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Lazare Hoche, né à Versailles, rue Satory, le 24 juin 1768, perdit sa mère à l'âge de quatre ans et demi. Elevé à Saint-Germain-en-Laye, il se fit remarquer, par son intelligence et son désir de bien faire, du curé de la paroisse, qui s'intéressa à lui. Après avoir été occupé à la Vénerie ou au Chenil avec son père, Louis Hoche, qui habitait sans doute alors Saint-Germain-en-Laye, il entra en 1782 aux Ecuries, comme palefrenier surnuméraire. C'est alors qu'il revint habiter Versailles et qu'il fut confié à son oncle et à sa tante, Christophe Merlière et Marie-Louise Dupré, chez lesquels il demeura jusqu'au jour où il s'engagea, c'est-à-dire jusqu'en 1784.

Tout devient alors simple et logique : la mort de la mère de l'enfant à Saint-Germain-en-Laye, l'intervention du curé de la paroisse à un moment donné, le rôle quasi paternel des Merlière, l'affection que le général Hoche conserva toujours pour sa bonne tante. Le poète a dit que :

Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.

Il se trouve, dans l'espèce, que la vraisemblance est parfaitement d'accord avec la réalité.

E. COUARD.

LE MARIAGE DE DANGEAU

Dans une communication que j'ai eu l'honneur de faire récemment à notre Société, je disais qu'une lettre de cachet datée du 2 avril 1686, ordonnant des suppressions sur le registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Versailles, c'est-à-dire sur le registre de l'état civil d'alors, présentait un fait très rare et ouvrant large carrière aux recherches et aux suppositions. Quel secret d'Etat avait nécessité une pareille mesure, la seule peut-être que Louis XIV ait employée en ces circonstances? N'était-il pas permis d'espérer trouver la réponse à un problème historique, resté jusqu'à ce jour une énigme dont on n'a pas encore donné le mot? Je parle de la date du mariage de Madame de Maintenon avec le roi.

Les opinions plus ou moins hasardées des historiens et des auteurs de Mémoires prêtaient une certaine autorité à la lettre de cachet et au procès-verbal qui la suit.

En général, ceux qui affirment que le mariage a eu lieu en fixent la date dans les derniers mois de l'année 1685. Voltaire Siècle de Louis XIV-la met au mois de janvier 1686; et personne n'ayant produit une pièce authentique à l'appui de son affirmation, la lettre de cachet ne recevant pas une explication de son objet, j'avais pensé un moment avoir rencontré le document espéré et attendu depuis deux siècles. Je dirigeais mes recherches de manière à ne pas laisser place à une objection sérieuse, et, au moment où je me croyais arrivé au but désiré, une page d'un témoin oculaire et autorisé a fait crouler mon échafaudage et replacé la question où elle était auparavant.

Toutefois, comme on va le voir, je n'aurai pas tout à fait perdu mon temps, puisque, en faisant connaître la cause qui provoqua la lettre de cachet, je mets en lumière un détail intéressant du mariage de Dangeau, et que, par là, j'explique la présence, sur les registres de l'état civil de

Versailles, d'un document historique qui souvent depuis de longues années a attiré l'attention des chercheurs curieux et sérieux.

Or, à la fin du verso du feuillet 26o, on est averti par les deux talons des feuillets 27 et 28 qu'il y a eu suppression de ces feuillets.

Le premier acte inscrit sur le folio 29o est celui du mariage de Dangeau, que nous reproduisons plus loin il occupe tout le recto, et un tiers au moins du verso, où les époux et témoins ont signé propria manu. A la suite, on lit onze ou douze autres actes, tant de naissance que de sépulture, mais sans signatures autographes.

La transcription de ces actes, y compris celui du mariage de Dangeau, couvre les feuillets entiers 29 et 30° et la moitié du recto du 31o, enfin on arrive à la formule mise en vedette:

De par le Roy,

Je dois faire observer que l'écriture des actes retranscrits, de la lettre de cachet et du procès-verbal est de la même main, et est l'œu vre assurément du greffier qui assistait le bailli de Versailles.

Et tout d'abord, voici la teneur de la lettre de cachet et du procèsverbal, bien que sur le registre ils se trouvent après la copie des actes.

De par le Roy,

Estant nécessaire pour bonnes considérations de supprimer les feuillets 27 et 28 du registre de la présente année des baptesmes, mariages et mortuaires de la Paroisse de Versailles (1), il est ordonné au sieur Legrand, bailly de ladite Ville, de les supprimer et d'en donner tous actes nécessaires au curé de la dite parroisse, pour luy servire et valloire ainsy qu'il appartiendra.

Fait à Versailles, ce deuxième jour d'avril mil six cent quatre-vingtsix.

(Signe) LOUIS.

(Et plus bas) COLBERT (Marquis de Seignelay).

et scellé du cachet de Sa Majesté.

(1) Ce qui indique qu'il n'y avait à cette | La paroisse Saint-Louis n'eut ses registres

date qu'une seule paroisse à Versailles. particuliers qu'en 1728.

