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vanité. Ses défauts n'étaient cependant pas sans mélange de bonnes qualités. On pouvait louer en elle un amour particulier pour la pureté, un respect profond pour les mystères de la religion et une grande soumission à la volonté de ses parents, soumission qui seule l'avait amenée au couvent.

Hyacinthe avait passé près de dix ans au milieu des vierges du Seigneur, avec des habitudes contraires aux saints exemples dont elle était chaque jour témoin, lorsqu'elle fut atteinte d'une maladie assez sérieuse. Elle fit appeler le confesseur de la maison: c'était un respectable religieux de l'ordre de Saint-François, qui, surpris en entrant dans la chambre de la malade du luxe qui la décorait, refusa de l'entendre et lui dit d'un ton sévère « que le paradis n'était pas fait pour les personnes vaines et superbes.» Ces mots frappèrent Hyacinthe d'une salutaire frayeur. « Il n'y a donc plus de salut pour moi! » s'écria-t-elle. Le confesseur lui répondit que le seul moyen de sauver son âme était de demander à Dieu pardon de sa vie passée, de réparer le scandale qu'elle avait donné à ses compagnes et de commencer une vie toute nouvelle. Hyacinthe le promit en versant un torrent de larmes; puis, obéissant sur-le-champ aux conseils du saint religieux, elle se rendit au réfectoire au moment où la communauté y était rassemblée. Là, fondant en larmes, elle se prosterna au milieu de la salle, reconnut ses torts à haute voix et demanda avec instances qu'on lui pardonnât les scandales qu'elle avait donnés. Ses compagnes, surprises et touchées d'un acte d'humilité si héroïque, s'empressèrent de lui témoigner toute la joie que sa conversion leur donnait, et lui promirent d'unir leurs prières aux siennes pour lui obtenir la grâce de consommer avec générosité le sacrifice qu'elle avait si heureusement commencé.

Le changement de sainte Hyacinthe ne fut pas toutefois bien rapide, et il fallut que de nouvelles infirmités vinssent l'avertir de sa fragilité pour qu'elle songeât à accomplir ses promesses dans toute leur étendue. Mais enfin, pressée de plus en plus par la grâce et par les remords de sa conscience, elle n'hésita plus. Ele commença par remettre à la supérieure de la maison tout ce qu'elle possédait en propre, et se livra à toutes les austérités d'une vie sincèrement pénitente. Un fagot de sarments devint son lit, une pierre son oreiller, une vieille tunique tombant en lambeaux son seul vêtement; elle marchait presque toujours nu-pieds, et l'on peut dire qu'elle n'avait d'autres exercices journaliers que des actes de macération. Les veilles et les privations qu'elle s'imposait n'avaient d'autres bornes que l'impossibilité d'aller plus avant sans mettre sa vie en danger. Ce qui la soutenait et l'animait dans ces saintes pra

tiques, c'étaient ses méditations fréquentes sur la passion de JésusChrist. Le récit des souffrances de son divin époux lui inspirait une telle horreur pour sa mollesse passée, qu'elle cherchait à en effacer jusqu'au souvenir par des austérités de tout genre. Elle n'éprouvait plus qu'un seul sentiment qui subjuguait son coeur et absorbait toutes ses autres affections, celui de l'amour de Dieu et du prochain.

Quoique renfermée dans son couvent, elle trouva moyen d'exercer sa charité au dehors. Pendant une épidémie qui désola Viterbe, elle fonda deux associations, dont l'une avait pour objet de recueillir des aumônes pour les convalescents, les pauvres honteux et les prisonniers; et l'autre, de placer dans un hôpital que l'on bâtit à cet effet, les personnes âgées et infirmes. Ces deux associations, qu'elle dirigeait et auxquelles elle donna le nom d'Oblats de Marie, subsistent encore à Viterbe, où elles font bénir le nom de leur sainte fondatrice.

Hyacinthe vécut ainsi plusieurs années, tout occupée du soin des malheureux, dont elle était la mère, favorisée des grâces les plus précieuses et du don de la plus sublime oraison. Elle n'avait que cinquante-cinq ans, lorsqu'elle fut subitement atteinte d'un mal aigu et violent qui la conduisit au tombeau en quelques heures. Malgré les vives douleurs auxquelles elle était en proie, elle reçut les sacrements dans les sentiments d'une grande piété, et s'endormit paisiblement dans le Seigneur, en prononçant les noms de Jésus et de Marie. Le cardinal Mariscotti, neveu d'Hyacinthe, sollicita sa béatification, qui fut prononcée en 1726, par le pape Benoit XIII, de la même famille. Le vingt-quatre mai 1807, Pie VII la plaça au rang des saintes1.

