FABLE XIV. L'Ane portant des reliques. Cff. ÉSOPE, f. 135, 261. Un baudet chargé de reliques' Dans ce penser il se carroit", Ce n'est pas vous, c'est l'idole D'un magistrat ignorant 1 Reliques. Ce qui reste d'un saint après sa mort, soit le corps entier, soit une partie du corps. 2 Se carrait. Dans le style familier, marcher avec un maintien qui annonce de la prétention, de l'arrogance. 3 Idole. Expression impropre. L'idole est une statue représentant une fausse divinité et exposée à l'adoration. Les saints ne sont pas des dieux et leurs reliques ne les représentent pas. La construction de ce vers et des deux précédents est peu correcte; la grammaire voudrait : ce n'est pas à vous, c'est à l'idole que, etc. ▲ Salue. Proverbe. « Je ne puis apprendre aux grands à distinguer les bonnetades qui les regardent de celles qui regardent leur commission, ou leur suite, ou leur mule. »> (MONTAIGNE.) FABLE XV. Le Cerf et la Vigne. Cff. ÉSOPE, f. 65; PHÈDRE, I, f. 12. Un cerf, à la faveur d'une vigne fort haute, Les veneurs, pour ce coup, croyoient leurs chiens en J'ai mérité, dit-il, ce juste châtiment : 4 De pleurer aux veneurs à sa mort arrivés 5. ↑ Climats. Par exemple, en Italie, où elle n'est ni rampante ni soutenue par de faibles échalas, mais où l'on est dans l'usage de marier la vigne à l'ormeau, ulmis ad jungere vites (Georg., III), suivant l'expression de VIRGILE. 2 Veneurs. Ceux qui sont chargés de faire chasser les chiens courants. 3 Broute sa bienfaitrice, expression hardie. ▲ De pleurer. V. suprà, l'OEil du Maître (IV, 19), p. 182, n.1. Aux veneurs, etc. Latinisme. Vraie image' de ceux qui profanent l'asile FABLE XVI. Le Serpent et la Lime. Cff. ESOPE, f. 271, 187; PHÈDRE, V, 8, sive 7; YSOPET I, f. 48, 15. On conte 2 qu'un serpent, voisin d'un horloger Qu'une lime d'acier qu'il se mit à ronger. ↑ Vraie image. Cette moralité est inutile, elle était comprise dans l'exclamation du cerf: Profitez-en, ingrats! 2 On conte. Précaution du poëte pour racheter l'invraisemblance du sujet. 3 Cette lime lui dit, etc. Passe encore de faire parler les poissons tout muets qu'ils soient, et même les plantes, car au moins ce sont des êtres animés; mais une lime, et surtout une lime qui parle sans se mettre en colère! Aussi cette donnée a-t-elle été souvent critiquée. Les mêmes critiques ont été faites à propos du Pot de terre et du Pot de fer, et des autres fables où notre poëte a forcé toute vraisemblance en faisant agir, raisonner et parler des êtres matériels et inanimés. Il est à remarquer, du reste, que dans presque toutes ces fables il est resté inférieur à lui-même. (LOUANDRE.) Pauvre ignorant! et que prétends-tu faire ? Ceci s'adresse à vous, esprits du dernier ordre, Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages Ils sont pour vous d'airain, d'acier, de diamant ". FABLE XVII. Le Lièvre et la Perdrix. Cff. PHEDRE, I, f. 9 3. Il ne se faut jamais moquer des misérables : 1 VARIANTE: Eh! dans les éditions modernes. 2 Ils sont pour vous, etc. Exegi monumentum ære perenuius.. (HOR., Od. III, 30). Ces six vers, à l'adresse de la critique ignorante ou malveillante, respirent une noble énergie. 5 D'être toujours heureux. Relisez dans Hérodote l'entretien de Solon et de Crésus. « Εν γὰρ τῷ μακρῷ χρόνῳ πολλὰ μὲν ἔστι ἰδεῖν τὰ μή τις ἐθέλει πολλὰ δὲ καὶ παθεῖν... σκοπέειν δὲ χρὴ παντὸς χρήματος τήν τελευτήν, κῇ ἀποβήσεται· πολλοῖσι γὰρ on ὑποδέξας ὄλβον ὁ θεὸς προρρίζους ἀνέτρεψε. » (HEROD., C. 52.) Le sage Ésope dans ses fables Nous en donne un exemple ou deux '. Et les siens, ce sont même chose. Le lièvre et la perdrix, concitoyens d'un champ, Vivoient dans un état, ce semble, assez tranquille, Quand une meute s'approchant Oblige le premier à chercher un asile: Il s'enfuit dans son fort, met les chiens en défaut, Sans même en excepter Brifaut 2. Enfin il se trahit lui-même 3 Par les esprits sortants de son corps échauffé. La morale contenue dans les deux vers de notre poëte a été durement censurée. On a surtout reproché au second de ces vers de n'enseigner la commisération qu'au nom de l'égoïsme. Le reproche est juste; mais le tort de La Fontaine, en imitant Esope ou Phèdre, c'est d'avoir oublié, ici comme en quelques autres passages, qu'entre lui et les fabulistes de l'antiquité, il y avait le christianisme; de telle sorte qu'en imitant, il a assumé sur lui-même la responsabilité d'un sentiment qui pouvait être louable eu égard à la dureté du monde païen, mais qui est très-insuffisant depuis que l'Évangile a révélé la pitié au monde (LOUANDRE). Pour excuser La Fontaine, on a dit qu'il se contente de nous renvoyer au simple bon sens, et qu'il fonde sa morale sur la nature commune et sur la raison vulgaire. On reconnaîtra que cette défense a été dictée par un sentiment d'extrême bienveillance. 2 Un exemple ou deux. Celles qui nous restent sous le nom d'Esope n'en présentent spécialement aucun, et c'est à Phèdre que La Fontaine emprunte celui-ci. 3 Brifaut. Bon surnom de chien, puisqu'il signifie le glouton. Nous avons encore le verbe brifer, qui veut dire manger avec voracité. V. infrà, le Chat et le Renard (IX, 13). ▲ Par les esprits, etc. Cette vapeur légère qui s'exhale du corps de l'animal, échauffé par une course pénible. |