Telle est la voix de l'univers : Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres.* Un manant 1 au miroir 2 prenoit des oisillons. 3 Le fantôme brillant attire une alouette: Aussitôt un autour, planant sur les sillons, Sur celle qui chantoit, quoique près du tombeau. Lorsque, se rencontrant sous la main de l'oiseau, Pendant qu'à la plumer l'autour est occupé, 1 Manant. V. suprà, l'Hirondelle et les petits Oiseaux (1,8, p. 21, n. 4). 2 Au miroir. Instrument monté sur un pivot et garni de petits morceaux de miroir, qu'on expose au soleil pour attirer par son éclat des alouettes et d'autres petits oiseaux. 3 Fantôme: apparence. Se dit ordinairement de ce qui n'existe qu'en apparence et n'a point de réalité. 4 VARIANTE. Dans plusieurs éditions modernes on lit maligne. La Fontaine a mis, au contraire, maline dans toutes les éditions qu'il a publiées et revues. Non que ce mot s'écrivît de son temps autrement que aujourd'hui : le poëte a simplement usé de l'ancien privilége d'altérer l'orthographe de certains mots pour les nécessités de la rime. Mais La Fontaine a eu le tort de rendre féminin le mot ongle: ce mot, qui est aujourd'hui masculin, l'était aussi de son temps, comme on peut s'en convaincre en consultant la première édition du Dictionnaire de l'Académie française. Geruzez voit dans ces mots, ongle maline, un double archaïsme. 5 Enveloppé. Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé. (RAC., Phedre, V, 6.) Oiseleur, laisse-moi, dit-il en son langage: L'oiseleur repartit: Ce petit animal T'en avoit-il fait davantage 2? FABLE XVI. Le Cheval et l'Ane. Cff. ÉSOPE, f. 24, 125. En ce monde il se faut l'un l'autre secourir : C'est sur toi que le fardeau tombe, Un âne accompagnoit un cheval peu courtois, Oiselier, ↑ Oiseleur: celui qui fait métier de prendre des oiseaux ou qui a un goût décidé pour la chasse aux oiseaux. celui dont le métier est de les élever et de les vendre 2 Davantage. L'oiseleur, en cette circonstance, a-t-il bien le droit de faire de la morale à l'autour? 3 Fardeau tombe. Cette pensée n'est pas tout à fait vraie. ▲ Devant qu'être. N'est plus usité; on dit avant d'être. La Fontaine a emprunté cette tournure à ses devanciers. GODEAU dit dans ses Psaumes: Avant que voir l'éclair sont abattus du foudre. La prière, dit-il, n'en est pas incivile ': Tant qu'il vit sous le faix mourir son camarade, Du baudet en cette aventure FABLE XVII. Le Chien qui lâche sa proie pour l'ombre. Cff. ÉSOPE, f. 339, 213; PHèdre, I, f. 4; Ysopet-Avionnet, f. 5; YSOPET II, f. 2. Chacun se trompe ici-bas : Incivile. On dirait bien: la demande n'en est pas incivile; mais peut-on dire également : la prière n'en est, etc. 2 Tant qu'il vit. Tour elliptique un peu obscur. Il refusa si temps qu'il vit enfin, etc. 3 Voiture. Ici synonyme de fardeau. Le mot voiture signifie tour à tour l'instrument qui sert au transport, l'action même de transporter, enfin les objets (choses, personnes) transportés. La plupart du temps, le nombre. Ce chien, voyant sa proie en l'eau représentée, A toute peine il regagna les bords, FABLE XVIII. Le Chartier embourbé. Cff. AVENIUS, f. 32; FAERNI fab., IV, f. 14. Le Phaeton 2 d'une voiture à foin Ni le corps. La Fontaine se garde bien de représenter le chien qui traverse la rivière à la nage, à la différence d'Ésope et de Phèdre. Un chien qui nage trouble nécessairement l'eau, et il ne peut voir l'ombre de sa proie dans une eau agitée. La Fontaine l'a bien senti. 2 Le Phaeton. Phaéton demanda un jour à son père Apollon la faveur de conduire le char du soleil. Le père eut la faiblesse d'y consentir. Les coursiers, se sentant guidés par une main novice, s'écartèrent de leur route accoutumée et menacèrent le ciel d'un terrible embrasement. Jupiter courroucé foudroya l'imprudent automédon qui tomba dans l'Eridan. Chamfort fait remarquer, au sujet de ce passage, qu'aucun poëte français ne connaissait, avant La Fontaine, Vit son char embourbé. Le pauvre homme étoit loin On sait assez que le Destin Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage Pour venir au chartier 2 embourbé dans ces lieux, Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux, Il invoque à la fin le dieu dont les travaux Hercule, lui dit-il, aide-moi; si ton dos A porté la machine ronde 3, cet art d'employer des expressions nobles et prises de la haute poésie, pour exprimer les choses les plus vulgaires : c'est un des artifices qui jette le plus d'agrément dans son style. 1 Enrage. Suivant M. Walckenaer, il est probable que du temps de La Fontaine cette partie de la Bretagne était célèbre par le mauvais état des chemins. Suivant M. Mongez, qui a donné une édition des fables de notre poëte *, Louis XIV exilait Quimper-Corentin ceux qui lui avaient déplu. Peutêtre ce passage renferme-t-il une double allusion. 2 Chartier. Il ne faut pas voir dans cette orthographe une licence poétique. La Fontaine écrit ce mot comme on l'écrivait de son temps. (Voir le Dictionnaire de Nicot, 1606.) Le Dictionnaire de l'Académie française, édition de 1696, dit qu'on peut écrire chartier ou charretier indifféremment. Aujourd'hui on n'a plus le choix, et l'on doit toujours écrire de la dernière manière. A porté la machine ronde. Allusion à l'un des exploits d'Hercule. * Paris, Agasse, an v, (1796), 2 vol. in-12. |