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Dans l'église, une inscription de 1467. Une crypte d'intérêt médiocre existe sous le chœur.

La caravane monte en voiture et se dirige vers Chabris dont l'église présente un mur en partie du x° siècle orné de sculptures; vers la partie Nord-Est du chevet on rencontre l'appareil cubique. Là, encore, nous visitons une crypte, renfermant une tombe en pierre sans aucun ornement ni inscription.

Enfin, nous partons pour Valençay où le déjeuner nous attend; chacun lui fait honneur, car nous sommes debout depuis quatre heures du matin.

Que dire de ce château princier dont le parc magnifique, entretenu avec le plus grand soin, forme l'entourage délicieux? A l'intérieur, de nombreux tableaux, dus à des peintres illustres, ornent le grand escalier et les galeries. A l'extrémité de l'une d'elles, le cabinet des miniatures présente les portraits de rois et de princes auprès desquels le célèbre Talleyrand fut envoyé comme ambassadeur.

Les écuries, les remises, disposées en retrait, témoignent du luxe d'un grand seigneur et l'on voit, non sans étonnement, un splendide carrosse du xvme siècle, capable d'encombrer à lui tout seul la chaussée d'une route.

Le château est d'un style analogue à Chambord et à Cheverny; il domine des jardins en terrasses et le vallon; au loin, dans un herbage, parait un troupeau de daims; du haut des tours un panorama superbe se déroule à nos yeux. Il y aurait beaucoup à dire sur cette visite si intéressante; mais la description de Valençay se trouve partout; inutile d'entrer dans de plus longs développements, par conséquent.

Mais il est temps, grand temps de nous arracher à ce beau spectacle pour regagner, à travers quatre lieues de pays, notre chemin de fer. Et, de fait, le train entre en gare en même temps que nous. Dépêchons-nous, sans quoi il nous faudra coucher à Selles-sur-Cher, perspective qui donne des jambes aux moins pressés.

Bulletin archéologique, t. XI.

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Enfin, nous partons, ravis de notre journée dont nous emportons le plus agréable souvenir, grâce à M. le duc de Valençay qui, empêché de se joindre à notre caravane, avait cependant tenu à mettre son personnel à la disposition des visiteurs, grâce aussi à notre président qui n'avait épargné ni ses peines ni ses voyages pour préparer celui de ses collègues.

Le Secrétaire général,

DE LÉPINAIST.

LA STATUE DE LA FEMME NOYÉE

A SAINT-DENIS D'AMBOISE

Lorsque j'ai écrit, d'après M. Razy, la légende de la Femme noyée, à la suite d'une conversation avec M. l'abbé Bossebœuf, notre érudit président, je n'avais que la pensée de faire connaître à mes collègues cette légende si poétique et l'espoir de les intéresser un peu. J'étais loin de m'attendre, à ce moment, que mon travail servirait de base à la demande de rentrée en possession de cette belle statue par la ville d'Amboise, et surtout, que cette demande serait couronnée d'un succès aussi prompt et aussi conforme au désir que j'exprimais de voir cette pierre tombale entrer à SaintDenis.

Les élections municipales venaient de se faire et M. Ernest Mabille avait été nommé maire. Dans les premiers jours de juin, revenant de Tours, je me trouvai seul avec lui dans un compartiment et, chemin faisant, je l'entretins de cette statue, de la conviction que

1 La Femme noyée d'Amboise, Pierre tombale de la Renaissance en Touraine. Tours, L. Bousrez, in-8°, 1896.

j'avais acquise, par mes recherhes tant dans les auteurs de la Touraine qu'aux archives de la Préfecture, que ce marbre devait appartenir à la ville d'Amboise et que peut-être y aurait-il lieu de ne pas continuer à l'oublier au château, car je savais que le Louvre, ce grand accapareur des gloires de la province, le convoitait, j'avais connaissance de la lettre du 21 août 1891 de M. Kompfen, directeur des Musées nationaux, à M. Guinot, maire d'Amboise, et je craignais que cette statue ne quittât notre Touraine.

Voici le document cause de mon inquiétude:

« Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. << Beaux-Arts. Direction des Musées nationaux.

((

Palais du Louvre, 21 août 1891.

« Monsieur le Sénateur,

Depuis la guerre, une statue, connue sous ce nom « Le noyé », est conservée dans le château d'Amboise. M. Courajod, conservateur-adjoint de la sculpture du moyen âge et de la Renaissance au musée du Louvre, m'a exprimé le désir que cet ouvrage puisse prendre. place dans nos collections. Permettez-moi de vous demander, Monsieur le Sénateur, si vous pensez que la ville consentirait à le céder à l'Etat et dans quelles conditions. « Maire d'Amboise, mieux que personne vous pourriez m'éclairer sur ce point.

