ceux qui allaient chercher leur mort en Asie, étaient pleins d'espérance et de joie. Parmi les pèlerins partis des côtes de la mer on remarquait une foule d'hommes qui avaient quitté les îles de l'Océan. Leurs vêtements et leurs armes, qu'on n'avait jamais vus, excitaient la curiosité et la surprise. Ils parlaient une langue qu'on n'entendait point; et pour montrer qu'ils étaient chrétiens, ils élevaient leurs deux doigts l'un sur l'autre en forme de croix. Entraînés par leur exemple et par l'esprit d'enthousiasme répandu partout, des familles, des villages entiers partaient pour la Palestine; ils étaient suivis par leurs humbles pénates; ils emportaient leurs provisions, leurs ustensiles, leurs meubles. Les plus pauvres marchaient sans prévoyance et ne pouvaient croire que celui qui nourrit les petits des oiseaux, laissât périr de misère des pèlerins revêtus de sa croix. Leur ignorance ajoutait à leur illusion, et prêtait à tout ce qu'ils voyaient un air d'enchantement et de prodige; ils croyaient sans cesse toucher au terme de leur pèlerinage. Les enfants des villageois, lorsqu'une ville ou un château se présentait à leurs yeux, demandaient si c'était là Jérusalem. Beaucoup de grands seigneurs qui avaient passé leur vie dans leurs donjons rustiques, n'en savaient guère plus que leurs vassaux; ils conduisaient avec eux leurs équipages de pêche et de chasse, et marchaient précédés d'une meute, ayant leur faucon sur le poing. Ils espéraient atteindre Jérusalem en faisant bonne chère, et montrer à l'Asie le luxe grossier de leurs châteaux. Au milieu du délire universel, aucun sage ne fit entendre la voix de la raison; personne ne s'étonnait alors de ce qui fait aujourd'hui notre surprise. Ces scènes si étranges, dans lesquelles tout le monde était acteur, ne devaient être un spectacle que pour la postérité. MICHAUD, Histoire des Croisades. ODE (PARAPHRASE DU PSAUME XIX) LES cieux instruisent la terre De sa puissance immortelle Son adorable structure Est la voix de la nature Qui se fait entendre aux yeux. Dans une éclatante voûte Çe soleil qui, dans sa route, L'univers, à sa présence, O que tes œuvres sont belles, Que ceux qui te sont fidèles, Elle assure notre voie, Dans les plus faibles enfants. J. B. ROUSSEAU. 66 LA BIBLE. L'ÉCRITURE surpasse en naïveté, en vivacité, en grandeur, tous les écrivains de Rome et de la Grèce. Jamais Homère même n'a approché de la sublimité de Moïse dans ses cantiques, particulièrement le dernier, que tous les enfants des Israélites devaient apprendre par cœur. Jamais nulle ode grecque ou latine n'a pu atteindre à la hauteur des psaumes; par exemple, celui qui commence ainsi: "Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre," surpasse toute imagination humaine. Jamais Homère ni aucun autre poète n'a égalé Isaïe peignant la majesté de Dieu aux yeux duquel "les "Royaumes ne sont qu'un grain de poussière; l'univers qu'une tente qu'on dresse aujourd'hui et qu'on enlève de"main." Tantôt le prophète a toute la douceur et toute la tendresse d'une églogue, dans les riantes peintures qu'il fait de la paix; tantôt il s'élève jusqu'à laisser tout audessous de lui. Mais qu'y a-t-il, dans l'antiquité profane, de comparable au tendre Jérémie, déplorant les maux de son peuple; ou à Nahum, voyant de loin, en esprit, tomber la superbe Ninive sous les efforts d'une armée innombrable? On croit voir cette armée, on croit entendre le bruit des armes et des chariots; tout est dépeint d'une manière vive qui saisit l'imagination; il laisse Homère loin derrière lui. Lisez encore Daniel, dénonçant- à Balthazar la vengeance de Dieu toute prête à fondre sur lui; et cherchez, dans les plus sublimes ori R ginaux de l'antiquité, quelque chose qu'on puisse leur comparer. Au reste, tout se soutient dans l'Écriture; tout y garde le caractère qu'il doit avoir, l'histoire, le détail des lois, les descriptions, les endroits véhéments, les mystères, les discours de morale; enfin, il y a autant de différence entre les poètes profanes et les prophètes, qu'il y en a entre le véritable enthousiasme et le faux. Les uns, véritablement inspirés, expriment sensiblement quelque chose de divin; les autres, s'efforçant de s'élever au-dessus d'eux-mêmes, laissent toujours voir en eux la faiblesse humaine. FÉNÉLON.-Né en 1651; mort en 1715. De Fontanes le peint d'un seul vers: Son goût fut aussi pur que son âme était belle. LE COLPORTEUR VAUDOIS.* OH! regardez, ma noble et belle dame, La noble dame, à l'àge où l'on est vaine, Se trouva belle, et puis elle sourit. "Que te faut-il, vieillard? des mains d'un page Dans un instant tu vas le recevoir. Oh! pense à moi, si ton pèlerinage * Des vallées protestantes du Piémont. Mais l'étranger, d'une voix plus austère, Quels jours heureux luiraient pour vous, ma fille, "Montre-la-moi, vieillard, je t'en conjure; Ne puis-je pas te l'acheter aussi ? Et l'étranger, sous son manteau de bure, "Ce bien, dit-il, vaut mieux qu'une couronne, Nous l'appelons la Parole de Dieu. Je ne vends pas ce trésor, je le donne; Il est à vous: le ciel vous aide! adieu!" Il s'éloigna. Bientôt la noble dame G. DE F. PREFACE D'ATHALIE, TRAGÉDIE. Tout le monde sait que le royaume de Juda était composé des deux tribus de Juda et de Benjamin, et que les dix autres tribus qui se révoltèrent contre Roboam composaient le royaume d'Israël. Comme les rois de Juda étaient de la maison de David, et qu'ils avaient dans leur partage la ville et le temple de Jérusalem, tout ce qu'il y avait de prêtres et de lévites se retirèrent |