Puis on lit:

L'an mil six cent quatre-vingt-six, le deuxième jour d'avril, Nous Georges Legrand, seigneur des Alluets, Conseiller du Roy, bailly royal, civil et criminel de Versailles, suivant et en exécution de la lettre de cachet de Sa Majesté de ce jour, nous sommes transportés, assistez du greffier ordinaire de ce bailliage en la maison presbitéralle de cette ville, où estant seroit venu devant Nous Messire Charles Turpin de Souhé (1), supérieur des prestres de la Congrégation de la Mission et curé de Versailles et Louis Monier, prestre de ladite Congrégation, faisant les fonctions curiales en son absence, lesquels nous auroient représenté ce registre des baptesmes, mariages et sépultures de ladite parroisse de la présente année, contenant 124 feuillets, de Nous paraphez par premier et dernier, le huitiesme janvier, aussi dernier; duquel registre aurions, en présence dudit sieur Curé, supprimé les feuillets vingt-sept et vingt-huit; ce dont nous avons dressé le présent procès-verbal pour servir et valloir ainsi qu'il appartiendra, conformément à l'ordre de Sa Majesté, lequel a esté signé de Nous, desdits sieurs Curé et Monier et de notre greffier, les jour mois et an que dessus, et fait transcrire sur les feuillets vingt neuf, trente et trente et un, les baptesmes, mariages et sépultures contenus auxdits feuillets. vingt sept et vingt huit. Legrand. - Charles Turpin de Souhé.

LAMY, greffier.

MONIER, prestre.

Cette lettre et le procès-verbal sont consignés sur la seconde moitié du recto et sur le verso du 31° feuillet.

(1) La présence du nom du curé de la paroisse de Versailles, Charles Turpin de Souhé, soit dans le procès-verbal, soit sur l'acte de mariage, semble demander une note particulière, dans l'intérêt de l'exactitude historique. - Et voici pour quoi Michelet - Histoire de France, à l'année 1685-agite le problème du mariage du Roi avec Mme de Maintenon, et se prononce pour l'affirmative. Il désigne les témoins et donne le nom du curé qui officia dans la circonstance, il l'appelle Hébert, et il ajoute que le curé Hébert, pour récompense de sa discrétion et du service rendu, fut, bientôt après, nommé évêque. S'il n'existait

pas d'autres preuves plus plausibles en faveur du mariage secret en question, que l'autorité du nom d'Hébert, curé de la paroisse de Versailles en 1685 et 1686, l'affirmation de l'historien serait fort discutable. En effet, nous voyons, par le procès-verbal du 2 avril 1686, qu'il n'est pas curé. Devint-il évêque plus tard? Nous l'ignorons. Mais, en 1697, le curé qui célèbre le mariage du duc de Bourgogne et de la princesse Adélaïde de Savoie, est Hébert, curé de la paroisse de Versailles, et son nom se trouve à la suite de toutes les signatures de la famille royale.

Voici le premier acte transcrit sur le feuillet 29° puisque les feuillets 27 et 28 avaient été supprimés. C'est le seul d'ailleurs qui nous intéresse en ce moment.

« Mars 1686.

<< Haut et puissant seigneur Philippe de Courcillon, chevalier, seigneur, marquis de Dangeau et de la Boudaisière, comte de Nesle et baron de Sainte-Hermine, de Saint-Herman et de Bressuire, seigneur de Chausseraie, Eguille et autres lieux, conseiller du roi en tous ses conseils, gouverneur et lieutenant général pour Sa Majesté dans la province de Touraine, gouverneur particulier de la ville et château de Tours, chevalier d'honneur de Mme la Dauphine, âgé de quarante-cinq ans, fils du haut et puissant seigneur Louis de Courcillon, vivant chevalier, seigneur, marquis de Dangeau et de haute et puissante dame Charlotte de Roure, baronne de Sainte-Hermine, défunte, d'une part;

« Et illustre dame Mme Sophie, comtesse de Lewenstein, Bertherin Rochefort de Montaigne, fille d'honneur de Mme la Dauphine, fille du haut et puissant seigneur messire Ferdinand-Charles, comte de Lewenstein, et d'illustre dame Mme Anne-Marie, née Landgrave de Furstemberg, comtesse douairière de Lewenstein, ses père et mère et aussi défunts, âgée de dix-huit ans, tous deux de cette paroisse, et ayant été fiancés le jour d'hier, ont été mariés cejourd'hui, trente et unième du présent mois de mars mil six cent quatre-vingt-six, en présence de moi, supérieur des prêtres de la congrégation de la Mission de Versailles et curé dudit lieu, qui leur ai donné la bénédiction nuptiale, selon la forme prescrite par l'Eglise, et ce, en la chapelle du Roi, de son château dudit Versailles, sans aucune proclamation de bans, et ce, en temps de Carême, suivant la dispense de Monseigneur l'archevêque de Paris, qui nous est restée, étant assistés de leurs parents et amis ci-après nommés, savoir, de la part dudit seigneur et marquis de Dangeau, de messire Louis de Courcillon, abbé de Fontaine, son frère Daniel; de haut et puissant seigneur Louis Levasseur, marquis de Cognières, son cousin-germain; et de la part de ladite illustre dame de Lewenstein, de très haut et puissant prince monseigneur Guillaume Egon, évêque et prince de Strasbourg, son oncle

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