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dovisio, âgé de soixante-sept ans, qui prit le nom de Grégoire XV. Il fut successivement archevêque de Bologne, où sa famille était une des plus illustres, et nonce en Espagne et en France, pour concilier les démêlés du duc de Savoie avec ces deux royaumes. Dans tous les emplois, il avait montré une grande droiture, de la candeur, de la piété, et une vive inclination à faire le bien. Pendant sa nonciature en France, il eut plusieurs entretiens avec le maréchal de Lesdiguières, alors principal chef des huguenots, et le pressa de se convertir. Le maréchal lui répondit agréablement qu'il se ferait catholique et se prosternerait aux pieds du Pape, lorsque ce Pape serait Alexandre Ludovisio. Ludovisio, devenu Grégoire XV, rappela sa promesse à Lesdiguières, qui tint parole, et reçut de Louis XIII l'épée de connétable.

Comme son prédécesseur, Grégoire XV contribua puissamment et avec beaucoup de zèle à la guerre que le roi de Pologne et l'empereur soutenaient, le premier contre les Turcs et le second contre les hérétiques d'Allemagne. Il a fait surtout deux constitutions pour le bien général de l'Eglise l'une, du quinze novembre 1641, sur l'élection du Pape; l'autre, du vingt-deux juin 1622, sur la propagation de la foi.

Dans la première, Grégoire XV rappelle l'exemple de Jésus-Christ. Quoiqu'il fût Dieu et qu'il connût toutes choses, néanmoins, quand il fut question de choisir les douze apôtres, il passa la nuit en prières ; et quand il voulut confier à saint Pierre le soin de ses brebis, il l'interrogea trois fois, et exigea jusqu'à trois fois la profession de son amour. Par où il nous apprend avec quelle attention nous devons procéder aux choix de tous les pasteurs, mais principalement du pasteur des pasteurs ; car, quand il est question du chef, il s'agit du salut, non pas d'un membre seul, mais de tout le corps. Les Papes et les saints Pères ont pourvu, par divers règlements, à ce que cette élection se fasse bien; que la chair et le sang n'y dominent pas, non plus que la sagesse humaine, qui est folie auprès de Dieu, mais que tout y soit dirigé par la grâce de l'Esprit-Saint. Toutefois l'expérience a fait connaître qu'on pouvait y joindre un remède plus salutaire encore. En conséquence, de l'avis de ses frères les cardinaux, le Pape statue, décrète et déclare que, pour l'avenir, l'élection du pontife romain ne pourra se faire que dans le conclave, et dans le conclave fermé, et après qu'on y aura célébré le premier jour la messe, à laquelle tous les cardinaux ont accoutumé de communier cette élection se fera par les suffrages secrets des deux tiers des cardinaux présents, si ce n'est que tous ces cardinaux, sans exception, commettent l'élection à un ou plusieurs d'entre

:

eux,

ou que tous, sans concert préalable, mais comme par inspiration, s'accordent à élire la même personne. A chaque scrutin, avant de mettre son bulletin dans le calice, chaque cardinal, à haute et intelligible voix, prêtera le serment qui suit: Je prends à témoin notre Seigneur Jésus-Christ, qui me jugera, que j'élis celui que, selon Dieu, je crois devoir être élu, et que je ferai de même dans l'accession. L'accession a lieu, lorsque le premier scrutin n'ayant donné les deux tiers à aucun des candidats, on procède à un second, également secret, où les électeurs peuvent accéder à l'un des candidats pour lequel ils n'auraient pas voté d'abord, et compléter ainsi le nombre nécessaire de suffrages. —La constitution de Grégoire XV entre surtout cela dans beaucoup de détails : elle est souscrite du Pape, puis de tous les cardinaux, qui ajoutent à leur souscription: Je le promets, j'en fais vou, et je le jure. Le douze mars de l'année suivante, Grégoire publia une autre constitution, approuvant et fixant le cérémonial du conclave, les usages qu'on doit y observer, jusqu'à la manière dont les bulletins doivent être pliés et cachetés 1. L'une et l'autre constitution seront confirmées par Urbain VIII, successeur de Grégoire XV. Cette législation de l'Eglise catholique pour l'élection de son chef, pourrait servir de modèle aux élections dans les gouvernements représentatifs.

