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L'avare rarement finit ses jours sans pleurs, 30 Il a le moins de part au trésor qu'il enserre, Thésaurisant pour les voleurs,

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Pour ses parents, ou pour la terre.

Mais que dire du troc que la fortune fit?

Ce sont là de ses traits; elle s'en divertit:

Plus le tour est bizarre, et plus elle est contente.
Cette déesse inconstante

Se mit alors en l'esprit

De voir un homme se pendre;

Et celui qui se pendit

S'y devoit le moins attendre.

FABLE XVII.

Le singe et le chat.

Bertrand avec Raton, l'un singe et l'autre chat,
Commensaux d'un logis, avoient un commun maître.
D'animaux malfaisants c'étoit un très-bon plat:
Ils n'y craignoient tous deux aucun, quel qu'il pût être.
5 Trouvoit-on quelque chose au logis de gâté,
L'on ne s'en prenoit point aux gens du voisinage:
Bertrand déroboit tout; Raton, de son côté,
Étoit moins attentif aux souris qu'au fromage.
Un jour au coin du feu, nos deux maîtres fripons
Regardoient rôtir des marrons.

10

Les escroquer étoit une très-bonne affaire:

Nos galants y voyoient double profit à faire:
Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.

32 pour la terre, um ihn zu vergraben.

Die Fabel beruht auf zwei Epigrammen des Ausonius. 22 und 23, die aus der griechischen Anthologie übersetzt sind.

3 un

1 Bertrand, Name des Affen, Raton der Ratze. très-bon plat hier für Paar. 13 et puis le mal d'autrui, der boshafte Vers ist Sprichwort geworden.

La Fontaine, Fabeln. II.

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Bertrand dit à Raton: Frère, il faut aujourd'hui
Que tu fasses un coup de maître;

Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avoit fait naître
Propre à tirer marrons du feu,

Certes, marrons verroient beau jeu.

Aussitôt fait que dit: Raton, avec sa patte,
D'une manière délicate,

Écarte un peu la cendre, et retire les doigts;

Puis les reporte à plusieurs fois;

Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque
Et cependant Bertrand les croque.

Une servante vient: adieu mes gens! Raton
N'étoit pas content, ce dit-on.

Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes
Qui, flattés d'un pareil emploi,

Vont s'échauder en des provinces

Pour le profit de quelque roi.

FABLE XVIII.

Le milan et le rossignol.

Après que le milan, manifeste voleur,

Eut répandu l'alarme en tout le voisinage,

14 Frère, dies freundlich schmeichelnde Wort characterisirt den Affen, der die Katze ausbeuten will. 24 cependant, wieder während dessen. 29 s'échauder, sich die Finger verbrennen.

Regnerii Apologi Phaedrii fab. 78 Felis et Simius.

Der Stoff ist alt und war schon früher behandelt worden. Die Italiener haben ein altes Sprichwort: Cavar le castagne del fuoco con le zampi del gato, unser Wort: die Kastanien aus dem Feuer holen entspricht dem. Mad. de Sévigné erzählt, dass man diese Fabel bei de la Rochefoucauld vorgelesen habe und dass sie die Anwesenden aus Freude an derselben auswendig gelernt hätten.

1 manifeste, allgemein als solcher bekannt.

Et fait crier sur lui les enfants du village,

Un rossignol tomba dans ses mains par malheur. 5 Le héraut du printemps lui demande la vie. Aussi bien, que manger en qui n'a que le son? Écoutez plutôt ma chanson:

10

Je vous raconterai Térée et son envie.

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- Qui, Térée? est-ce un mets propre pour les milans? Non pas; c'étoit un roi dont les feux violents Me firent ressentir leur ardeur criminelle.

Je m'en vais vous en dire une chanson si belle,
Qu'elle vous ravira: mon chant plaît à chacun.
Le milan alors lui réplique:

15 Vraiment, nous voici bien! lorsque je suis à jeun,
Tu me viens parler de musique!

20

J'en parle bien aux rois. —Quand un roi te prendra,
Tu peux lui conter ces merveilles:
Pour un milan, il s'en rira.

