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mentaire. Les objets en os, destinés à servir de parure,. consistent en trois pendeloques, ou en pendants de collier, et en os appointis en forme de perçoir avec trou de suspension. Quant aux fragments de poterie grossière, ils portent, eux aussi, tous les caractères des vases. en terre de l'époque protohistorique.

L. BOSSEBŒUF.

II

Les pièces qui m'ont été remises pour étudier la découverte de Manthelan se composaient de deux fragments de cranes, d'un morceau de maxillaire inférieur, de quelques dents et de portions de fémur. J'ai exa-, miné en même temps des tibias que j'ai rapportés moimême de Manthelan.

Les deux fragments de cranes devaient appartenir à des personnes âgées; les sutures ont presque entièrement disparu. Or les dernières traces de sutures disparaissent vers 80 ans. Un seul fragment est assez complet. pour déterminer la forme du crâne qui est allongée. (dolichocéphale); son indice est de 75 environ. La présence d'un crâne long à côté d'une hache polie constitue, déjà une preuve de leur contemporanéité. Les néolithiques étaient surtout dolichocéphales. Dans la plupart des dolmens et des sépultures de cette époque, on a trouvé exclusivement des crânes longs. Exceptionnellement associés à ces derniers, on a rencontré un petit nombre de crânes courts ou intermédiaires, ce qui tendrait à prouver la fusion de deux races. Le morceau de mâchoire ne présente qu'un intérêt secondaire ; il appartenait à un individu jeune et fortement musclé; les dents, bien conservées, n'en proviennent pas.

Par contre, les fémurs sont très intéressants. Deux fragments, ayant une fracture fraîche, dépendent du

même os et le reconstituent presque en entier. On peut approximativement, à l'aide de celui-ci, connaître la taille de son possesseur qui devait avoir 1",67 s'il s'agissait d'un homme, et 1,63 s'il s'agissait d'une femme. On savait déjà que les hommes de cette époque étaient plutôt petits. Sur ces fémurs existent des signes importants qui, réunis entre eux et rapprochés de la conformation du crâne, dont j'ai dit un mot, et de celle des tibias, dont il me reste à parler, fournissent une preuve certaine de l'origine préhistorique des ossements. Les tibias sont plus intéressants encore que les fémurs. Au lieu de former un prisme triangulaire comme la plupart des tibias de notre époque, ils sont aplatis d'avant en arrière, conformation qui semble provenir d'un développement exagéré des muscles des jambes. Ce caractère, très marqué sur tous les tibias que j'ai vus, a été constaté dans toutes les sépultures néolithiques.

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Des observations précédentes il ressort que ces os, vu leur conformation, surtout la dolichocéphalie du crâne et la platycnémie des tibias, remontent certainement à l'époque de la pierre polie.

Voulant étudier plus complètement cette sépulture néolithique, je visitai l'emplacement, et, pour assurer la conservation à la Touraine des objets trouvés et de ceux pouvant être mis au jour, je m'en rendis acquéreur et fis terminer les fouilles à mes frais. J'ai rapporté de Manthelan quelques débris de poterie grossière et tous les ossements qui n'avaient pas été enlevés par les visiteurs. J'ai pu emplir deux caisses d'ossements d'hommes et d'animaux. Cette quantité me semblait assez considérable pour rencontrer des choses intéressantes.

Mon neveu, M. Albert Chaumier, qui a bien voulu se charger de déterminer les os humains, a trouvé :

1° Parmi un grand nombre de fragments de crânes: six rochers gauches et sept droits, un corps du sphénoïde et beaucoup de fragments de la calotte crànienne;

2o Des os du membre supérieur: cinq extrémités supérieures de l'humérus, gauche; sept extrémités inférieures droites de l'humérus, et sept gauches; douze extrémités supérieures du radius; trois inférieures, dont une droite; six extrémités supérieures droites du cubitus, et neuf gauches; deux extrémités inférieures droites du cubitus, des morceaux d'omoplates, beaucoup de phalanges non déterminées encore.

3o MEMBRES INFÉRIEURS. Plusieurs fragments des os du bassin, des fémurs, dix rotules; quatre extrémités supérieures du tibia et sept inférieures; plusieurs fragments de tibias, partie moyenne; deux extrémités inférieures du péroné, et deux corps du péroné; quatre astragales droites, cinq gauches, quatre calcanéums droits, un gauche, beaucoup de phalanges non déterminées encore;

4o Des côtes et des vertèbres non encore déterminées, un grand nombre d'os plus ou moins brisés, à étudier particulièrement;

5o Des os d'animaux.

