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Le règne de Louis XIV s'explique par Me de La Vallière et M de Maintenon; celui de Louis XV par la Pompadour et la Du Barry; celui de Louis XVI par Marie-Antoinette.

Les différences qui existent entre ces femmes marquent aussi les différences qui se produisirent dans la société française tout entière.

Il existe ceci de remarquable en France, que plus grand est le respect pour la femme, vierge, épouse et mère, plus haute est notre gloire.

Plus aussi la femme se maintient dans son rôle, plus la nation tout entière est puissante.

Enfin, plus la vérité est dite ouvertement et mise en pratique, plus nous sommes forts au dedans et au dehors; plus le mensonge triomphe, plus nous tombons dans la désorganisation et nous subissons des défaites.

Ce qui s'est passé dans tout le cours de notre histoire apparaît d'une façon frappante aux XVII et XVIII° siècles, à l'apogée et au déclin de la société de l'ancien régime.

Lorsque nous examinons un homme, nous portons tout d'abord nos regards sur son visage; de même, pour prendre une juste idée de la société française dans ces deux siècles, il faut la regarder à la tête, c'est-à-dire à la cour d'abord, et ensuite dans les salons.

Au XVIIe siècle, l'enfant est séparé de ses parents par le système d'éducation, au XVII elle leur devient presque une étrangère, on lui montre la religion comme une vaine cérémonie, comme un prétexte à toilette, comme un joujou; cependant dans beaucoup de jeunes filles subsiste une grande bonté de cœur produite en partie par la facilité de la vie.

Le jeune homme n'a plus, dans un trop grand nombre

de cas, à faire une cour assidue et délicate à celle qu'il va épouser cette partie si importante du respect que l'homme témoignait à la femme disparaît, il s'ensuit que celle-ci est portée à considérer l'engagement qu'elle prend comme de peu de valeur, et le mari qu'elle accepte, comme l'être nécessaire à son émancipation, non pas à son bonheur. Elle est, par conséquent, disposée à le juger de haut, à le mépriser.

Le mensonge, préparé dans l'éducation de la jeune fille par une étiquette sans motif, sans raison d'être, sans esprit intérieur, s'impose dans la vie à la femme mariée sans amour.

L'étiquette devient un mensonge de convention parce que celui qu'elle avait surtout mission de faire honorer, le Roi, quitte avec Louis XV son rôle auguste de souverain pour n'être plus qu'un débauché très riche ou un chasseur comme Louis XVI qui n'a su écrire dans son Journal que le nombre de pièces de gibier qu'il avait abattues.

L'étiquette ayant été prostituée aux favorites et la foi au roi se perdant, la cour voyait son prestige et l'attraction qu'elle exerçait sous Louis XIV diminuer au profit des salons.

L'inaction et la débauche produisirent l'ennui et la femme de cour de la fin du XVIIIe siècle chercha à s'étourdir en multipliant le bruit autour d'elle; elle n'y réussit pas, car elle a perdu l'amour de l'homme, le respect. d'elle-même, la foi dans la royauté, la foi dans la religion.

Mais laissons ces réflexions générales pour revenir à la vie de la femme de qualité sous Louis XIV.

VIE DE LA FEMME DE QUALITÉ SOUS LOUIS XIV.

Dès sa petite enfance, la jeune fille noble avait été préparée, élevée en vue du rôle qu'elle jouerait plus tard dans le monde, c'est-à-dire à la cour, son rôle dont le premier acte, le pas décisif, était la présentation.

La vie de famille des nobles vivant à la cour avait bien vite perdu son intimité patriarcale d'autrefois. A peine née, la petite fille était emportée au loin par une nourrice, dans un coin de la province. La mère trop occupée par les cérémonies, les promenades, les voyages, les soirées, les comédies et les intrigues politiques ou galantes, trouvait rarement le temps d'aller voir son enfant.

