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thal, dans le Tyrol, et à Bing, près de Mayence, où il mourut, en 1658, à l'age de quarante-cinq ans. Nous ignorons quelles suites ont eues ses œuvres et ses institutions, et même si elles ont eu des suites. On a de lui quelques opuscules de piété. On lui attribue un recueil de visions prophétiques, mais qui, n'ayant été publié que près d'un siècle après sa mort, n'offre aucune garantie ni authenticité '.

1 Biogr. univ., t. 20.

§ VIIe.

Etat de la religion catholique parmi les Russes, les Grecs et les autres peuples du Levant. - Mort de saint Vincent de Paul.

Après avoir vu de quelle manière les nations de l'Occident ont repoussé ou accueilli les hérésies révolutionnaires de Luther, de Zwingle, autrement de Calvin, et quelles révolutions elles se sont épargnées ou incorporées par cette conduite diverse, il reste à jeter un coup d'œil sur les pauvres églises d'Orient, qui ont accepté plus ou moins le schisme de Photius ou quelque chose de semblable. Toutes, à mesure qu'elles se dérobent à la houlette de saint Pierre, tombent sous le bâton de l'exacteur; toutes, comme la servante Agar, elles engendrent pour la servitude. Ainsi la première d'entre elles, l'église russe, ou plutôt les évêques et les popes russes, qui devraient former cette église, sont gouvernés par le sabre d'un colonel de cavalerie, que l'empereur leur a imposé pour chef, en qualité de son vicaire.

Au quinzième siècle, nous avons vu l'archevêque Isidore de Kiow, métropolitain et député de toutes les Russies, assister et souscrire au concile de Fiorence, devenir patriarche de Constantinople, et cardinal de la sainte Eglise romaine. A cette époque, les Russes se divisèrent ceux de Moscou ou de la Russie supérieure restèrent ou retombèrent généralement dans le schisme; ceux de Kiow ou de la Russie inférieure, qui étaient soumis au roi de Pologne, demeurèrent généralement catholiques, à l'exemple de leur métropolitain Isidore et de ses successeurs. Le premier fut Grégoire II, son fidèle disciple, sacré l'an 1442 par le pape Nicolas V, et à qui le pape Pie II accorda, l'an 1458, une bulle qui partage sa métropole en deux, celle de Kiow et celle de Moscou. Grégoire étant. mort après un épiscopat de trente ans, il eut pour successeur, en 1474, Misaël, auparavant évêque de Smolensk. L'an 1476, de concert avec les princes et les seigneurs de Lithuanie, il envoya une ambassade solennelle à Rome. Il y reconnaît, au nom de l'église gréco-russe, le pape Sixte IV pour le chef de l'Eglise universelle, le Vicaire de Jésus-Christ et le successeur de Pierre, et lui expose les principaux articles de la croyance des Russes. Comme en 1475 on avait célébré le jubilé à Rome, il demande que la même grâce soit accordée à la Russie. Il demande enfin qu'on envoie des légats

habiles dans les lois ecclésiastiques, qui, marchant sur les traces du concile de Florence, concilient les différends entre le rite grec et le rite latin dans les provinces de Pologne et de Lithuanie. Beaucoup de grands souscrivirent la lettre, et avant eux le métropolitain Misaël1.

Même l'an 1472, le grand-duc de Moscou, Jean ou Iwan Basilowitz, envoya une ambassade à Rome, qui assura le Pape que le grand-duc adhérait au concile de Florence, qu'il ne voulait plus admettre de métropolitain consacré par le patriarche de Constantinople, mais qu'il demandait un légat pour corriger ce qui serait à corriger en Russie. Sur quoi le Pape consentit au mariage du grand-duc avec Sophie, fille de Thomas Paléologue, prince du Péloponèse, laquelle vivait à Rome des libéralités du pontife. On ne sait jusqu'à quel point cette réconciliation des Russes de Moscou fut sincère et durable 2.

