JEAN-Baptiste Cousin de Grainville, à qui nous empruntons cette jolie fable imitée de La Motte, s'est surtout fait connaître par un poème en prose: Le dernier homme, que Bernardin de St-Pierre ne trouvait pas sans mérite, et qu'un critique anglais, Croff, comparait au Paradis perdu de Milton et à la Messiade de Klopstock. C'était lui faire beaucoup d'honneur ; car si, en lui-même, le sujet ne manque pas de grandeur, le style est incolore et l'œuvre médiocre. ANS un pays, (ce n'était pas en France, DA Et son nom même est perdu par malheur) Tous trois, si vous voulez, nous ferons route ensemble. Le Plaisir sut tromper les ennuis du voyage. Mais il fallut se séparer : On ne peut pas toujours aller de compagnie, Dit alors le Plaisir? car votre connaissance Le froid séjour de la vaine opulence En aucun temps n'est par moi fréquenté. -Moi je suis trop souvent, interrompt l'Espérance, Chez les enfants et les gens à projets. - Pour moi, dit à son tour la Pudeur ingénue, Quand une fois on m'a perdue On ne me retrouve jamais. >> MBERT, dit La Harpe, essaya de tout et ne soutint rien. Il fit des tragédies, des comédies, des romans, des contes en vers et en prose: tout est oublié. Ses pièces, sauf une, sont mortes en naissant, et son poème, le Jugement de Paris, où il avait montré du talent, de la facilité, a été entraîné dans le naufrage général. Il y a cependant, dans ses Fables nouvelles (Amsterdam, 1773), quelques fables bien tournées où l'esprit supplée à la naïveté. LE MOUTON. A LLONS, allons, vous vous moquez de moi! Comme un enfant! le beau plaisir, ma foi! Il faut, au bout de tout, avoir l'âme un peu fière! > « Je suis dans l'âge de raison : < Buvez ceci, mangez cela? > Qu'a-t-il de plus? deux pieds? moi j'en ai quatre. Qui me chiffonne! Il ne se passe rien Qu'il n'y fourre son nez. Sont-ce là ses affaires? Il faut laisser libres les gens. Cette façon de vivre aussi ne me plaît guère, Au plus tôt, ou je ne pourrai. >> Sans prendre congé de personne. Et Dieu sait lors comme il s'en donne! De tous côtés il va broutant, Gambadant, courant et trottant. < Ah! bon; je suis mon maître, et si l'on m'y rattrape, Que ce repas, dit-il, soit mon dernier repas. Siffle, berger, et toi, chien, jappe! Je m'en moque à présent; je ne vous entends pas. >> Comme il parlait encor, le loup survient, le happe, Le charge sur son dos et s'enfuit à grands pas. Loin d'imiter ce jeune téméraire, Cédez-en sagement une partie aux lois, 6 INGUENÉ, surtout connu par une intéressante Histoire littéraire de l'Italie, est l'auteur d'une grande quantité de fables pleines de philosophie et d'esprit. S'il n'a pas, il est vrai, le mérite de l'invention pour les divers sujets qu'il a traités, il a su puiser avec discernement à des sources encore ignorées. Ses plus charmants apologues sont imités d'auteurs italiens, Signotti, Bertola, Roberti, etc., mais imités, dit Arnault, «avec ce talent qui invente. >> (1) LE COCHE. A U bruit d'une quadruple roue Vides d'esprit et de courage Bruit au dehors et rien dedans! 1. GODEFROY, Histoire de la Littérature française. |