Une autre branche de la famille de saint François, les Capucins, glorifiait Dieu par des fruits remarquables de sainteté.

Saint Joseph de Léonissa naquit en 1556, dans la petite ville de Léonissa près d'Otricoli, qui est de l'état ecclésiastique. A l'âge de dix-huit ans, il fit profession dans le couvent que les Capucins avaient dans le lieu de sa naissance, et changea son nom d'Eufranius en celui de Joseph. Il fut toujours un modèle accompli de douceur, d'humilité, de patience, de chasteté et d'obéissance. Trois jours de la semaine., il ne prenait que du pain et de l'eau pour toute nourriture il passa aussi plusieurs carêmes de la sorte, il couchait sur des planches, n'ayant qu'un tronc d'arbre pour chevet. Sa joie n'était jamais plus grande que lorsqu'il avait l'occasion de souffrir des injures et des mépris. Il se regardait comme le dernier des pé

'Godescard, 30 janvier.

cheurs et avait coutume de dire à ce sujet : Il est vrai que, par la miséricorde de Dieu, je ne suis pas tombé dans des crimes énormes; mais j'ai si mal répondu à la grâce, que j'aurais mérité d'être abandonné plus qu'aucune autre créature. Il avait une dévotion singulière à Jésus crucifié, et les souffrances de notre divin Sauveur étaient le sujet le plus ordinaire de ses méditations. Il prêchait ordinairement un crucifix à la main, et ses paroles, qui étaient toutes de feu, embrasaient de l'amour sacré les cours de son auditoire.

En 1587, ses supérieurs l'envoyèrent dans la Turquie, pour travailler, en qualité de missionnaire, à l'instruction des chrétiens de Péra, qui est un faubourg de Constantinople. Il se dévoua avec une charité vraiment héroïque au service des galériens, surtout pendant les ravages d'une peste horrible. Ayant été lui-même attaqué de cette cruelle maladie, Dieu lui rendit la santé pour le bien d'une grande multitude d'âmes. Il convertit plusieurs apostats, dont un pacha entre autres. Les Mahométans, furieux du succès de ses prédications, le firent mettre en prison par deux fois et le condamnèrent à mort. Ils le pendirent à un gibet par un pied et par une main, et le laissèrent long-temps en cet état. A la fin pourtant, on le détacha, et le sultan commua en exil la sentence de mort. Le père Joseph s'étant embarqué pour l'Italie, prit terre à Venise et arriva à son couvent après une absence de deux ans. De retour dans sa patrie, il recommença ses travaux apostoliques, et le ciel continua de les bénir comme il l'avait déjà fait. Notre saint fut affligé, vers la fin de sa vie, d'un horrible cancer qui lui causa les plus vives douleurs. Il souffrit deux fois les opérations des chirurgiens, sans pousser le moindre soupir. Il tenait pendant tout ce temps-là un crucifix dans ses mains, et ne faisait entendre que ces paroles Sainte Marie, priez pour nous, misérables pécheurs. Quelqu'un des assistants ayant proposé de le lier pendant l'opéra– tion, il dit en montrant le crucifix: Voilà le plus fort de tous les liens ; il me tiendra immobile beaucoup mieux que toutes les cordes. Sa maladie étant sans remède, il mourut le quatre février 1612. Son nom se trouve en ce jour dans le martyrologe romain que Bénojt XIVa publié. Il fut béatifié par Clément XII en 1737, et canonisé en 1746 par Benoit XIV1.

Saint Fidèle, Capucin et martyr, naquit l'an 1577, à Sigmaring, petite ville d'Allemagne, dans la Souabe: son père se nommait Jean Rey. Il fit ses premières études dans l'université de Fribourg,

'Godescard, 4 février.

en Suisse ; il s'appliqua surtout à la jurisprudence et passa docteur en droit. Il menait une vie très-mortifiée, ne buvait jamais de vin et portait toujours le cilice. Ses vertus, entre autres sa modestie et sa douceur, lui attiraient l'estime et la vénération de tous ceux qui le connaissaient.

En 1604, il partit avec trois jeunes gentilshommes qu'on envoyait voyager dans les différentes parties de l'Europe. Il s'attacha principalement à leur inspirer de vifs sentiments de religion. Sans cesse il leur donnait l'exemple de la piété la plus tendre. Il ne laissait passer aucune grande fête sans s'approcher de la sainte communion. Dans toutes les villes qui se rencontraient sur sa route, il visitait les églises et les hôpitaux, et assistait les pauvres selon ses facultés ; il lui arriva même quelquefois de se dépouiller de ses habits pour les en revêtir.

