S'abandonner à quelque puissant roi Que s'appuyer de plusieurs petits princes. 1 Matineaux. Diminutif de mâtin. 2 S'en sentit. Cacophonie. Ceci montre aux provinces, etc. CHAMFORT dit à propos de cette fable: « C'est la manière de Pilpay d'amener une fable à la suite d'une historiette, et l'on sent combien cette manière est défectueuse. La vérité que veut établir ici La Fontaine, n'avait nul besoin de cette espèce de prologue: c'est ce qu'on verra aisément en sautant le prologue et en commençant à ces mots: Il était un berger, etc. » FABLE XVII. L'avantage de la Science. Cff. ABSTEMIUS, 145. Entre deux bourgeois d'une ville Étoit tenu de l'honorer. C'étoit tout homme sot 2 : car pourquoi révérer 3 La raison m'en semble petite. Au savant, S'émut. Survint, s'éleva. 2 C'étoit tout homme sot. Ces réflexions jetées en passant tiennent la curiosité du lecteur en éveil. 3 Car pourquoi révérer, etc. MELLIN DE SAINT-GELAIS pose la même question: Dis moy, ami, que vaut-il mieux avoir Beaucoup de bien ou beaucoup de sçavoir? Saint-Gelais laisse la question indécise: riche et savant, avait peu à s'en inquiéter, dit M. Geruzez. Vous vous croyez considérable; Mais, dites-moi, tenez-vous table? Que sert à vos pareils de lire incessamment 1? De gens qui ne dépensent rien ! Je ne sais d'homme nécessaire 4 Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien. L'homme lettré se tut, il avoit trop à dire. Incessamment. Continuellement, sans cesse. V. suprà, l'Aigle, la Laie et la Chatte (III, 6, p. 114, n. 4). 2 A la troisième chambre. C'est-à-dire au troisième étage. 3 Ombre seulement : 5 Bien payés. Allusion à Montauron et à Fouquet qui avaient largement payé les hommages des gens de lettres (GERUZEZ). 6 Mars. C'est-à-dire la guerre. V. suprà, le Meunier, son Fils et l'Ane (III, 1, p. 102, n. 2). |