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aimer ses cérémonies; rien à dédaigner quand on voit que le SaintEsprit a admiré jusqu'aux franges de son habit'; que l'époux a été charmé même d'un de ses cheveux 2. Tout ce qui est dans l'Eglise respire un saint amour, qui blesse d'un pareil trait le cœur de l'époux. Venez être membres vivants; venez à l'épouse, soyez épouses. Venez à l'épouse par la foi, soyez épouses par l'amour. Les sociétés hérétiques se vantent d'être l'épouse; mais écoutez les noms qu'elles portent: Zwingliens, Luthériens, Calvinistes. Ce n'est pas le nom de l'époux; ce sont des épouses infidèles qui, ayant quitté l'époux véritable, ont pris les noms de leurs adultères.Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle. Renouvellement de toutes choses par l'Eglise : relation de toutes choses à l'Eglise et de l'Eglise à toutes choses. Hors de l'Eglise, la lumière éblouit; dans l'Eglise, l'obscurité illumine, parce que Dieu, qui aveugle avec la lumière, éclaire, quand il lui plaît, avec de la boue". >> Comme il fit à l'aveugle-né.

Voilà donc, d'après l'illustre prélat français du dix-septième siècle, ce que c'est que l'Eglise et le monde, l'esprit de l'un et l'esprit de l'autre nous en avons vu l'opposition et la lutte dans tous les siècles; cette lutte ne cessera point dans le dix-septième et les suivants. C'est même là le véritable secret de l'histoire.

Au concile de Trente, l'Eglise de Dieu avait expliqué et sanctionné la règle de la foi contre toutes les erreurs, la règle des mœurs et de la discipline contre tous les abus, non pour s'en tenir à une stérile spéculation, mais pour s'en faire une application pratique à elle-même, dans son chef et dans ses membres. L'Eglise romaine s'est si bien approprié et identifié les règlements du concile de Trente, que, depuis cette époque, il est devenu impossible, suivant l'historien protestant de la papauté pendant les seizième et dix-septième siècles, d'obtenir le pontificat suprême, ni de le conserver, sans une conduite qui réponde à la haute idée que le monde chrétien en a 5.

L'excellent pape Clément VIII, mort le sept mars 1605, eut pour successeur Léon XI, auparavant cardinal de Florence. Il fut le quatrième Pape de la famille de Médicis. Né dans l'année 1535 ou 1536, nommé au baptême Alexandre-Octavien, il montra de bonne heure beaucoup d'inclination pour l'étude, pour la vertu et pour l'état ecclésiastique. Empêché par sa mère de suivre sa vocation, il s'engagea dans la milice séculière. Sa mère étant morte, il revint à son

'Ps. 44, 15. 2 Cant., 4, 9. 3 tiennes et morales, t. 15, p. 559-565.

4 Bossuet. Pensées chréApoc., 21, 1. 5 Ranke, t. 3, p. 292.

premier penchant, reçut la prêtrise, et vécut dans la retraite, occupé d'études et de prières. Cosme de Médicis, grand-duc de Toscane, l'envoya son ambassadeur auprès de Pie V. Grégoire XIII le nomma évêque de Pistoie, puis archevêque de Florence, enfin cardinal. Il était fort connu et estimé de saint Philippe de Néri et de sainte Madeleine de Pazzi, qui prédirent l'un et l'autre qu'il serait Pape, mais pour fort peu de temps. L'année 1596, il fut envoyé par Clément VIII légat en France, auprès de Henri IV, pour recevoir de la bouche de ce prince la ratification de toutes les promesses que ses ambassadeurs avaient faites à Rome lors de son absolution. Il fut reçu en France avec les plus grands honneurs. Le roi lui-même alla au-devant de lui jusqu'à huit lieues, accompagné d'une foule de princes, en particulier du duc de Mayenne, pour montrer avec quelle confiance il en usait avec l'ancien chef de la ligue. A l'approche de Paris, il fut reçu par le jeune prince de Condé et les autres seigneurs de France; au faubourg Saint-Jacques, par le parlement et les autres corps de l'état ; toutes ses bulles furent enregistrées sans aucune clause ni réserve. Il reçut l'abjuration de la mère du prince de Condé. En 1598, il concilia la paix de Vervins entre la France et l'Espagne. Au conclave qui suivit la mort de Clément VIII, les voix se portaient sur le cardinal Baronius, lorsque l'ambassadeur d'Espagne lui donna l'exclusion, à cause que, dans ses Annales, il attaquait les prétentions du roi de Naples sur le gouvernement ecclésiastique de la Sicile. Baronius répondit par ces paroles du Sauveur : Bienheureux ceux qui souffrent persécution à cause de la justice. A sa place on élut le cardinal de Florence, qui prit le nom de Léon XI, en mémoire de Léon X, son grand-oncle. C'était le premier avril 1605. A l'heure même qu'il fut couronné, son petit-neveu, Lélius, prenait l'habit de Carme déchaussé. Le nouveau Pape le voyant arriver à son audience pieds nus, en fut touché jusqu'aux larmes, et dit : Voici mon cardinal! Ce fut en effet le seul qu'il créa; car étant tombé malade avant la fin du mois, les cardinaux, les ambassadeurs le prièrent vainement de donner la pourpre à un neveu qu'il avait élevé lui-même, qu'il aimait beaucoup, et qui en était digne par sa modestie. Il y a plus: son confesseur lui ayant parlé dans le même sens, il renvoya son confesseur, en prit un autre, et mourut saintement entre ses mains, à l'âge de soixante-dix ans, le vingtseptième jour de son exaltation, vivement regretté de tout le monde 1.