Après ses voyages, il obtint à Colmar, en Alsace, une place de magistrature, qu'il exerça avec beaucoup de réputation. La justice. et la religion faisaient la règle invariable de toute sa conduite. Il s'intéressait vivement en faveur des indigents, ce qui le fit surnommer l'avocat des pauvres. Quelques injustices qu'il ne pouvait empêcher lui inspirèrent du dégoût pour sa charge. Craignant donc de n'avoir pas la force de résister aux occasions du péché, il résolut de quitter le monde et de se retirer chez les Capucins de Fribourg. Il y prit l'habit en 1612 et reçut de son supérieur le nom de Fidèle: Il donna son bien et sa bibliothèque au séminaire de l'évêque, afin de pourvoir à l'entretien et à l'instruction des jeunes clercs qui n'étaient point assez favorisés de la fortune; tous ses autres effets furent distribués aux pauvres.

Du moment qu'il fut religieux, il n'eut plus d'ardeur que pour les humiliations et les austérités de la pénitence. Il renonça à sa propre volonté, pour ne plus faire que celle de ses supérieurs. Les tentations dont il fut assailli ne le découragèrent point; il les vainquit en les découvrant à son directeur, dont il suivait les avis avec. docilité. Les mortifications prescrites par la règle ne suffisaient point encore à sa ferveur. L'Avent, le carême et les vigiles des fêtes, il ne vivait que de pain, d'eau et de fruits secs. Rien n'était capable d'interrompre le recueillement de son âme. Dans ses prières, il demandait surtout la grâce de ne tomber ni dans le péché ni dans la tiédeur.

Il n'eut pas plus tôt fini son cours de théologie, qu'on le chargea du soin de prêcher la parole de Dieu et d'entendre les confessions des fidèles; il remplit ce double ministère avec un très-grand succès. Devenu supérieur du couvent de Weltkirch, il opéra des prodiges

TOME XXV.

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de conversion dans cette ville et dans les lieux voisins; il dessilla aussi les yeux à plusieurs calvinistes. La nouvelle des fruits qui accompagnaient ses travaux apostoliques étant parvenue à Rome, la congrégation de la Propagande le nomma pour aller prêcher chez les Grisons. Il fut le premier missionnaire envoyé à ce peuple depuis qu'il avait embrassé le calvinisme. On lui associa huit religieux de son ordre, qui devaient travailler sous sa conduite. Il ne se laissa rebuter ni par les fatigues ni par les menaces qu'on lui fit de lui ôter la vie. Il convertit deux gentilshommes calvinistes dans ses premières conférences. Eu 1622, il pénétra dans le canton de Prétigout et y convertit beaucoup d'hérétiques, ce qu'on attribua moins à ses discours qu'à la ferveur et à la continuité de ses prières. Tant de conversions firent entrer dans une étrange fureur les calvinistes qui avaient pris les armes contre l'empereur; ils résolurent d'en arrêter le cours, en se défaisant de celui qui en était le principal instrument. Le saint missionnaire, informé de leurs desseins, se prépara à tout événement. Le vingt-quatre avril 1622, il se confessa à un de ses compagnons, dit la messe et prêcha dans le bourg de Gruch; il prononça son sermon avec encore plus de feu qu'à l'ordinaire. Il prédit sa mort à plusieurs personnes, et depuis il signa toutes ses lettres : Frère Fidèle, qui doit être bientôt la pâture des vers. De Gruch, il alla prêcher à Sevis, où il exhorta fortement les catholiques à rester inviolablement attachés à leur foi. Un calviniste ayant tiré sur lui un coup de mousquet dans l'église, les fidèles le prièrent inutilement de se retirer; mais il leur répondit qu'il ne craignait point la mort, et qu'il était prêt à sacrifier sa vie pour la cause de Dieu.

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Tandis que le saint retournait à Gruch, il tomba dans les mains d'une troupe de soldats calvinistes qui avaient un ministre à leur tête ils le traitèrent de séducteur et voulurent le forcer à embrasser leur secte. «Que me proposez-vous là, répondit le père Fidèle? Je suis venu parmi vous pour réfuter vos erreurs, et non pas pour les embrasser. La doctrine catholique est la foi de tous les siècles, je n'ai donc garde d'y renoncer. Au reste, sachez que je ne crains point la mort. » Un de la troupe l'ayant renversé par terre d'un coup d'estramaçon, il se releva sur les genoux et fit cette prière : << Seigneur, pardonnez à mes ennemis; aveuglés par la passion, ils ne savent ce qu'ils font. Seigneur Jésus, ayez pitié de moi! Sainte Marie, mère de Jésus, assistez-moi!» Cette prière finie, il reçut un second coup qui le jeta par terre baigné dans son sang. La fureur des soldats ne fut point encore satisfaite; on lui perça le corps avec des poignards et on lui coupa la jambe gauche. Sa bienheureuse

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