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ressorts cachés n'inspirent aux enfants qu'un étonnement passager; qu'ils ne font point cas d'une action qu'ils n'ont pas dirigée, et n'éprouvent que le désir de briser ces jouets pour s'instruire du moyen qui les fait agir. Tout ce qui se traîne, chevaux, charrettes, sont les jouets qui plaisent le plus aux enfants, et surtout aux garçons, parce qu'ils se prêtent au besoin d'action qui ne les quitte jamais.

On remarque dans les jeux des enfants leurs constantes dispositions à imiter tout ce qu'ils voient faire aux gens formés; ils aiment les petits ménages dont toutes les pièces leur retracent celui de leurs parents; un bâton transformé en cheval représente celui de leurs parents; ils sont ravis de faire claquer un fouet comme les postillons, et d'arroser comme le jardinier. La plus petite fille s'empare des poupées, et par l'effet d'un instinct admirable, véritable bienfait de la Providence vous la

verrez

Rêver le nom de mère en berçant sa poupée.

Que l'oreille d'une mère soit bien attentive aux discours adressés à la poupée : ce qui lui a fait le plus d'impression, sa fille le répètera à sa muette enfant; peutêtre même placera-t-elle dans sa bouche quelque critique sévère sur ce qui lui aura semblé injuste de la part de sa mère. C'est dans les jeux que les enfants jouissent de toute leur liberté et offrent le plus d'occasions de les juger.

Les balles, les raquettes, le cerceau, la corde, sont des jeux qui exigent une certaine adresse, et fortifient les enfants. Ils peuvent avoir lieu entre les filles et les garçons jusqu'à l'âge de sept ans, et sont aussi utiles aux uns qu'aux autres. Dès qu'il n'y a plus de proportion entre la force physique des garçons et celle des filles, il y a du danger à les faire jouer ensemble: les garçons ne comprennent pas encore que leur force ne doit servir qu'à protéger des êtres plus faibles qu'eux. Des courses dirigées vers un but marqué sont aussi un amusement qui développe beaucoup l'agilité des enfants. Les petites bêches, les râteaux, les brouettes, le seul plaisir de bouleverser une terre inculte, de ratisser des allées doivent

*

Les

longtemps précéder les premiers essais de culture. très jeunes enfants sont de détestables jardiniers; ils arrachent de suite ce qu'ils ont planté, et ne laissent pas subsister vingt-quatre heures sous la même forme leur petit jardin. Pourquoi leur enseigner à détruire! Pour rendre l'amusement du jardinage à la fois agréable et utile, il ne faut l'accorder aux enfants qu'à la seconde époque de l'éducation; laissez-les donc gratter la terre tant que cela peut les amuser, mais ne leur accordez un rosier, un pied d'œillet, que lorsqu'ils sauront attendre le développement de la fleur, et ne leur laissez cultiver les pommes-de-terre que lorsque, après les avoir plantées au mois de mars, ils sauront qu'ils doivent, avec patience, attendre le mois de septembre pour en recueillir les produits!

Madame CAMPAN, morte en 1822.

Observation.-Ce morceau d'un style simple, exprime avec grâce et naïveté ce qu'il y a de sérieux dans les jeux de l'enfance, et l'influence morale qu'ils peuvent exercer sur le reste de la vie.

UN BAL D'ENFANTS, AU CHATEAU DES TUILERIES. (1833.)

LE bal va commencer, il est huit heures; toutes les danseuses, dont la plus jeune peut avoir trois ans, et la plus âgée quatorze, sont assises, le sourire sur la bouche, les yeux brillants, et les joues roses de plaisir. Leurs cœurs palpitent d'attente et de bonheur; elles mesurent de l'oeil l'espace qu'elles vont parcourir; elles s'examinent dans les moindres détails de leurs toilettes fraîches et simples comme elles, et reportent vers leurs mères, rayonnantes d'orgueil, leurs regards joyeux.

Devant et derrière elles, les danseurs du même âge circulent dans le salon, faisant leurs remarques, louant, critiquant presque comme des hommes, et choisissant d'avance l'enfant ou la toute jeune fille.

* De suite pour tout de suite, immédiatement.

L'orchestre donne le signal, et la troupe folâtre s'élance, oublieuse de tout,* si ce n'est du plaisir. La joie est universelle; elle gagne jusqu'aux parents eux-mêmes, présents à cette fête de famille.

Les gâteaux, les glaces, le sirop, le punch, circulent en profusion; mais le punch est léger, extrêmement léger; on sait quel effet pourrait produire sur toutes ces jeunes têtes le rhum versé en aussi grande quantité que pour un punch de dames.

Mais une autre ivresse s'est emparée des enfants : l'air du galop s'est fait entendre: les voilà tous s'élançant, petits et grands, et parcourant, de la vitesse de leurs faibles jambes, les longs salons ouverts devant eux. Rien ne peut les retenir, rien ne peut les réunir en quadrilles ; ils vont toujours: l'agilité des petits chevaux de Franconi, galopant autour du cirque, peut seule égaler la leur. La musique, au lieu de s'arrêter, semble comme eux redoubler de vitesse; mais tout à coup des gémissements se font entendre: deux tout petits danseurs, haletant de fatigue, et qui, depuis quelques instants, pleuraient tout bas, s'écrient, en courant toujours: O cette musique ne finira pas ! Les pauvres enfants se croyaient obligés à ne pas perdre une mesure, et le galop devenait une tâche au-dessus de leurs forces. Des bonbons et des baisers ont vite séché leurs larmes.

