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2o Des produits de l'entendement, et particulièrement de ses premiers produits, ou « de la métaphysique. »

5o Des actes de la volonté, ou « de la morale. »>

4o Des moyens d'augmenter les forces de l'esprit, de rendre ses opérations plus faciles, plus promptes et plus sûres, ou « de la logique. »

La première partie, celle qui traite de la nature de l'entendement et de la nature de la volonté, n'a pas reçu de nom; et elle ne pouvait pas en recevoir; car jusqu'à ce jour elle n'existait pas. Ce n'est point que je veuille dire qu'on n'ait rien écrit sur les facultés de l'âme Aristote parmi les anciens, Wolf, Bonnet et tant d'autres, parmi les modernes, m'accuseraient d'un grand oubli, ou d'une grande injustice. Mais jamais on n'avait assez bien senti la nécessité de distinguer des choses essentiellement différentes: ce qui dans l'âme est actif et ce qui n'est pas actif, les actes et les produits de ces actes. Souvent même, vous le savez, les sensations, dont la cause est hors de nous, ont été rangées parmi les opérations, dont nous portons le principe en nous-mêmes.

Les facultés n'ayant donc jamais été séparées ou des idées ou des sensations, on ne pouvait pas imaginer de faire à part un traité des facultés on ne pouvait donc pas s'aviser de lui donner un nom.

Ce nom est-il bien nécessaire? et serons-nous obligés de créer un mot nouveau?

Dans la langue que nous parlons, ou du moins que nous devons parler; dans une langue en même temps

française et philosophique; dans une langue qui, sous le premier de ces rapports, a atteint, dépassé peutêtre les bornes de la perfection, et qui, sous le second, est surchargée de beaucoup trop de mots, on doit être extrêmement sobre d'innovations. Elles ne trouveraient leur excuse que dans une indispensable nécessité.

Innovons dans les idées, si nous pouvons, pourvu qu'elles soient justes et utiles. Les mots ne nous manqueront pas ils sont là qui nous attendent; ils viendront même à nous. Une langue assez riche pour avoir suffi au génie innovateur de Descartes, de Pascal et de Malebranche, doit nous faire éprouver l'embarras du luxe, plutôt que celui de la disette.

Innover dans les idées et dans le langage, c'est appeler deux fois la critique. Sacrifions-lui le mot; peutêtre elle nous laissera la chose.

On peut donc conserver la division ordinaire de la. philosophie. Rien n'empêche, en effet, de réunir, sous le titre de Métaphysique, la première et la seconde partie du cours dont nous venons de tracer le plan. Alors, la métaphysique embrassera « les facultés de l'âme considérées en elles-mêmes, et l'entendement considéré dans ses effets; » ou, en d'autres termes, elle comprendra « l'origine et la génération, soit des facultés, soit des idées. » Mais il faut bien se souvenir que, si l'on néglige l'étude des facultés de l'âme, on n'ignorera pas seulement la théorie de ces facultés, on ignorera encore la vraie théorie des idées: car, les effets ne peuvent être connus de manière à contenter la juste curiosité d'un être raisonnable, quand leurs

causes sont inconnues; et, dès lors, que sera la métaphysique?

Celui qui posséderait la métaphysique, la logique et la morale, saurait tout ce qu'enseigne la philosophie. Mon dessein n'est pas de vous offrir un tableau complet de cette science; le titre de nos leçons le dit assez. J'ai voulu principalement arrêter votre attention sur les facultés auxquelles nous devons toutes nos idées, déterminer la nature de ces idées, montrer leurs origines, assigner leurs causes, les distribuer en différentes classes, et expliquer ainsi la manière dont se forme l'intelligence de l'homme; j'ai voulu « rendre raison de l'intelligence de l'homme. » Tel est le but des leçons que vous avez entendues dans la première partie, et de celles qui vont suivre dans la seconde.

J'ai voulu aussi, afin de vous aider à lire avec un esprit de critique les ouvrages des métaphysiciens, vous faire part des réflexions dont je n'ai pu me défendre, quand j'ai remarqué leurs obscurités, leurs incertitudes, leurs contradictions, leurs interminables disputes; et, persuadé que vous me pardonneriez d'avoir quelquefois, souvent même, empiété sur les préceptes de la logique, unir à ce travail des indications propres à vous garantir de l'erreur et à vous faciliter la découverte de la vérité.

L'étude de l'intelligence humaine a suffi pour occuper la vie de plusieurs philosophes célèbres. Ils n'ont pas tout dit, ni toujours ce qu'il fallait dire. Il reste donc quelque chose à faire après eux.

Vous avez paru accueillir les observations que je

vous ai présentées sur la nature des facultés auxquelles nous devons toutes nos connaissances. Je vais parler des connaissances elles-mêmes, ou des idées; et j'oserai une seconde fois vous communiquer des vues qui me sont propres. L'obligation de se livrer, en métaphysique, à des recherches nouvelles, durera tout le temps que dureront les divisions des métaphysiciens.

DEUXIÈME LEÇON.

De la nature de l'idée.

Les êtres qu'une volonté toute-puissante fit sortir du néant, forment comme deux mondes opposés dans un seul univers: le monde des corps et le monde des esprits.

L'un s'ignore, l'autre se connaît; l'un est soumis à des lois qui lui sont imposées, et qu'il ne peut transgresser; l'autre s'impose à lui-même des lois : il se régit par des volontés libres.

La terre que nous habitons, les astres qui nous éclairent, furent reçus dans le vaste sein d'une étendue que rien ne peut mesurer.

Les esprits, au contraire, ne sauraient accomplir leurs destinées dans aucun lieu, dans aucune étendue. Cependant, rien n'est isolé tout se lie par des rapports; tout se tient. L'œil des intelligences pénètre dans les profondeurs de l'espace: il admire les merveilles dont elles sont le théâtre; il s'élève jusqu'à celui qui ordonna qu'elles fussent.

Qu'eût été, sans témoins, le spectacle de l'univers? Tant de beautés, tant de magnificence, devaient-elles être éternellement ignorées? et, si toutes les créatures avaient été insensibles, à qui les cieux auraient-ils raconté la gloire de leur auteur?

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