Quant aux métropolitains de Kiow, ils continuèrent à être certainement catholiques jusqu'en 1520. A Misaël succéda Simon en 1477; à Simon, Jonas Ier en 1482. Jonas fut singulièrement aimé de Casimir, roi de Pologne, qu'il assista dans ses derniers moments : il y en a même qui lui donnent le titre de saint. L'an 1492, l'on ordonna métropolitain de Kiow Macaire, abbé du monastère de la Sainte-Trinité à Vilna, l'un de ceux qui avaient été envoyés en ambassade à Rome par Misaël. A Macaire succéda Joseph Sultan, issu d'une noble famille de Lithuanie. En 1497, il écrivit une lettre à Niphon, patriarche de Constantinople, sur l'union avec l'Eglise romaine et sur le concile de Florence: la réponse de Niphon est une preuve qu'ils étaient catholiques l'un et l'autre 3.

De 1520 à 1594, parmi les métropolitains de Kiow, il y en eut quelques-uns de certainement schismatiques; mais on peut douter des autres. Dans cet intervalle, les Russes de Moscou envoyèrent plusieurs ambassades aux Pontifes romains, et ceux-ci firent tous leurs efforts pour réunir les Russes de Moscoù à l'Eglise-Mère: ces ambassades et ces efforts furent sans effet.

Le fondateur de l'empire russe, nommé Rurik, était de la tribu des Varègues : c'est le nom qu'on donnait aux pirates de la mer Baltique. L'an 862, la république de Novogorod, incommodée par ses voisins, appela des étrangers, Rurik et ses deux frères, pour la défendre. Rurik la défendit de manière à s'en rendre le maître, et fit massacrer tous les Russes qu'il crut capables de s'opposer à ses

Acta SS., t. 2, septembre. Dissertatio de conversione et fide Russorum, 59. Ibid., n. 103. — 3 Ibid., n. 108.

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567 vues. Il mourut en 879, et c'est de lui que descendent les grandsducs de Russie, jusqu'à la fin du seizième siècle. L'un d'eux, nommé Georges, jette, l'an 1157, les fondements de la ville de Moscou. L'an 1236, les Tartares entrent dans la Russie, l'asservissent à leur domination pendant deux siècles, en font et défont les grands-ducs à leur gré. L'an 1462, Iwan ou Jean III commence à délivrer les Russes du joug des Tartares, qui étaient en discorde les uns contre les autres. C'est lui qui demanda au Pape et obtint pour son épouse en secondes noces la princesse Sophie Paléologue, comme pour se ménager des droits au trône impérial de Constantinople, qui venait de s'écrouler sous le cimeterre de Mahomet II. Il avait deux fils de sa première femme: il plongea l'aîné dans un cachot, et tua le second dans un accès de colère. Son fils Basile ou Vassili IV lui succéda l'an 1505, et commença son règne par faire mourir son neveu Démétrius, fils de son frère aîné. Il y eut des ambassades et des relations diplomatiques entre Basile IV et les papes Léon X, Clément VII et Jules III: ce dernier ménagea une trève entre lui et le roi Sigismond de Pologne. Son fils Iwan IV, surnommé le Terrible par les Russes, et le Tyran par les étrangers, lui succéda l'an 1534. Il fut le premier qui prit le titre dè tzar ou czar, qui signifie roi ou seigneur en esclavon. Il prit aussi un double aigle pour ses armes. Il institua les strélitz, premier corps russe régulier, formé sur le modèle des troupes européennes. Le règne de ce prince, observe l'Art de vérifier les dates, est mémorable par ses conquêtes et par les cruautés qu'il exerça. L'an 1552, il fit rentrer sous le joug les Tartares de Casan. Deux ans après, il soumit à la Russie le royaume d'Astracan. L'an 1559, il enleva de la Livonie un grand nombre d'habitants, avec le grand-maître de l'ordre Teutonique, Guillaume de Furstemberg, qu'il fit périr misérablement. L'an 1564, les Russes furent battus sur les bords du Dniéper par Nicolas Radzivil, palatin de Vilna, qui pénétra l'année suivante en Sévérie. L'an 1579, les Polonais, pour se venger des irruptions fréquentes que les Russes faisaient en Livonie, déclarent la guerre au czar; les Suédois se joignent à eux. Leurs progrès en Russie effraient Iwan, et le déterminent à demander la médiation du pape Grégoire VIII, pour faire la paix avec eux. Le Jésuite Antoine Possevin, natif de Mantoue et auteur de plusieurs savants ouvrages, est envoyé de Rome sur les lieux, en qualité de négociateur. Il réussit à procurer la paix au czar, moyennant la restitution qu'il fit de la Livonie. Mais ce prince ne tint pas la promesse qu'il avait faite au Pape de réunir l'église de Russie au Saint-Siége, et de faire adopter dans ses états le calendrier réformé. Un trait suffira pour peindre le caractère du pre

