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Pour l'antiquité par exemple Algarotti a le même mepris que Fontenelle. C'est le savant et le philosophe se révoltant contre l'antiquité, autorité qui fermait le chemin au progrès: "Quella ostinata venerazione verso gli antichi, che per lungo tempo passò, come un'eredità di generazione in generazione, fece che fino al passato secolo poco o nulla si avanzò nella cognizione della fisica ".

Le premier dialogue est celui qui, par la matière qui y est traitée, a le plus de ressemblance avec ceux de Fontenelle. On a un aperçu de la philosophie depuis les temps anciens jusqu'à Descartes. Algarotti expose ensuite la théorie des atomistes sur la lumière et fait enfin l'exposition des tourbillons cartésiens sur lesquels est fondé le système du monde de Fontenelle.

Au second dialogue il explique que la lumière et les couleurs ne sont pas dans les corps. Ici, comme dans ce qui suit, les ressemblances, quant au fond, ne percent plus; mais nous retrouvons toujours les mêmes observations philosophiques, les mêmes soins de galanterie. Algarotti a même introduit des vers dans le récit pour l'égayer et le varier.

Les deux auteurs expriment à peu près la même opinion sur les gens du monde que le public croit grands et heureux pour la seule raison qu'ils occupent une place distinguée dans la société. Fontenelle dit: "Parce que la lune est éloignée de nous nous ne la voyons que comme un corps lumineux.... Il irai donc de la même manière, dit la marquise, que lorsque nous sommes frappés de l'éclat des conditions élevées au dessus des nôtres et que nous ne voyons pas qu'au fond elles se ressemblent toutes extrêmement ".

De son côté Algarotti à propos de l'aspect différent qu'offrent les choses lorsqu'on les regarde à travers les prismes de cristal qui décomposent les rayons lumineux fait dire à sa marquise: "Mi pare che gli uomini vedano

sempre coloro, che sono in una condizione molto elevata sopra di essi attraverso certi prismi, che glieli fanno comparire come trasportati in cielo a gustarvi l'ambrosia... laddove per lo più sono in terra più che altri, e più che altri soggetti a provare l'insolente gioco della fortuna ".

Tandis que Fontenelle fait des hypothèses agréables sur le système du monde. Algarotti sur un ton plus grave, développe un système scientifique fondé sur des raisonnements et des expériences mille fois répétées.

Si ce n'était l'effort de ne pas perdre de vue son modèle qui lui fait introduire des traits d'esprit des galanteries et des digressions philosophiques, l'auteur se laisserait transporter par son ardeur de savant et l'ouvrage deviendrait une lourde exposition du système scientifique.

Dans le troisième dialogue se trouve la description de l'œil humain, la formation de l'objet sur la rétine, la description des lunettes, des télescopes et des microscopes. Au quatrième et au cinquième dialogue on a l'exposition de l'optique newtonienne. Au sixième il fait celle du principe de l'attraction de Newton avec son application à l'optique. Il finit par abattre le système cartésien des Tourbillons pour apprendre celui désormais généralement accepté de l'attraction et du vide. C'est pourtant avec un certain regret qu'il abandonne l'hypothèse de Descartes: "Veramente egli è un peccato dover abbandonare cotesti vortici che offrono allo spirito una sì naturale, sì chiara e sì semplice idea".

À la fin du dernier dialogue de François Algarotti on trouve une idée qui semble inspirée par Fontenelle.

Les deux auteurs font une distinction très nette entre ceux qui ont de la facilité à comprendre et désirent apprendre, et ceux, et c'est la majorité qui font ostentation de mépriser ce qu'ils ne connaissent pas. Dans les deux auteurs il y a une pointe d'ironie contre cette espèce de personnes. Je n'hésite pas à croire que leur désir est que

tout le monde apprenne au lieu de mépriser ce qu'il ignore: "Ben per lei, dit Algarotti en parlan de philosophie newtonienne, che voi saprete dissimulare talora il vostro sapere con coloro che si beffan di ciò che dovrebbero imparare ".

"Contentons nous d'être une petite troupe choisie qui le croyons, dit Fontenelle à propos de l'habitabilité des planètes, ne divulguons pas nos mystères dans le peuple " et encore: "Les gens d'esprit qui ne raisonnent pas tournent les raisonneurs en ridicule, et c'est ce me semble un ordre très bien établi que chaque espèce méprise ce qui lui manque ". Fontenelle, nous l'avons déja vu, appelle peuple ceux qui ne sont pas capables de raisonner et c'est avec cette espèce de gens là qu'il ne veut pas qu'on dispute de science et de philosophie.

Algarotti étant du même avis ne voulait pas qu'on compromît la science avec des railleurs.

***

L'abbé Dominique Michelessi, biographe et grand admirateur d'Algarotti, affecte du mépris pour Fontenelle. Il soutient que la matière scientifique des deux auteurs étant complètement différente où ne peut faire aucune comparaison entre eux, il ajoute qu'entre les: "imaginations poètiques de Fontenelle, et les théorèmes physiques du comte Algarotti il n'y a pas de comparaison à faire” (1).

L'opinion de l'abbé Michelessi n'est juste que sur un point: celui de la matière scientifique, qui est différente; pour le reste on peut affirmer qu'Algarotti a pris comme point de départ Fontenelle, qu'il se propose le même but, que lui, qu'il expose la matière sous la même forme.

(1) DOMENICO MICHELESSI. Memorie intorno alla vita e alle opere di F. Algarotti.

Fontenelle et Algarotti, dans leur œuvre de vulgarisation se ressemblent beaucoup. L'auteur italien nous dit à chaque instant qu'il a pris pour modèle l'écrivain français.

En lisant leurs œuvres on ne peut s'empêcher de remarquer les différences qu'il y a dans leurs théories au point de vue scientifique; ces différences dépendent de l'époque où chacun des deux ouvrages a été écrit. L'œuvre de Fontenelle est de la seconde moitié du XVIIe siècle, celle d'Algarotti du XVIIIe. Dans cette période de temps. les sciences phisiques avaient fait de très grands progrès.

CHAPITRE IV.

FONTENELLE PHILOSOPHE, RATIONALISTE, CARTÉSIEN.

"Ce serait un morceau digne d'un philosophe que la vie de Fontenelle avec les différents objets qui y ont rapport. On ferait dans un pareil ouvrage l'histoire de la phylosophie et des révolutions qu'elle a éprouvées en France depuis Descartes jusqu'à nos jours. L'esprit philosophique aujourd'hui si généralement répandu doit ses premiers progrès à Fontenelle " (1).

En effet, Cartésien convaincu, il avait adopté la physique et la métaphisique de Descartes, le plein et les Tourbillons, et c'est sur ces hypothèses qu'il écrivit ses ouvrages de vulgarisation auxquels il doit ses premiers éclats de gloire. Mais comme les idées et les découvertes marchent autour de lui il finit par s'éloigner de Descartes pour suivre les nouvelles théories de Newton qu'il comprend et qu'il explique très bien. Pourtant il est si épris des Tourbillons de Déscartes qu'il ne se montre pas très favorable à la théorie de l'attraction et qu'il écrit en 1752, âgé de quatrevinght-quinze ans une théorie des tourbillons cartésiens.

(1) GRIMM. Correspondance littéraire, 1o février 1767.

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