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de Descartes. Aussi ne puis-je que réclamer votre plus large bienveillance pour m'aider à soutenir ce périlleux honneur.

<«<Descartes, quel génie merveilleux! quel précurseur incomparable dont le flambeau a éclairé toutes les voies ouvertes devant l'esprit humain, et comme vous faites œuvre noble, saine et vraiment patriotique, en vous associant aux hommages qui lui sont rendus dans notre ville, au nom de la France entière!

« Je me réserve de clore cette solennité en vous disant toute ma pensée sur le philosophe, sur le savant dont le front dépasse les plus hautes cimes de l'humanité, et aussi, en remerciant tous ceux qui lui apportent le tribut de leur admiration.

«Mais, dès maintenant, je ne puis me défendre d'adresser l'expression de notre vive gratitude aux notabilités dont le concours si bienveillant transforme cette solennité littéraire en une fête vraiment nationale.

«Je remercie tout d'abord M. le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts d'avoir accepté la Présidence d'honneur du 3 centenaire de Descartes. Nous ne sommes pas moins sensibles au témoignage si flatteur qui est apporté, ce soir, par les plus hauts représentants du gouvernement de la République et de l'administration municipale dont le concours a été si complet, et par les représentants de l'armée qui ont bien voulu se souvenir que Descartes, lui aussi, avait associé les lauriers militaires aux palmes du lettré et du savant.

«La Touraine, en prenant cette initiative, n'a pas eu besoin de regarder autour d'elle en Europe; elle n'a fait que s'inspirer de ses fiers instincts et de ses propres traditions. Elle s'est souvenue de 1802, de 1852 et de 1873; elle s'est souvenue surtout qu'en 1596 un coin de son territoire avait porté le berceau de Descartes. Je vous remercie de grand cœur d'avoir si sympathiquement correspondu à ce sentiment de pitié filiale.

Ce qui me console un peu de l'absence que nous regrettons si vivement, c'est que nous allons, à l'instant, entendre parler de Descartes, de l'homme, du penseur et du savant, par la bouche d'orateurs qui l'ont étudié avec tout le soin qu'il mérite, et par la voix du poète illustre de la philosophie moderne.

<< Aussi, pour me faire pardonner cette présidence, je m'empresse de garder le silence que je n'aurais pas dû rompre ce soir, et de donner la parole à nos conférenciers. >>

M. Faye se lève alors et, dans une superbe allocution, traite de l'homme et du penseur. Ce discours devant figurer in extenso dans le Bulletin, il est inutile de l'analyser ici. Disons seulement que l'orateur a su charmer son auditoire en présentant avec habileté divers traits de la vie de son héros qui écrivit « en langue intelligible», voulant, disait-il, « que les femmes mêmes pussent le comprendre ».

De nombreux applaudissements ont souligné plusieurs passages du discours de M. Faye qui, d'un bout à l'autre, a su captiver l'attention générale; aussi la tâche de M. l'abbé François Bosseboeuf, chargé de nous montrer Descartes savant, était-elle extrêmement difficile. Mais pour qui connaît le talent de notre éminent collègue, la lucidité de son argumentation, la chaleur de sa parole. accompagnée d'une diction irréprochable, le résultat ne pouvait être douteux et, de fait, le succès a amplement justifié notre confiance en lui.

M. l'abbé F. Bosseboeuf termine en ces termes : « Je me suis proposé de vous indiquer, par quelques aperçus rapides, ce qu'a été notre Descartes comme savant, son rôle vis-à-vis de la science moderne. Il me semble vous avoir fait comprendre l'exactitude de ces paroles dans lesquelles j'ai résumé, dès le début, ma pensée : « Descartes est le fondateur de la science moderne, le père spirituel de tous les savants du présent et de l'avenir. On peut assurément placer près de son nom ceux

de Pascal, de l'anglais Newton, de l'allemand Leibnitz. Établir entre eux et lui un parallèle serait long et difficile, surtout leur assigner un rôle de mérite. Ce qui, du moins, me parait hors de conteste, c'est que si notre illustre compatriote ne peut être placé au-dessus d'eux, ce que je serais pourtant bien tenté de faire, il n'est du moins inférieur à aucun. »

L'argumentation de l'orateur exposée avec une lucidité remarquable et une voix nette et vibrante, a fait la plus heureuse impression sur l'auditoire tout entier. D'unanimes et chaleureux applaudissements ont dû faire. comprendre à l'orateur qu'il avait conquis absolument tous ceux qui l'écoutaient; son discours est également reproduit in extenso dans notre Bulletin.

