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V.

Déclaration de guerre aux Puissances protectrices des Emigrés.

LES tentatives criminelles et les succès déplorables de la seconde législature pour le plus grand avilissement de la religion et son anéantissement, la destruction de la monarchie, l'épuisement des finances, la corruption des armées et des autorités, devoient provoquer une déclaration de guerre nécessaire à l'entier accomplissement de ce système ; nous en développerons les motifs et en détaillerons les suites jusqu'à l'installation de la convention nationale.

Nous avons déjà fait apercevoir une partie des raisons que les révolutionnaires avoient de la désirer vivement et de la provoquer. Toutes les forces militaires disponibles devoient dans cette hypothèse se porter aux frontières. Les nobles qui entouroient encore le trône', et les amis de la monarchie dans la carrière des armes, employés exprès aux armées, devoient laisser le champ libre aux factions, toutes réunies en ce moment dans un seul intérêt, celui de régner, libres de toutes entraves, dans Paris et les dépar

temens.

Deux partis principaux divisoient l'assemblée, législative; les constitutionnels et la Gironde, escortés de Brissot et de ses adhérens, tenant le milieu entre celle-ci et un troisième parti hors de la législature.

Les constitutionnels défendoient le nouveau pacte social, le roi et ses prérogatives contre les attaques de l'anarchie ou de l'intrigue qui tentoient de s'emparer du pouvoir. C'étoit le côté droit.

Dans la gauche siégeoient la Gironde et les Brissotins, s'agitant pour se saisir de ce même pouvoir, du trésor royal, et peutêtre aspirer aux titres et aux décorations. Déjà, dans la constituante, plusieurs de ces grands patriotes, et notamment Dubois de Crancé, s'étoient fait donner la croix de Saint-Louis, après avoir déclamé contre la noblesse, et voté son abolition comme celle des autres ordres. (Celui du SaintEsprit, ceux de Notre-Dame du MontCarmel et de Malte.) Les amis de l'égalité vouloient ainsi tout abaisser au niveau qu'ils avoient désespéré de jamais dépasser. Mais tout ce côté étoit dominé et mené

par

les cordeliers, ainsi nommés du lieu de leur repaire. Ce parti n'avoit dans l'assemblée que quelques sentinelles perdues, aboyeurs, espions, et directeurs des tribunes. (Entre autres, le capucin Chabot, Merlin de Thionville, Bazire et Thuriot.)

On remarquoit aussi la coterie de quelques hommes qu'une conformité de caractère, qu'un même sentiment d'égoïsme, que l'habitude de se trouver assis les uns près des autres avoient réunis. L'annonce d'un appel nominal les faisoit frissonner comme auroit pu le faire la nouvelle d'un grand désastre ou le son du tocsin... Lorsqu'un tel appel avoit lieu, attentifs et prudens, ils battoient successivement en retraite, et ne reparoissoient que bien assurés qu'au réappel, la lettre dans laquelle leur nom se trouvoit compris, étoit passée. Incapables de voter contre l'anarchie, ils n'avoient pas assez de force et de fermeté pour s'élever contre elle. Ils s'étoient fait une loi de flatter tous les partis, de leur être agréables, de sembler partager leur opinion, mais de ne jamais voter avec eux ni pour eux. Par cette conduite prudente et mesurée, ils ont échappé aux proscriptions; et, ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que, depuis, ils ont eu la plus grande influence, sont parvenus aux premières fonctions de l'Etat, sont riches et titrés.

Les cordeliers subjuguoient la Gironde, quoiqu'ils en fussent mortellement haïs : on verra par la suite ses efforts pour les anéantir. Ces premiers avoient les mêmes vues d'ambition et de fortune avec des

moyens beaucoup plus expéditifs. Mais en ce moment la Gironde les flattoit, les ménageoit, s'en servoit comme d'une avantgarde dont elle voyoit la destruction certaine entre la Gironde et les cordeliers.

C'étoit un combat de la ruse contre la force, de filous contre des voleurs de grand chemin, dont la petite coterie que nous venons de signaler devoit, un jour, ramasser le butin.

La guerre entre le parti constitutionnel et le parti anarchiste étoit plus sérieuse; l'anéantissement de l'un d'eux devoit en être le résultat. De là le 10 août, les 2 et 3 septembre, la proclamation de la république.

A la tête du parti constitutionnel se trouvoient le courageux Henri Larivière, si digne de figurer dans le rang des vrais royalistes, et de défendre une cause meilleure que celle du fatras constitutionnel; André Chénier, que son dévouement pour le roi et la nouvelle constitution conduisit à l'échafaud; ce d'Averhoult, que sa vive indignation contre les attentats révolutionnaires et sa haine profonde contre les anarchistes de toutes les couleurs, portèrent à se donner la mort; Le Boullanger, Chéron, Gorguereau, long-temps prisonnier des factieux, et mort des suites de son incarcération; Léopold, frappé par la hache

révolutionnaire; Jaucourt et Girardin d'Ermenonville, unis par les liens d'une étroite amitié et par les mêmes sentimens de fidélité au roi et à la constitution qu'ils avoient adoptée, et qui plus d'une fois faillirent être les victime de la fureur populaire.

Après eux marchoient Lemontey, Beugnot et Froudière, avocat de Rouen, dont le talent oratoire vint échouer à la tribune législative; enfin le verbeux Viennot-Vaublanc, que ses harangues emphatiques et ampoulées rendirent odieux à la populace des tribunes qui, au 10 août, vouloit lui imposer un éternel silence.

Les constitutionnels étoient puissamment secondés par La Fayette qui désiroit bien le rassemblement des armées, mais pour écraser les jacobins avec une force imposante et fermer leur repaire. Il se flattoit aussi de dissoudre et de recomposer l'assemblée uniquement de constitutionnels. Il auroit aussi disposé des places à la cour, aux armées, dans le ministère, et seroit ainsi parvenu à exercer, sous les ordres immédiats du roi, une dictature militaire (1).

Si leur courage et leurs efforts eussent

(1) La conduite ultérieure de M. de La Fayette a prouvé que cette conjecture étoit peu fondée.

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