Ventre affamé n'a point d'oreilles.

5

FABLE XIX.

Le berger et son troupeau.

Quoi! toujours il me manquera
Quelqu'un de ce peuple imbécile !

Toujours le loup m'en gobera!

J'aurai beau les compter! Ils étoient plus de mille

Et m'ont laissé ravir notre pauvre Robin!

3 sur lui, hinter ihm her. 5 le héraut du printemps,

8 Térée etc.

20 ventre af

der Gesang der Nachtigal verkündet den Frühling. Ovid Metamorph. VI. 13, vergl. fab. III. 15. famé etc. Der Vers ist ein oft citirtes Sprichwort geworden: plenus venter non studet libenter.

Abstemius 92 de Luscinia cantum accipitri pro vita pallicente. 5 Robin, das Lieblingsschaf Dindenants in Rabelais Pan

tagruel IV. 6.

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Robin mouton, qui par la ville

Me suivoit pour un peu de pain,

Et qui m'auroit suivi jusques au bout du monde !
Hélas! de ma musette il entendoit le son;

Il me sentoit venir de cent pas à la ronde.
Ah! le pauvre Robin mouton!

Quand Guillot eut fini cette oraison funèbre,
Et rendu de Robin la mémoire célèbre,

Il harangua tout le troupeau,

Les chefs, la multitude, et jusqu'au moindre agneau,
Les conjurant de tenir ferme:

Cela seul suffiroit pour écarter les loups.

Foi de peuple d'honneur, ils lui promirent tous
De ne bouger non plus qu'un terme.
20 Nous voulons, dirent-ils, étouffer le glouton
Qui nous a pris Robin mouton.
Chacun en répond sur sa tête.
Guillot les crut, et leur fit fête.
Cependant, devant qu'il fût nuit,
Il arriva nouvel encombre:

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Un loup parut; tout le troupeau s'enfuit.
Ce n'étoit pas un loup, ce n'en étoit que l'ombre.

Haranguez de méchants soldats;

Ils promettront de faire rage:

Mais, au moindre danger, adieu tout leur courage;
Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.

12 Guillot, Schäfername, auch fab. III. 3.

19 terme, 23 leur fit fête, belobte sie. 24 25 encombre, Unge29 faire rage, sein

Statue eines Grenzgottes.
devant que avant que, archaistisch.
27 l'ombre, der Anschein.
Aeusserstes thun, häufig bei Mol.

mach.

Abstemius 127 De pastore gregem suum adversus Lupum

portante.

LIVRE DIXIÈME.

FABLE PREMIÈRE.

Les deux rats, le renard et l'œuf.

Discours à Madame de la Sablière.

Iris, je vous louerois; il n'est que trop aisé:
Mais vous avez cent fois notre encens refusé;
En cela peu semblable au reste des mortelles,
Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles.
5 Pas une ne s'endort à ce bruit si flatteur.

Je ne les blâme point; je souffre cette humeur:
Elle est commune aux dieux, aux monarques, aux belles.
Ce breuvage vanté par le peuple rimeur,

Le nectar, que l'on sert au maître du tonnerre,
10 Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre,
C'est la louange, Iris. Vous ne la goûtez point;
D'autres propos chez vous récompensent ce point:
Propos, agréables commerces,

Où le hasard fournit cent matières diverses;

Madame de la Sablière, Lafontaines Freundin und Beschützerin, s. Ausführlicheres über sie in der Einleitung. 1 Iris, poetischer Name, wie er damals häufig den Damen aus höheren Gesellschaftskreisen beigelegt wurde. 1 il für cela. 12 récompensent compensent, gleichen aus. 13 agréables commerces, angenehme Unterhaltungen, auch bei Mol. in diesem Sinne.

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