Après une interruption de quelques instants pendant lesquels la musique militaire exécute brillamment un de ses plus jolis morceaux, la parole est donnée à M. Briand auquel M. Sully Prudhomme, de l'Académie française, a confié la lecture de son Poème pour le centenaire de Descartes, spécialement composé à la demande de notre Président pour ces fêtes.

De nombreux applaudissements accueillent cette lecture, et M. le Président, en levant la séance, rappelle que le lendemain, mardi, une délégation de la Société archéologique doit se rendre à La Haye-Descartes où elle visitera la maison natale de notre héros, en compagnie de plusieurs personnes ayant des liens de parenté avec la famille de Descartes.

Conformément au programme, la journée du mardi 22 décembre a été consacrée à l'excursion à La HayeDescartes où une délégation importante de la Société archéologique s'est rendue.

A la gare, M. Métais, maire, entouré de MM. Tafforeau, conseiller municipal, Rochery, conseiller d'arrondissement, Duparc, percepteur, docteur Gaudeau et de M. Gourdain, propriétaire de la maison de notre grand

compatriote, attendait les membres de la Société. En termes d'une parfaite courtoisie, M. le Maire souhaita la bienvenue à M. le Président et le cortège se dirigea vers la mairie, accompagné d'une foule des plus sympathiques et en parcourant des rues pavoisées et ornées avec goût par les habitants.

Un bel arc de triomphe avait été dressé portant ces mots Gloire à Descartes, bienvenue à ses hôtes. Entouré de son conseil municipal, M. Métais recevait à 2 heures, à la mairie, la délégation, et M. l'abbé L. Bossebœuf, au nom de la Société archéologique de Touraine, lui remettait une gravure d'Edelinck reproduisant le beau portrait de Descartes d'après le tableau de Frans Hals. Ce souvenir, destiné à l'hôtel de ville de La Haye, rappellera la visite faite par notre Société au berceau de notre célèbre savant à l'occasion des fêtes de son troisième centenaire.

Après avoir remercié M. le Président en termes extrêmement courtois, M. le Maire met sous les yeux des délégués les registres de l'Etat civil contenant l'acte de baptême de René Descartes (1596) et l'acte de décès de sa mère (1597). Ces registres sont parfaitement conservés et reliés. Dans une salle de la mairie nous remarquons un buste du célèbre philosophe dû à M. Guéritault il y a environ trente ans. Le cortège s'achemine ensuite vers. la maison natale de Descartes où il reçoit l'accueil le plus empressé du propriétaire, M. Gourdain, accompagné de M. Faucon, archéologue. Puis il visite les ruines de Notre-Dame, église où fut enterrée la mère de Descartes. Enfin, le moment de se séparer approche, M. le Président adresse à M. le Maire ses remerciements pour l'accueil que lui-même et ses administrés ont bien voulu réserver aux délégués de la Société archéologique. Ces arcs de triomphe, ces maisons pavoisées, cet air de fête témoignent de la part que prennent les habitants aux hommages destinés au plus illustre de leurs concitoyens, à celui qui a honoré la philosophie, les sciences et les

lettres et dont le berceau est un honneur pour leur charmante petite cité. Avant le départ, les délégués de la Société n'ont pas manqué de déposer aux pieds de la statue du grand homme le témoignage de leur admiration toute filiale.

Le mercredi, 23 décembre, la salle du Palais de Justice. ne tarde pas à s'emplir; on veut assister à la séance de clôture des fêtes du centenaire et savourer jusqu'à la dernière heure ce régal littéraire si intelligemment préparé par la Société archéologique.

Le Bureau, dès son arrivée, est salué par un morceau de musique militaire parfaitement exécuté, comme toujours, par le 66° de ligne. Msr l'Archevêque est présent, à ses côtés, M. le Président du Tribunal civil et plusieurs personnages appartenant à la magistrature, aux diverses administrations et à l'armée, ainsi que divers membres alliés à la famille de Descartes.

M. le Président de la Société se lève alors et prononce les paroles suivantes :

«MESDAMES, MESSIEURS,

<< Dans notre grand Descartes, nous avions à célébrer le penseur, le lettré et le savant, et dès lors nous avons estimé qu'il convenait d'organiser une solennité de trois jours. De nouveau je vous remercie d'avoir répondu à notre appel avec un empressement aussi sympathique.

<< Lundi, c'était la fête solennelle, avec l'estrade occupée par les membres du Comité qui, après avoir été au travail devaient être à l'honneur, avec nos éloquents conférenciers que vous avez bien voulu soutenir de vos applaudissements répétés, avec le buste du Maître, bien haut, dans une auréole de drapeaux et de palmes d'où son visage austère semblait s'illuminer d'un sourire d'approbation pour ses compatriotes fidèles à son souvenir. «< Hier, c'était la journée intime, la visite recueillie au

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