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cela, comme en tout le reste, Descartes suivait fidèlement la devise qu'il avait adoptée: Bene qui latuit, bene vixit, maxime que je me permets de recommander aux méditations de nos contemporains. De fait, en présence de la fécondité de cette vie, de la puissance de cette œuvre, dont la sérénité n'est altérée par aucun souffle d'ambition ni d'intrigue, on a bien le droit, ce me semble, d'écarter, non sans quelque pitié, les bruyants semeurs d'ironies audacieuses et d'utopies malfaisantes.

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Je termine. La reine Christine de Suède dont l'intelligence était ouverte à toutes les manifestations de l'esprit humain, et qui excellait dans l'art de tenir les rênes de l'Etat comme elle l'emportait par l'ardeur à chevaucher de longues heures à travers les forêts, avait fait instance sur instance pour attirer Descartes à sa cour. Le Philosophe, cédant à la perspective de porter la vérité dans le Nord, s'embarqua au port d'Amsterdam et arriva à Stockholm au commencement du mois d'octobre 1649. La reine accueillit, avec les témoignages les plus flatteurs d'estime et de sympathie,

Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
Chez les païens, et qui tient le milieu

Entre l'homme et l'esprit.

Il était, paraît-il, d'usage en Suède que les pilotes débarquant dans la Capitale se présentassent au palais, pour rendre compte de la mission qu'ils avaient reçue. Christine voulut recevoir en personne celui qui avait amené Descartes. A peine le pilote fut-il introduit que la reine lui demanda quel homme il croyait avoir conduit. « Madame, répondit le matelot, ce n'est pas un «homme que j'ai amené à Votre Majesté, c'est un demi«dieu. Il m'en a plus appris en trois semaines sur la

1 La Fontaine, Fables, X, 1.

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« science de la marine, sur les vents et sur l'art de la navigation, que je n'avais fait en soixante ans qu'il << ya que je vais sur mer. Je me crois maintenant «< capable d'entreprendre les voyages les plus longs et <«<les plus difficiles 2. >>

Le modeste tribut d'hommages que nous avons voulu payer à la mémoire de notre éminent compatriote nous a permis, j'allais dire, de voyager trois jours en compagnie de son souvenir. Pouvions-nous aller à meilleure école? A cette heure inquiète, où l'étoile des fortes convictions pâlit sur nos têtes et où la tourmente trouble notre marche qu'elle livre au caprice des négations les plus redoutables et des rêves les plus dangereux, il est bon, n'est-il pas vrai, d'avoir senti, goûté le conserver avec un soin jaloux - le rayonnement des nobles pensées, le toucher des sentiments élevés, le culte pur et désintéressé du Vrai, du Beau et du Bien. Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, en effet, le Vrai, le Beau et le Bien, qui ont été les facteurs du passé, demeurent les espérances du présent et les seules garanties sérieuses de l'avenir.

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pour

Bulletin archéologique, t. XI.

7

DOCUMENTS ANNEXES

I.

Lettre de M. le Ministre plénipotentiaire
do Suède et de Norvège

Paris, le 26 novembre 1896.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

Une courte absence m'a empêché de répondre tout de suite à votre aimable lettre du 17 courant. Je m'empresse aujourd'hui de vous informer que j'accepte avec bien du plaisir la flatteuse invitation que vous avez bien voulu m'envoyer de m'inscrire parmi les membres du Comité d'honneur du Centenaire de René Descartes.

Le souvenir que votre éminent compatriote a laissé en Suède est ineffaçable, et je considère comme un insigne honneur d'avoir été appelé à rendre avec vous hommage à la mémoire d'un des savants les plus illustres, à un des fils les plus dignes de la France.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération.

Le Ministre de Suède et Norvège,

DUE.

II. Lettre de M. Mouchot, ingénieur à Paris

Paris, le 20 décembre 1896.

Monsieur le Président et Messieurs les Secrétaires du Comité d'organisation du centenaire de Descartes,

MESSIEURS,

L'âge qui me désarme, m'empêche de répondre comme je l'aurais désiré, à l'invitation que vous me faites

l'honneur de m'adresser. Mais croyez bien que je m'associe de cœur à votre œuvre; car Descartes est pour moi la plus brillante et la plus pure de nos gloires nationales.

Ayant retrouvé une image du Maître qui me semble être de son temps, je m'empresse de vous l'adresser avec quelques reproductions héliographiques en vous priant d'en disposer comme vous le jugerez à propos.

Veuillez agréer, Messieurs, avec mes remerciements et mes regrets sincères, l'assurance de mes sentiments respectueux et dévoués.

Ch. MOUCHOT.

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Lettre de M. le Président

de la Société Psychologique de Moscou

MESSIEURS,

Mockba. 9/21 décembre 1896.

Je remercie la Société archéologique de la Touraine de m'avoir fait l'honneur de me nommer membre du Comité d'honneur qui arrange les fêtes à l'occasion du troisième Centenaire de Descartes. Je m'empresse de communiquer à la Société qu'à Moscou le 3o centenaire de Descartes a été fêté le 12/24 et le 19 octobre/1 novembre. Il y a eu une séance publique de la Société psychologique de Moscou: j'ai prononcé un discours sur la vie et la personnalité de Descartes, mon confrère M. le professeur Zopatine a fait un grand rapport sur << Descartes comme fondateur de la philosophie et des principes de la science nouvelle » et M. le professeur de l'Université Oumoff un autre rapport sur « Le rôle de Descartes dans l'histoire des sciences physiques et mathématiques ». Dans la première séance, la grande salle de l'auditoire physique qui contient plus de 500

places a été tellement remplie (plus de 700 personnes) et les corridors étaient tellement immergés de public que les étudiants de l'Université ont proposé de céder leurs places aux dames et au public du dehors à la condition que la séance avec tous les discours serait répétée. La seconde séance a eu lieu dans la plus grande salle de parade de l'Université de Moscou en présence de plus de 600 étudiants et d'un public nombreux (en tout près de 1.000 personnes), et il y avait encore quelques centaines de gens qui n'ont pas pu être admis parce qu'il n'y avait plus de places. Vous voyez donc, Messieurs, qu'en Russie on connaît bien votre grand philosophe et qu'il est bien estimé. Nous avons montré au public à l'aide d'une lanterne, le portrait de Descartes, et tous les discours des orateurs les deux fois ont été applaudis avec enthousiasme. Maintenant ils sont tous imprimés dans notre Revue philosophique de Moscou (Voprosy filosofii i psychologii). Je souhaite au Comité tout le succès possible à l'occasion des fêtes qu'il a projeté.

Agréez, Messieurs, l'assurance de ma considération distinguée.

NICOLAS GROTE,

Professeur à l'Université de Moscou, Président de la Société psychologique.

IV. Le Centenaire et la Presse

La Presse du département, de la Capitale, de la France entière, s'est intéressée à la célébration du Centenaire de Descartes. Elle a annoncé la solennité en des termes fort encourageants et a rendu compte des fêtes d'une manière très flatteuse.

La Presse du département a prêté son concours le plus unanime et le plus empressé à la solennité du

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