Une constitution également mémorable de Grégoire XV est celle du vingt-deux juin 1622, par laquelle il établit la congrégation de la Propagande, c'est-à-dire une congrégation de cardinaux et de prélats pour la propagation de la foi catholique par tout l'univers. Pour sauver le monde, Dieu a livré son Fils unique : ce Fils, la splendeur de sa gloire, l'empreinte de sa substance, s'est anéanti lui-même, a pris la forme d'esclave, s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la croix, afin de racheter par son sang de méchants esclaves, lui le souverain Seigneur. Tous les chrétiens doivent imiter cette immense charité du Christ; combien plus les pasteurs des églises, principalement le successeur de Pierre, à qui seul le Sauveur a dit: Pais mes brebis ; à qui seul a été montrée cette nappe mystérieuse, renfermant toute sorte d'animaux immondes, qu'il lui est ordonné d'immoler et de manger; toute sorte de nations infidèles, qu'il lui est ordonné de consacrer à Dieu, et d'incorporer à l'Eglise dont il est le chef. Combien n'y a-t-il pas encore de ces nations ou brebis errantes, ou qui n'ont jamais connu le bercail du Christ, ou qui l'ont abandonné. En Orient, combien de nations autrefois célèbres par les dons du ciel, ont été abruties

• Bullar, magn., t. 3.

depuis tant de siècles par l'extravagance impure des enfants d'Agar. Et dans le nombre, s'il y en a qui soient encore chrétiennes, la plupart sont infectées d'anciennes hérésies, en sorte qu'il y en a très-peu qui reconnaissent la vérité tout entière. Et depuis que, par suite de nos péchés, l'homme ennemi a semé l'ivraie dans les parties du septentrion, il a dérobé au Christ des provinces et des royaumes. Combien d'âmes qui périssent pour l'éternité! Afin de perfectionner l'ensemble des moyens employés par les Papes antérieurs, pour porter remède à un si grand mal et envoyer des ouvriers dans cette moisson immense, Grégoire XV établit donc, le vingt-deux juin 1622, une congrégation de dix-huit cardinaux et de quelques prélats: congrégation de la Propagande'. Voici comme en parle l'historien protestant de la papauté, dans les seizième et dix-septième siècles.

et

« A vrai dire, l'origine de la Propagande se trouve déjà dans une ordonnance de Grégoire XIII, par laquelle un certain nombre de cardinaux fut chargé de la direction des missions dans l'Orient, qui décréta aussi l'impression de catéchismes dans les langues les moins connues. Cependant cette institution n'était ni solidement fondée, ni pourvue de moyens nécessaires, ni assez vaste. Alors (sous Grégoire XV) florissait à Rome un grand prédicateur, Girolamo de Narni, qui, par la sainteté de sa vie, mérita la vénération générale et la réputation d'un saint; il développa en chaire une grandeur de pensées, une pureté d'expressions, une majesté d'exposition qui entraînaient tous ses auditeurs. Bellarmin venant un jour d'entendre un de ses sermons, disait : Je crois que, des trois souhaits de saint Augustin, il m'en a été accordé un, savoir: celui d'entendré saint Paul. Le cardinal Ludovisio, neveu de Grégoire XV, fut son protecteur; il se chargea des frais d'impression de ses sermons. Ce Capucin conçut la pensée d'étendre cette institution de la Propagande. Suivant son conseil, une congrégation fut fondée, afin de s'occuper, dans des séances régulières, de la direction des missions dans toutes les parties du monde ; elle devait s'assembler au moins une fois par mois, en présence du Pape. Grégoire XV assigna les premiers fonds nécessaires pour cette institution; son neveu y contribua de ses propres biens, et comme elle répondait à un besoin réel et profondément senti, elle prospéra de jour en jour d'une manière plus brillante. Qui ne connaît les services immenses que la Propagande a rendus à la philosophie générale ou à la connaissance générale des langues? Mais elle s'est surtout appliquée

• Bullar. magn., t. 3.

à remplir avec énergie et grandeur sa mission principale, celle de la propagation catholique; et, dans les premiers temps, elle réalisa les plus magnifiques résultats '. » Ainsi parle cet historien protes

tant.

L'institution de la Propagande fut achevée par le successeur de Grégoire XV, par Urbain VIII, qui, l'an 1628, y réunit le collége ou séminaire de la propagation de la foi, qui n'était qu'une institution préparatoire où se formaient les missionnaires. On y voit une bibliothèque renfermant des livres en trente-six langues différentes, autant de presses pour imprimer les ouvrages, autant d'églises où l'on prêche l'évangile dans ces mêmes langues. C'est une continuation, par la charité, du don des langues communiqué à l'Eglise, en la première Pentecôte chrétienne. Un ministre protestant termine ses réflexions à ce sujet par ces paroles : « Ainsi, Rome moderne a pour but unique de glorifier Dieu, de bannir de la société les vices qui la corrompent, de prêcher des doctrines célestes de paix et d'amour 2. »