Spond., an. 1596, 1598 et 1605. Pallat, Gesta pontif. Leo XI.

Il eut pour successeur Paul V, qui, comme autrefois le roi Saül, surpassait de la tête les autres hommes. Il se nommait Camille Borghèse, né à Rome, en 1552, d'Antoine Borghèse, émigré de Sienne à Rome, où il se distingua tellement par sa vertu et par la science du droit, qu'on l'appelait communément l'avocat, et que Paul III le consultait souvent sur les affaires les plus graves. Son fils Camille suça la piété avec le lait, et étudia la philosophie à Pérouse, la jurisprudence à Padoue, eut toujours une si grande dévotion pour la mère de Dieu et pour la virginité, qu'on croit bien qu'il mourut vierge lui-même. Honoré de diverses fonctions sous Grégoire XIII, Sixte V, Urbain VII et Grégoire XIV, il s'en acquitta de manière à augmenter toujours la haute estime qu'on avait de son mérite. Clément VIII l'envoya son légat en Espagne, pour obtenir des secours à l'empereur Rodolphe contre les Turcs, et aux catholiques de France contre les huguenots. Il y fut singulièrement aimé du prince royal, depuis Philippe III. Nommé cardinal en 1596, et vicaire de Rome, il reçut, en 1560, l'abjuration de cinquante hérétiques, entre lesquels Etienne Calvin, parent de l'hérésiarque, qui entra chez les Carmes déchaussés et y mourut saintement. Après la mort de Léon XI, les voix du conclave se portaient sur le cardinal Tosco de Mantoue, lorsque Baronius observa qu'il n'était point assez réservé dans ses paroles, et qu'il en employait quelquefois de peu convenables. Les voix se portèrent alors sur Baronius lui-même ; mais il résista de toutes ses forces. Enfin on élut à l'unanimité le cardinal Borghèse, qui ne s'y attendait guère, n'étant âgé que de cinquante-trois ans.

Paul V embellit Rome d'un grand nombre d'édifices, et acheva la basilique de Saint-Pierre. Ses aumônes étaient immenses; il en fournissait de secrètes tous les mois pour nourrir les enfants trouvés, secourir les filles nubiles et les femmes honnêtes que la misère aurait pu exposer au déshonneur. Chaque année il distribuait un million d'écus d'or aux pélerins pauvres, un million et demi aux autres nécessiteux. Il subvenait à la pénurie de ses sujets par du blé, des habits et de l'argent. Il retint dans la foi catholique les réfugiés d'Ecosse, d'Angleterre et de l'Irlande, en leur assignant des revenus annuels. Il érigea un séminaire, sous le nom de Saint-Paul, dans le couvent des Carmes déchaussés, à Rome, pour la conversion des hérétiques ; il en convertit lui-même plusieurs par sa seule vue. Il ordonna, dans les colléges des religieux, d'enseigner le grec, l'hébreu et l'arabe, pour procurer plus facilement le salut. des infidèles. C'est pourquoi il fit graver des caractères chaldaïques, et imprimer un bréviaire chaldéen. Il enyoya des livres, des mis

sels, des calicés, des ornements sacerdotaux aux Maronites du mont Liban, qui, en reconnaissance, lui érigèrent une statue dans leur église patriarchale. Il envoya des missionnaires aux Indes, à la Chine, en Perse, au Congo et à d'autres régions lointaines. Il reçut les ambassadeurs d'un roi du Japon, du roi de Perse, du roi de Congo: l'ambassadeur de ce dernier, qui venait offrir son royaume au Siége apostolique, étant mort à Rome, Paul V, qui l'avait visité dans sa maladie et lui avait donné sa bénédiction, lui érigea un monument funèbre l'an 1608.