Puis est venu le souper qui a réalisé pour eux toute la féerie des châteaux enchantés: une quantité de petites tables ont réuni les enfants autour d'elles; quelques mères ont pris place près des plus petits; mais aucune d'elles n'a voulu danser, et elles ont bien fait; rien ne devait troubler l'harmonie de cette fête. Le bal a donc fini, pour les mères comme pour les enfants, à une heure et demie du matin.

Cette soirée a été du petit nombre de celles qui laissent après elles, au lieu de regrets et d'ennuis, de riants et purs souvenirs. Elle fera époque dans la vie de plusieurs jeunes filles, et il y en aura beaucoup qui, dans dix ou

* Expression nouvelle qui est d'un bon effet.

douze ans, regretteront, au milieu des bals où elles porteront, au lieu de quelques fleurs, des plumes et des diamants, cette douce et joyeuse fête de janvier.

MME MÉLANIE WALDOR.

Observation.-Tableau charmant et plein de fraîcheur que la main d'une femme et d'une mère a seule pu tracer; elle seule pouvait donner tant de grâces à l'enfance, tant d'attraits à ses jeux.

UNE SÉANCE DE SOURDS-MUETS.

"La reconnaissance est la mémoire du cœur."

(MASSIEU, sourd-muet.)

une

L'INSTITUTEUR prend un objet dans les arts: montre; il demande par signe à un jeune élève, si cette montre est l'ouvrage d'une mouche, d'un singe, d'une abeille, d'une girafe, d'une fourmi, d'un éléphant, ou d'un petit chien qui est à côté de lui.

Le jeune élève devient rouge comme de l'écarlate. Il répond avec ironie, sans pourtant se fâcher, que non assurément.

On le calme doucement en lui expliquant que la question est sérieuse, et tend à son instruction.

L'INSTITUTEUR. De qui cette montre est-elle l'ouvrage ?

L'ELÈVE. Elle est l'ouvrage d'un horloger.
L'INSTITUTEUR. Qu'est-ce qu'un horloger?

L'ELÈVE. C'est un homme qui fait des horloges, des montres, etc.

L'INSTITUTEUR. Qu'est-ce que l'Eternité ?

L'ELÈVE. Sans naissance, ni mort, la jeunesse sans enfance ni vieillesse ; l'aujourd'hui sans hier ni demain ; le non-âge.

L'INSTITUTEUR. Qu'est-ce qu'une difficulté ?

L'ELEVE. C'est possibilité avec obstacle.
L'INSTITUTEUR. Qu'est-ce que l'ingénuité?

L'ELEVE. L'ingénuité est naturelle, franche, naïve, sans

déguisement ou sans détours dans ses paroles comme dans ses actions les paysans et les gens de la campagne sont pour la plupart simples, parce que leur esprit n'a pas été cultivé. Les enfants et les jeunes gens bien nés et bien élevés sont ingénus, parce que leur cœur n'a pas été corrompu.

L'INSTITUTEUR. Qu'est-ce que idée, pensée, jugement, raisonnement, et méthode ?

L'ELEVE. L'idée est le résultat de l'attention et peint l'objet dans l'esprit; la pensée réunit deux ou plusieurs idées, comparées pour les juger; le jugement voit en quoi elles conviennent ou non; le raisonnement enchaîne les comparaisons, les jugements, les déduit les uns des autres; enfin la méthode est l'art de faire quelque chose selon les règles.

L'INSTITUTEUR. Qu'est-ce que la grâce?

L'ELEVE. La grâce est le je ne sais quoi, quelque chose de divin répandu sur le corps, dans les mouvements, dans les gestes, dans toute la personne.

La grâce, c'est un don, une faveur.

La grâce, c'est le secours de l'inspiration divine.
L'INSTITUTEUR. Qu'est-ce que la clémence?
L'ELEVE. C'est un pardon magnifique.

L'INSTITUTEUR. Quelle différence y a-t-il entre une belle et une jolie femme ?

L'ELÈVE. Une belle femme a un charme puissant qui excite en nous l'admiration, elle fixe les regards sur elle par les qualités régulières du corps et par un agréable mélange de roses et de lys sur son teint; tandis qu'une jolie personne nous plaît, nous intéresse par sa mignonne figure et ses manières gentilles. C'est un bijou que nous aimons plus que nous ne l'admirons. Une belle n'est belle que d'une façon; une jolie, l'est de mille.

L'INSTITUTEUR. Quelle différence entre beau et magni

fique?

L'ELEVE. En fait d'art ou d'ouvrages d'esprit, il faut pour qu'ils soient beau, qu'il y ait de la régularité, une noble simplicité, de la grandeur; mais le magnifique y ajoute un éclat extraordinaire par un concours de perfections et de proportions qu'on ne peut s'empêcher d'admirer. Unissez le beau au magnifique; cela produit le

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