Dans cette nomenclature, qui a besoin d'être complétée, je ne signalerai qu'une chose, c'est qu'on a trouvé neuf extrémités supérieures gauches du cubitus, ce qui prouve l'existence d'au moins neuf personnes dans la sépulture de Manthelan. Je remets à plus tard l'étude complète de ces os.

Je ne veux dire que quelques mots de la civilisation très primitive et des coutumes barbares des habitants de la Touraine au temps de la pierre polie. Nous savions déjà que les Tourangeaux de ce temps étaient très habiles à tailler et à polir le silex, et qu'il existait de véritables ateliers dans la région du Grand-Pressigny, comme l'attestent les nombreux instruments des

musées et des collections particulières, les nuclei qu'on brise encore aujourd'hui pour empierrer les chemins, les polissoirs, dont, pour ma part, j'ai trouvé trois exemplaires. On savait que les armes du Grand-Pressigny devaient avoir une certaine renommée et devaient faire l'objet d'une sorte de commerce.

Les débris de poteries trouvés à Manthelan prouvent également le caractère industrieux de ces premiers habitants; mais la grossièreté de la poterie montre qu'ils n'étaient pas très artistes dans cette fabrication. Ils avaient cependant une certaine coquetterie, puisque l'on a rencontré deux pendeloques en os; à moins que ces pendeloques ne soient des amulettes et révèlent une certaine religiosité. On a dit que les hommes de l'époque de la pierre polie croyaient à l'immortalité de l'âme, parce que dans certains dolmens on a trouvé des traces de nourriture déposée à côté des morts, sans doute pour que leurs esprits puissent s'en nourrir. Comment se vêtissaient les habitants de Manthelan? Probablement de peaux d'animaux; peut-être déjà d'étoffes comme les habitants des cités lacustres de Suisse. Deux os, rendus pointus par la taille et le polissage, étaient sans doute destinés à percer les peaux pour les réunir.

Les habitants préhistoriques de Manthelan avaientils des animaux domestiques? L'examen ultérieur des os d'animaux nous l'apprendra peut-être. Etaient-ils agriculteurs, mangeaient-ils des céréales comme les habitants des cités lacustres? Une mâchoire supérieure, à laquelle il ne manque qu'une dent, perdue probablement pendant les fouilles, présente une usure très grande de toutes les dents, sauf de la dent de sagesse, récemment sortie de l'alvéole. Beaucoup d'auteurs ont attribué cette usure des dents - usure paléontologique - à la nourriture grossière alors en usage, au broiement des grains entiers ou à peine concassés. Je me permettrai d'émettre une autre opinion. Aujourd'hui encore Bulletin archéologique, t.XI.

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et même parmi les personnes faisant usage d'une nourriture très raffinée, on trouve des dents usées, très usées même. La théorie de la nourriture grossière a donc bien des chances d'être fausse. Généralement ceux qui ont les dents usées sont des nerveux frottant fréquemment et sans s'en apercevoir leurs dents les unes sur les autres, grinçant des dents, quelquefois le jour, surtout la nuit pendant le sommeil. Je rencontre très fréquemment cette lésion dentaire chez les enfants et surtout sur les dents de lait. J'ai déjà signalé la chose à l'Académie de Médecine dans un mémoire sur l'hystérie des jeunes enfants, et j'ai montré de telles dents au Congrès de Médecine de Nancy, au cours d'une discussion sur les lésions dentaires dans l'hystérie. J'ai justement rencontré, parmi les dents recueillies à Manthelan, une incisive de jeune enfant qui est usée. Je me crois donc autorisé à dire que parmi les habitants de la Touraine, au temps de la pierre polie, il y avait déjà des nerveux.

Je reviens au genre de nourriture de ces habitants. Ils mangeaient certainement la chair des animaux, car parmi les os mis au jour il y avait des os d'animaux divers, de grands et de petits mammifères, et même d'oiseaux. Beaucoup de ces os sont fendus en long. La fracture est ancienne; on se rend compte qu'il ne s'agit pas d'une fracture accidentelle, mais d'un éclatement à l'aide d'instruments. Ces os fendus en long ont été retrouvés dans beaucoup de sépultures néolithiques. Ils démontrent que la coutume du repas funéraire qui existait à l'époque paléolithique s'était conservée; ils prouvent que les hommes de ce temps considéraient la moelle des os comme une nourriture de choix et ne perdaient aucune occasion de s'en régaler.

Le plus intéressant, c'est que parmi ces os fendus en long il y a des os humains en assez grand nombre. J'ai parlé en commençant de coutumes barbares, j'avais dans la pensée l'anthropophagie existant alors. L'homme

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