Au commencement de son pontificat, comme le Jeudi-Saint il lavait les pieds d'un certain nombre de pélerins et les servait à table, il se trouva parmi eux des pélerins d'Orient, infectés de diverses erreurs. De retour dans leur pays, ils parlèrent avec admiration de la piété et de la charité du Pape. Emerveillé et touché de leurs discours, le patriarche de Babylone, nommé Elie, envoya aussitôt à Rome des nonces avec le recueil des lois chaldéennes, suppliant le Pape que, comme les Chaldéens s'avouaient soumis à l'Eglise romaine, il voulût bien expurger leurs lois de ce qu'il pouvait y avoir d'erreurs. Le Pape en donna la commission à Pierre Strozzi et André Justiniani, qui instruisirent si bien le nonce patriarchal, nommé Adam, archimandrite des moines Chaldéens, qu'il publia lui-même de petits traités en langue vulgaire : De la primauté du Siége apostolique; de la Trinité; de la génération éternelle du Verbe de Dieu; de l'Incarnation, des deux volontés et des deux opérations en Jésus-Christ; de ceux qui sont en dissentiment avec l'Eglise romaine. Et ces traités, Paul V ne les jugea pas indignes d'être joints à la profession de foi et aux lettres pontificales. Le patriarche Elie assembla dans la ville d'Ahmed un concile où se trouvèrent des archevêques, des évêques, les moines, le clergé et le peuple. On y lut les lettres du Pape; tous les assistants s'en remirent au Siége apostolique, abjurèrent les erreurs avec serment, avec cette clause : Et s'il y a quelque chose qui vous déplaise dans ce que nous envoyons, nous ferons comme il vous plaira. La lettre était souscrite du patriarche et de cinq archevêques '.

Il vint aussi des nonces de Melchisédech, patriarche d'Arménie. Paul V les reçut avec bonté, recommanda au patriarche de mêler de l'eau avec le vin dans le saint sacrifice, de souscrire au concile de Calcédoine, de professer la foi suivant le formulaire transmis en arabe, de lire assidûment les conciles, et dans les doutes con

Pallat. Paul V.

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sulter l'Eglise romaine, mère et maîtresse de toutes les églises. II recommanda le même patriarche et tous les chrétiens d'Arménie au roi de Perse. De là s'établit entre le Pape et le patriarche une amitié si intime, qu'après trois ans il y eut une nouvelle légation 1. D'un autre côté, Paul V aida l'empereur Ferdinand II à dompter les hérétiques révoltés de Hongrie et de Bohême à cet effet, il imposa des décimes pendant six ans au clergé de tout l'état pontifical, pour servir de solde aux troupes, auxquelles il comptait, chaque année, trente mille écus d'or. Pour repousser la tyrannie des Turcs, qui ravageaient toute la Hongrie, il indiqua d'abord des prières publiques à Rome, qu'il suivit à pied avec le peuple romain; puis, ayant étendu le jubilé à toute la chrétienté, il excita contre les Turcs tous les rois chrétiens, et même le roi de Perse; enfin il envoya au secours de l'empereur Rodolphe un corps de six mille hommes, aux dépens du Siége apostolique. Et afin d'avoir à sa disposition des troupes indigènes pour les besoins de la république chrétienne, il fit le recensement de tous les sujets des états ecclésiastiques, restaura l'arsenal, établit des lois militaires, joignit le glaive matériel au glaive spirituel, pour la défense de la chrétienté 2.

Tout ce qu'on pourrait blâmer en Paul V, c'est que, grand et magnifique en tout, il le fut aussi envers ses parents. Ceux-ci du moins ne s'en montrèrent pas indignes; car la famille Borghèse n'a point encore cessé d'être une des gloires de Rome, par son zèle héréditaire pour les beaux-arts et pour les œuvres de la piété chrétienne.

Paul V canonisa saint Charles Borromée et sainte Françoise, dame romaine, qui tirait son origine de la famille Borghèse. Il béatifia de plus saint Ignace de Loyola, saint François Xavier, saint Philippe de Néri, sainte Thérèse, saint Louis Bertrand, saint Thomas de Villeneuve, saint Isidore, laboureur, saint Joachim de Sienne. Pour se rappeler à lui-même le souvenir de la mort au milieu de tant d'affaires, il visitait de temps en temps son sépulcre. Le vingtquatre janvier 1621, il dit encore la messe : le vingt-huit, il éprouva une petite léthargie, reçut les derniers sacrements, et expira. Pendant que le prêtre lui faisait les saintes onctions, il répondit à toutes les prières, récita le symbole de la foi, répétant ces paroles de saint Paul Je désire ma dissolution, pour être avec JésusChrist.

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Le neuf février 1621, on élut à sa place le cardinal Alexandre Lu

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