Lorsque la petite fille sortait de nourrice et entrait dans la famille, elle était confiée aux mains d'une gouvernante, et logée avec elle dans les appartements du comble.

La gouvernante apprenait à l'enfant la lecture, l'écriture et le catéchisme; un maître de musique lui mettait les mains sur le clavecin; un maître à chanter, un maître à danser lui donnaient des leçons. La danse d'alors comportait peut-être autant de mouvements de bras que de mouvements de jambes : c'était la gymnastique de l'époque. Peut-être valait-elle autant que l'emploi des haltères et du trapèze, préconisé maintenant ! Je le croirais volontiers, en constatant combien les

femmes du XVIIe siècle étaient gracieuses et en même temps robustes et résistantes à la fatigue.

Un des résultats néfastes de l'accaparement par Louis XIV de ce que la France comptait de plus distingué en hommes et en femmes, était la rupture presque complète de la vie de famille chez les habitués de Versailles. Bien que logeant maintenant sous le même toit que sa fille, sa mère ne la voyait pas souvent. Elle habitait si peu chez elle ! Elle n'y rentrait guère que pour dormir, et encore !

En vérité, le type de Mme Benoiton existait aussi bien à cette époque que maintenant. Aussi, l'enfant concevait-elle pour ses parents, pour le pouvoir, presque invisible au nom duquel elle devait obéir, plus de respect que d'amour, parfois même de la crainte.

(Il est bien entendu que je ne parle que de la noblesse de cour, et non de la noblesse de province qui avait gardé les saines traditions d'autrefois.)

Quand l'enfant était devenue grandelette, elle était mise au couvent. Que l'on ne s'imagine pas par ce mot de couvent, un endroit austère, une vie cloîtrée. Loin de là! Je crois même que, tout compte fait, nos maisons d'éducation actuelles sont beaucoup plus sévères et fermées que les couvents du XVIIe siècle.

La maison d'éducation la plus renommée de Paris pour les filles nobles était celle de Panthémon, située rue de Grenelle au faubourg Saint-Germain. Son église subsiste encore, tranformée en temple protestant.

Les princes mettaient leurs filles en pension à Panthémon et les nobles j'entends ceux du plus haut parage y plaçaient aussi leurs enfants dans l'espérance qu'elles s'y créeraient des relations utiles pour leur avenir.

Après le couvent de Panthémon, le mieux réputé était celui de la Présentation.

Dans ces pensions, chaque jeune fille avait sa femme de chambre pour la servir. Quelquefois même elle était accompagnée de sa gouvernante.

Cette vie était très gaie, coupée par de nombreuses fêtes religieuses supprimées depuis par la Révolution; par les leçons de danse, de chant, de musique; par les visites et les sorties qui étaient nombreuses; par les jeux et les espiègleries, le temps coulait rapidement.

Par le parloir les nouvelles de la ville et de la cour pénétraient dans ces maisons. Le récit des fêtes de Versailles, des voyages de Marly et de Fontainebleau, faisait travailler les petites têtes des pensionnaires et montrait à leur imagination la vie qui les attendait audelà de la porte.

La jeune fille apprenait sa religion à fond et prenait des sciences seulement ce qui lui était nécessaire pour l'état qu'elle devait tenir dans le monde.

On ouvrait son intelligence, on guidait son jugement, on affermissait son bon sens et l'on jugeait avec raison qu'on avait accompli, en agissant ainsi, tout le nécessaire.

Ah! on ne parlait pas dans ce temps-là de surmenage! On ne voyait pas des bachelières, le crâne agrandi et vide, les traits pâlis, l'œil hardi, le pas hommasse, singer, une serviette bourrée de livres sous le bras, les allures des étudiants. Il est vrai aussi qu'on ne voyait pas des femmes escalader les tribunes des réunions publiques pour réclamer dans leurs discours leurs droits méconnus.

Fortes et souples, les traits réguliers et grands, la pean transparente, les joues hautes en couleur, même

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