Grégoire XV mourut le huit juillet 1623, à l'âge de soixante-neuf ans, après avoir tenu le Saint-Siége deux ans quatre mois et vingtneuf jours. Comme il était vieux, consumé de travaux, quoique l'esprit toujours vif, son neveu, le cardinal Ludovisio, gouvernait la plupart des affaires, pour laisser à son oncle le loisir de se récréer dans des conférences académiques avec des savants; car il aimait beaucoup les sciences. Le neveu en profita pour enrichir sa famille, mais sans nuire à l'état ; car il sut y maintenir une exacte justice, avec l'abondance des vivres, même dans un temps de disette. Grégoire XV, sentant à la défaillance de ses forces que Dieu l'appelait, il se déclara prêt à suivre, fit une confession générale de sa vie, et reçut les derniers sacrements. Son neveu le pressait de compléter le nombre des cardinaux : il s'y refusa, espérant un successeur qui remédierait aux maux de la république chrétienne. Car, disait-il souvent, on n'en peut élire aucun, qui ne soit plus digne que moi du pontificat. Il avait canonisé saint Isidore de Madrid, saint Ignace, saint François Xavier, saint Philippe de Néri et sainte Thérèse 3.

Son successeur fut Urbain VIII: Maffeo Barberini, d'une famille ancienne et noble de Florence, où elle avait occupé des places considérables. Né l'an 1568, il perdit de bonne heure son père et sa mère, et fut élevé par les soins d'un oncle. Il étudia les premiers éléments de littérature à Florence, la philosophie au collége romain,

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2 Pierre de Joux. Lettres sur l'Italie, lettre 20, p. 252.

la jurisprudence à Pise, où il reçut le grade de docteur à l'âge de vingt ans. A l'âge de dix-neuf ans, il fut fait prélat. Sixte-Quint le nomma référendaire. Clément VIII lui donna le gouvernement de Fano, à l'âge de vingt-quatre ans ; ensuite la charge de protonotaire apostolique, et depuis l'archevêché de Nazareth; enfin Paul V le nomma cardinal. Il fut envoyé nonce en France, pour complimenter Henri IV sur la naissance du dauphin, depuis Louis XIII.

Urbain VIII ou Maffeo Barberini entendait si bien le grec, qu'on l'appelait l'Abeille attique. Il eut de grands succès dans la poésie latine. Il corrigea les hymnes de l'Eglise. Ses vers latins ont été imprimés à Paris, au Louvre, 1642, in-folio, avec beaucoup d'élégance, sous ce titre: Maffei Barberini Poemata. Les pièces les plus considérables sont : 1o Des paraphrases sur quelques psaumes et cantiques de l'ancien testament; 2o des hymnes et des odes sur les fêtes de notre Seigneur, de la sainte Vierge et de plusieurs saints: ses odes surtout sont très-estimées ; 3° des épigrammes sur divers hommes illustres. On a de lui des poésies italiennes, qui se composent de soixante-dix sonnets, deux hymnes et une ode. Sa douceur et sa facilité à pardonner les injures ont fait chérir sa mémoire '.

A la mort de Grégoire XV, les cardinaux se trouvèrent au conclave au nombre de cinquante-quatre. On croyait qu'ils s'accorderaient difficilement sur l'élection d'un pontife, à cause du secret des suffrages récemment ordonné, et que d'ailleurs ils paraissaient fort divisés entre eux. Cependant, dès le premier jour, à la suite de l'accession, toutes les voix se réunirent sur le cardinal Barberini. Mais en vérifiant les bulletins, il s'en trouva un de moins, sans qu'on pût savoir ce qu'il était devenu. Le cardinal Farnèse opina qu'il fallait le tenir pour opposé, et ratifier l'élection, qui subsistait sans cela. Mais Barberini, pour prévenir toutes les difficultés, voulut qu'on réparât cette erreur, et qu'on recommençât le scrutin, suivant la teneur de la bulle. Le nouveau scrutin donna la même unanimité. Le nouveau Pape se prosterna aux pieds de l'autel, et pria Dieu avec larmes de ne pas le laisser sortir vivant du lieu, s'il prévoyait que son pontificat ne dût pas être utile à l'Eglise.. C'était le six août 1625, fête de la Transfiguration de notre Seigneur. Ce jour-là même, le nouveau Pape tomba malade; il ne fut couronné que le vingt-neuf septembre, fête de saint Michel archange, qu'il honora toujours d'une dévotion particulière. Il avait cinquante-cinq ans, une santé robuste et un aspect vénérable.

Il visita, tant par lui-même que par ses vicaires, toutes les

• Biogr. univ., t. 47.

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