Page images
PDF
EPUB

démagogie et de l'immoralité. Sa bravoure, sous un uniforme de paix, égaloit la fermeté de son caractère : on ne l'a jamais vu céder un instant à la crainte qu'on cherchoit à lui inspirer sur les dangers qui menaçoient sa vie; son visage inaltérable et sévère, sa contenance fière, ont imposé plus d'une fois à des assassins soudoyés contre lui. Il passoit seul, un jour, près de l'église de Saint-Jean en Grève; il se trouve tout à coup entouré par une foule de poissardes et de porte-faix qui, vomissant mille imprécations contre lui, se disposoient à le hisser à la lanterne placée dans l'un des angles de la place de Grève; il s'arrête, et, regardant cette horde tumultueuse avec le calme du courage, il leur dit, avec un grand sang-froid : « Mes enfans, serezvous mieux éclairés quand vous m'aurez mis à la lanterne ? » Cette naïveté, dans une circonstance aussi périlleuse, lui attira les applaudissemens de cette multitude; la foule se fendit par honneur pour le laisser passer, et elle l'accompagna avec les cris de vive l'abbé Maury!

J'ai cru devoir faire connoître ces deux célèbres athlètes ; c'étoient l'Achille et l'Ulysse du côté droit; tous deux ont été l'ame et le soutien de la bonne cause : la gloire de l'abbé Maury n'a été altérée par aucun nuage; on désirerait que M. de Cazalès

eût été moins passionné pour le jeu et les plaisirs. Son duel avec Barnave, et quelques relâchemens dans ses principes, vers la fin de l'assemblée constituante, sont des ombres dont ses grands talens n'ont point été obscurcis, mais qui en ont atténué l'intérêt. Si ses connoissances, disait Mirabeau, répondoient aux charmes de son élocution, nous ferions tous d'inutiles efforts pour lutter contre lui.

Camus, ne trouvant plus d'obstacles au développement de son plan, fit adopter un réglement qui ôtoit la juridiction épisco- La juridiction pale à l'évêque pour la concentrer dans un à un conseil. épiscopale remise conseil dont le premier ne seroit que le chef, et où les décisions seroient prises à la majorité des voix. Cette atteinte étoit capitale la juridiction épiscopale appartient de droit divin au seul évêque; lui seul a reçu les pouvoirs et la mission pour régir et gouverner l'Eglise confiée à sa sollicitude; le dépouiller de ce droit qu'il tient de sa consécration pour le partager, c'est un attentat sacrilège contraire au dogme et à la foi de l'Eglise catholique; mais l'irréligion, entourée de tous ses émissaires, pouvoit tout oser impunément : le cri des évêques, qui réclamoient avec force, fut étouffé par les clameurs des factieux, et les hurlemens des galeries, et ce réglement, évidemment hérétique, fut décrété.

Les ministres du culte, calariés

Camus avoit emporté les articles essentiels de sa constitution civile du clergé : les autres détails, qui en étoient une suite nécessaire, ne souffrirent que peu de difficultés. Les évêques et les braves du clergé se prêtoient encore à la discussion pour ne pas paroître des chiens muets en voyant morceler un héritage confié à leur conscience et à leur sollicitude; mais ils n'opinoient plus. On décréta alors successivement tout ce qui avoit été concerté pour mettre les diocèses et les églises sous la dépendance absolue des départemens et des districts, et il fut ainsi décidé que les ministres du culte, dépouillés de leurs biens, seroient dorénavant salariés par nation. Le traitement du clergé séculier et régulier fut ensuite fixé, d'après un plan qui ne pouvoit plus laisser de doute sur la résolution prise de le dégrader. Après avoir envahi ses propriétés, on détermina un minimum et un maximum pour les bénéfices actuels, et un salaire fixe pour ceux qui leur succéderoient dans les évêchés et les cures que l'assemblée constituante Salaire des jugeroit à propos de désigner le salaire des évêques fut porté à douze mille livres pour les villes ordinaires, à vingt mille pour celles d'une grande population. L'évêché de la capitale fut porté à soixantequinze mille livres; aux évêques actuelle

par la nation.

évêques.

la

ment en place, il fut décrété qu'on leur accorderoit, outre le traitement ci-dessus, moitié du surplus de leurs revenus ecclésiastiques annuels, jusqu'à la concurrence de trente mille livres.

Le minimum du salaire des curés étoit

de douze cents livres, et le maximum de six mille livres; leurs vicaires devoient avoir mille livres et huit cents livres. Les titulaires d'abbayes, de prieurés et d'autres bénéfices simples, furent taxés à mille livres pour minimum, et à six mille livres pour maximum ; celui des abbesses ne pouvoit s'élever au-dessus de deux mille livres. Le maximum des ecclésiastiques qui n'avoient que des pensions sur des bénéfices ou sur les économats, n'étoit que de trois mille livres. Tous ces traitemens prélevés, le surplus rentroit dans la caisse nationale. Par ce décret, la nation entroit en jouissance d'un revenu immense qui alloit considérablement s'accroître par le décès des titulaires d'abbayes et de bénéfices simples, dont les titres et le traitement devoient s'éteindre avec eux; car l'assemblée avoit décrété que la nation ne vouloit plus reconnoître que les ministres nécessaires au culte tels qu'ils seroient nommés par elle; et, en conséquence, toutes les maisons religieuses, excepté celles des filles, devoient être évacuées : on donnoit aux

Salaire des curés et des vicaires.

Salaire des bénéfices.

gieux.

individus religieux renvoyés dans le siècle, Salaire des reli- des pensions de huit cents livres, et de mille à proportion de l'âge. Cette spoliation, ainsi consommée par la loi du plus fort, violoit évidemment un droit acquis par une possession paisible et légale; mais on avoit déjà accoutumé l'opinion publique à croire que tout pouvoit être permis contre les ecclésiastiques : on les désignoit déjà partout sous le nom de calotins; partout on cherchoit à substituer au respect et à la vénération dont ils s'étoient environnés, le ridicule et le mépris.

primaties des ar

chevêchés.

Le grand réformateur de l'Eglise gallicane voulant terminer l'édifice de la constitution civile du clergé par le signal de la désorganisation des anciens diocèses de Suppression des France, proposa la suppression des primaties et des archevêchés; puis l'érecErection des mé- tion d'un certain nombre de métropoles tropoles. auxquelles on attacheroit des évêchés dont l'assemblée fixeroit la juridiction et le territoire. Or, une pareille atteinte aux saints canons et à l'ancienne discipline, changeoit la face de l'Eglise de France, et la mettoit arbitrairement sous Réduction des le joug de la puissance civile. Le plan présenté à l'assemblée, n'offroit plus que quatre-vingt-trois évêchés au lieu de cent trente-cinq; ceux qui n'étoient pas désignés dans la nomenclature de Camus, étoient

vêchés.

« PreviousContinue »