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eret pour en arrêter le cours. Elle défendit ces sortes de rétractations sous les peines les plus sévères'; elle privoit ceux qui les auroient faites de tout traitement, ordonnoit qu'ils seroient recherchés, appréhendés au corps, et punis comme rebelles à la loi, et comme criminels de lèse-nation. Cette loi les força d'émigrer, et on leur substitua des intrus.

L'Eglise gallicane ne vit plus alors dans son sein, déchiré par le schisme et l'immoralité, que des intrus et des prêtres sacrilèges qui, à l'abri d'une nouvelle constitution, pouvoient impunément donner un libre cours à leur cupidité et aux désirs déréglés de leurs coeurs. C'est ce qu'avoient si ardemment désiré les factieux et les philosophes. Il leur falloit des hommes de cette trempe pour accélérer en France l'anéantissement d'une religion à laquelle, disoient-ils, le peuple tenoit encore par les liens de l'habitude et du préjugé.

Les bons évêques émigrans ou émigrés, forcés d'abandonner leur troupeau à la rapacité des intrus et à la séduction des prêtres constitutionnels, prirent toutes les précautions que pouvoient suggérer le zèle et la prudence pour procurer aux ouailles restées fidèles, les secours de la religion. Leurs sages et pathétiques instructions furent répandues en secret comme aux temps des Néron et des Dioclétien. Les

bons prêtres, déguisés et méconnus de ceux dont il falloit se défier, ne pouvoient plus exercer leur saint ministère que dans des lieux cachés, et à la faveur des ombres de la nuit. Pendant le jour, plusieurs travailloient comme ouvriers à gages à des œuvres manuelles ; et quand les ennemis de la catholicité étoient ensevelis dans leur premier sommeil, ils alloient alors dans des chambres particulières pour célébrer les saints mystères, confesser, donner la communion, et administrer, selon la nécessité, les autres sacremens. Les intrus, au contraire, et les assermentés levoient impunément la tête pour profaner les choses saintes par le sacrilége et par le scandale de leur rébellion contre l'Eglise romaine. Les vrais catholiques ne fréquentoient plus les églises paroissiales pour ne pas communiquer avec des profanateurs et des schismatiques. Le culte catholique romain étoit sévèrement interdit partout; la liberté du ministère et de l'enseignement n'étoit plus accordée qu'à ceux qui avoient abjuré l'union avec les légitimes pasteurs, et qui bravoient les foudres de Rome.

Telles étoient les tristes extrémités où se trouvoit réduite l'Eglise de France sous l'assemblée constituante; cette Eglise, toujours pure, toujours florissante depuis plus de seize cents ans aucune tache n'avoit

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souillé la pureté de sa foi depuis que les disciples des apôtres, les Denis, les Irénée, les Pothin y avoient arboré l'étendard de la croix sur les débris des idoles qu'adoroient les Gaulois. La catholicité de plus de soixante rois, depuis Clovis, sembloit l'avoir mise à couvert du schisme à la fin du seizième siècle. Mais que ne peuvent pas l'incrédulité et l'intolérante philosophie armées de la force publique? Le schisme étoit, pour ces propagateurs des plus mauvais principes, le degré dont ils vouloient se servir pour arriver au déisme et jusqu'à l'athéisme, comme nous l'avons vu. Ce but où tendoient les factieux dominans, ne pouvoit plus être un problême en voyant ce qui se passoit sous les yeux de l'assemblée nationale. L'Eglise métropolitaine de Paris étoit occupée par l'intrus évêque de Lydda; l'assemblée du département l'avoit élu pour le récompenser de son courage à l'ordination des évêques constitutionnels, et surtout pour la profession publique que faisoit ce prélat déshonoré de la doctrine et des principes des jacobins. Agrégé à cette secte venimeuse et sanguinaire, cet évêque sans pudeur parut dans leur assemblée le bonnet rouge de la liberté sur la tête, afin de remercier cette société des démarches qu'elle

L'évêque de Lyde da, métropolitain intrus de Paris.

avoit faites pour lui procurer cet évêché, le plus riche des évêchés constitutionnels.

Les églises paroissiales de Paris étoient devenues la proie des intrus et de quelques curés assermentés. Peu de curés avoient donné, comme M. Poupart, ex-oratorien, et curé de Saint-Eustache, le scandale de la défection. Presque tous, attachés aux vrais principes, s'étoient généreusement sacrifiés pour la bonne cause. Les autres églises avoient été déclarées propriétés nationales. La municipalité les fit mettre à l'enchère. L'assemblée constituante avoit permis qu'elles fussent vendues pour y célébrer les rites de tous les cultes que la loi toléroit. Ainsi les temples catholiques pouvoient être indifféremment métamorphosés en mosquées, en synagogues, en conventicule de quackers, en loges d'illuminés, et en temples protestans. Les catholiques, qui ne vouloient point communiquer avec les intrus et les prêtres assermentés, louèrent l'église des Théatins pour leur usage particulier. Les protestans achetèrent la collégiale de Saint-Louis du Louvre, et la transformèrent en temple calviniste. La Triomphe de prise de possession et l'inauguration de ce temple se fit avec une pompe et un apparat extraordinaires. La municipalité, le maire Bailly, à la tête, y assista en corps et en

l'hérésie à Paris.

habits de cérémonie; La Fayette y parut aussi, suivi d'un détachement de la garde nationale. On avoit rassemblé dans ce temple toute la musique et toutes les chanteuses de l'Opéra. Ce fut pour l'hérésie, aussi hautement protégée, un jour de jubilation et de triomphe.

Ce tableau, qui offre la dégradation du culte catholique sous les yeux des autorités constituées, au sein de la capitale, pour être encore plus frappant devoit avoir son contraste. Tandis que tout conspiroit à favoriser le culte protestant, on soudoyoit la populace pour insulter les prêtres et les fidèles catholiques de l'église des Théatins, et pour en profaner publiquement le sanctuaire. Les poissardes y pénètrèrent pendant qu'on y célébroit le saint sacrifice de la messe, les mains armées de fouets pour en chasser les femmes ou les fustiger; les bandits de la halle y arrivèrent avec des cris forcenés, firent cesser le sacrifice, maltraitèrent et outragèrent le célébrant, renversèrent l'autel et brisèrent le crucifix à coups de hache. Le maire Bailly en fut informé; la force publique étoit à ses ordres pour faire cesser ce scandale et cette violation à la loi; il demeura tranquille et muet, protégeant secrètement ce scandale de profanation. Le commandant La Fayette en fut averti également, et il n'envoya pas

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