mier czar de Russie. Dans un accès de colère, il renversa d'un coup de sceptre sa bru, qui était enceinte et qui accoucha d'un enfant mort, puis d'un autre coup tua son propre fils aîné, époux de la princesse.

Féodor ou Théodore, autrement Fédor, son autre fils, lui succéda l'an 1588. Quatre ans après, érection du patriarchat de Russie. Voici comme la chose eut lieu.

En 1588, Jérémie II, patriarche de Constantinople, ayant été déposé par les Turcs, vint à Moscou pour implorer les bontés du czar; il crut se le rendre favorable en accordant à l'église russe quelque nouvelle prérogative. Il proposa d'élever le siége métropolitain de Moscou à la dignité de patriarche, à la suite des quatre patriarches d'Orient, et de le rendre indépendant de celui de Constantinople; le czar Fédor y consentit. Depuis ce temps, la Russie á eu son patriarche particulier jusqu'en 1703, où cette dignité fut abolie et remplacée par un synode perpétuel, que préside de nos jours un colonel de cavalerie, aide-de-camp de l'empereur.

Fédor mourut en 1598, et Boris Godounof, son beau-frère, Tartare d'origine, soupçonné de l'avoir empoisonné, devint son successeur. Cet homme avait déjà fait assassiner, quelque temps auparavant, Dmitri ou Démétrius, frère de Fédor, et dernier rejeton de la dynastie de Rurik. Boris employa des moyens semblables pour se maintenir. La famille Romanof, une des plus considérées, était surtout l'objet de sa jalousie. Fédor Romanof fut relégué dans un monastère près d'Archangel, et obligé de prendre le froc, sous le nom de Philarète. Sa femme Axénie fut envoyée dans un couvent sur les bords du lac Onéga. Elle emmena avec elle son fils Michel, encore enfant. Cependant un moine russe, Grégoire Otrepief, secrétaire du patriarche Job, ayant appris qu'il ressemblait beaucoup au prince assassiné Démétrius, se donna pour lui, et trouva des partisans. Boris s'avança pour le combattre; mais il se vit abandonné de ses troupes, et prit du poison. Le faux Démétrius fit son entrée à Moscou l'an 1605, et fut proclamé grand-duc de Russie. La mère du Démétrius véritable le reconnut pour son fils. Il célébrait ses noces avec la fille du palatin de Sendomir, le dix-sept mai 1606, lorsqu'il est tué par Basile Suiski, qui se fait proclamer à sa place, dépose le patriarche, et en nomme un autre pour le couronner. En 1607, un second Démétrius se présente, la femme du premier le reconnaît pour son mari: Suiski tombe entre les mains des Polonais, qui le forcent à déposer la couronne en 1610. La même année, le second faux Démétrius est massacré par les Tartares dont il avait fait sa garde. La couronne de Russie est offerte,

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