« Veuillez agréer, Monsieur le Sénateur, l'assurance de ma haute considération.

«Le Directeur des Musées nationaux et de l'Ecole du Louvre. « Signé: KOEMPFEN.

«M. Guinot, sénateur, maire d'Amboise, 9 rue de Lisbonne, Paris. >>

M. Mabille fut de mon avis, et, à quelques jours de là, il en parla à une réunion du Conseil. Séance tenante,

une Commission municipale de trois membres fut nommée dans le but de faire rentrer cette statue dans le domaine communal; cette Commission était composée de messieurs le docteur Helle et Chauvin, conseillers municipaux, et de moi. Le 7 juin, nous fûmes officiellement avertis par M. le maire de la mission qui nous était confiée. Le surlendemain, sous la présidence de M. le maire, la Commission se réunit à l'Hôtel de Ville et on convint de demander une audience à M le duc d'Aumale, soit à Paris, soit à Chantilly, afin de l'entretenir d'une affaire concernant le château et la ville d'Amboise. Cette demande fut rédigée par le secrétariat de la mairie.

A notre lettre, Mr le duc d'Aumale voulut bien faire répondre qu'il recevrait avec plaisir les délégués de la ville et que, sitôt que cela lui serait possible, il les prierait de venir à Chantilly et d'y déjeuner.

Sur ces entrefaites, Ms le duc de Nemours vint à mourir et nous pensions que ce triste événement retarderait notre voyage, lorsque chacun de nous reçut une invitation personnelle pour le 6 juillet. Une réponse collective fut adressée au Prince, le remerciant de sa gracieuse invitation et l'acceptant.

Mes collègues ayant bien voulu m'engager à porter la parole, je rédigeai l'adresse suivante à laquelle ils donnèrent leur approbation:

<< Monseigneur,

«Monsieur le maire d'Amboise et MM. les membres de la Commission dont j'ai l'honneur de faire partie m'ayant désigné pour entretenir Votre Altesse Royale de l'objet de notre mission, je la prie de daigner me permettre de lui exposer les faits suivants :

<«< En 1864, alors que le château était séquestré par l'Etat, M. Arsène Houssaye, inspecteur général des Beaux-Arts pour les musées de province, vint à Amboise, en tournée d'inspection. Il fit observer à M. Guinot père, maire de la ville, que le Christ au tombeau, monu

ment funéraire de la famille Babou de la Bourdaisière, et la pierre tombale connue sous le nom de la Femme noyée ou du Noyé, qui en était autrefois le complément, placés l'un et l'autre, depuis le commencement du siècle, à Saint-Florentin-en-Grève, jadis église paroissiale d'Amboise, se détérioraient par suite de l'humidité occasionnée par les crues de la Loire et qu'il y avait lieu de les déplacer.

« C'est alors que, faisant droit aux observations de M. Arsène Houssaye, M. le maire fit transporter à SaintDenis, principale église de la ville, le Sépulcre qui y fut restauré, et autorisa M. l'inspecteur des Beaux-Arts à déposer la Femme noyée au château d'Amboise, en attendant une destination ultérieure, mais sans avoir, toutefois, l'intention d'en faire l'abandon, ce qui, du reste, eût dépassé son droit.

« Puis vint la guerre de 1870 et les temps troublés qui la suivirent; M. Guinot père n'existait plus, une municipalité nouvelle était à la tête de la ville, et, lors des décrets de 1872, la statue qui nous occupe resta au château, négligée ou oubliée.

<< L'origine de ce marbre est connue et sa possession par la ville est appuyée sur des documents certains. Elle provient de la crypte de la chapelle de l'ancien prieuré de Bon-Désir, commune de Montlouis, lieu de sépulture ordinaire de la famille Babou de la Bourdaisière.

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Or, en 1768, MT le duc de Choiseul acheta, de Ms le duc de Chevreuse, la terre de la Bourdaisière qu'il réunit ainsi au duché d'Amboise; puis, deux ans plus tard, par suite d'insuffisance de revenus, Mer de Fleury, archevêque de Tours, après accord avec Ms le duc de Choiseul, supprima le prieuré de Bon-Désir dont tous les biens et revenus furent unis et incorporés à la mense du Chapitre d'Amboise. Après la Révolution, lors de la démolition de la Collégiale, le Christ au tombeau et la pierre tombale, sa voisine de Bon-Désir, furent trans

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