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Cearas, a pour enfants Mithr Midr, les rayons du soleil. Mais, si OEsar, ou le feu personnifié, est un principe de mouvement, il est créateur, toute création présupposant en effet le mouvement dès lors, le feu peut et doit être envisagé comme une puissance créatrice et réalisante. A l'instant où cette force prend son essor, l'existence réelle apparaît et se développe, idée symboliquement exprimée par l'acte d'allumer le feu, c'est-à-dire de mettre en jeu le mobile primitif pour la création des êtres.

Telle fut, suivant le docte Génevois, l'une des croyances en vogue chez les druides de l'Irlande, croyance qui dût être aussi celle des druides armoricains, puisque les uns et les autres appartenaient à une même race, la race des Kimris.

II

Pour résumer, le feu est l'être primitif, le principe de toutes choses, le monde igné d'où sont sortis les germes de la vie et les différents êtres de la création, la source de la fécondité, le dieu des éléments et de la génération à l'aide de ces données, cherchons maintenant à découvrir le sens d'une monnaie issue de la trouvaille de Jersey.

Cette monnaie de billon, dont le style est en étroite relation avec celui des pièces curiosolites, présente au revers un type non moins curieux qu'énigmatique. Qu'on imagine en effet un monstre avec un corps de cheval dont la tête se rapproche singulièrement de celle d'un Oiseau sur son dos, est un anneau de forme oblongue dans lequel, émanant d'un grand annelet centré, pénètre un cône terminé en pointe du bord de cet anneau, s'échappe soit une fleur, soit un épi de blé (H. de la Tour, Atlas de Mon. gaul., Pl. XXV, fig. 14 et 15).

A-t-on quelquefois tenté l'interprétation de ce type? Nous l'ignorons, mais l'idée, toute cachée qu'elle soit,

sous le voile du symbolisme, nous semble cependant assez claire.

D'une part, c'est le soleil souvent exprimé sous la forme d'un cercle ou d'un annelet avec ou sans radiations, projetant hors de lui son rayon de feu qui perce et pénètre; car tel est le sens du mot Taulac chez les vieux Irlandais, ou encore le feu du ciel, Cearas, auquel on appliquait le nom épithétique de Uibhle-Tenedh, celui qui ouvre l'existence à toutes choses ou permet à la nature germe de l'ouvrir et de mettre dehors ce qu'elle recèle dans son sein, rôle qui se rapproche beaucoup de celui qu'en Phénicie on prêtait à Chusorus, le dieu ouvreur, en Égypte à Phtah, et peut-être encore à Hu, divinité solaire chez les Gallois, dont le nom suivant, Owen, signifiait celui dont la tendance est de tout pénétrer.

D'autre part, c'est la terre ou la nature, c'est-à-dire la matrice universelle qui reçoit ce rayon de feu dans son sein ou mieux dans son organe sexuel ici figuré par l'anneau de forme allongée posé sur le dos de l'androcéphale.

Enfin, de cet anneau, sortent soit une fleur, soit un épi de blé, qui ne sont autres que les produits de l'acte générateur, l'effet causé par l'acte même de ce feu céleste, Uibhle-Tenedh, qui, nous venons de le dire, ouvre à l'existence tout ce qui est ou permet à la nature de mettre dehors ce qu'elle renfermait en elle-même.

La présence d'un épi dans la composition de notre type, présence qui remet en mémoire les trois épis de blé qui divisent la queue du taureau Mithriaque, emblème de la terre, dont le poignard de Mithras-Soleil entrouvre le sein, nous a paru particulièrement significative. En effet, en Irlande, Anu est la mère du blé; elle est le bon principe de la nourriture, Eo-Anu, la bonne mère; la seconde Ith, dont le nom renferme, outre la signification de blé, celle de Terre, ce qui est d'ailleurs conforme à ce que nous rencontrons chez d'autres peuples. Sans nous livrer à des recherches qui nous forceraient à sor

tir de notre sujet, Cérès, la Terre, identique à la bonne déesse de l'ancienne Italie, n'avait-elle pas pour attribut la corne d'abondance? ne portait-elle pas sur sa divine tête cette couronne d'épis dont elle fit présent à Triptolème, dans le but de répandre la fécondité sur la Terre? Elle est la déesse des gerbes, elle est Ploutodotire et Pandotire, celle qui communique la richesse, qui donne tout. Or, Ana Anu, dans le vieux langage irlandais, signifiait à la fois corne d'abondance et richesse.

Chez les Curiosolites, dont le territoire faisait face à l'ile de Jersey, on rencontre un type semblable, mais avec certaines différences qu'il nous faut signaler. D'abord l'androcéphale n'y est plus libre, il est dirigé par un aurige; ensuite le disque solaire y est perlé, ce qui, du reste, n'enlève rien à sa signification, puisque sur d'autres médailles du même peuple il apparaît entouré de rayons analogues par leur forme à celui qui, sur la monnaie précédente, descend sur le monstre à double nature; quant au rayon qui en émane, il devient une sorte de hampe que l'aurige tient en main. Ou nous sommes ici en présence d'une pompe solennelle en l'honneur du soleil, ou ces modifications ne peuvent être que l'indice d'une dégénérescence du type, qui nous paraît plus probable.

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Mais voici qui nous semble plus expressif, disons mieux, plus naturaliste. Sur une monnaie d'argent provenant de la même trouvaille, mais conçue dans le style Baiocasse, on voit, au revers, un androcéphale courant à droite et portant sur son dos un petit sanglier auquel

se

rattache une sorte de spirale terminée par un fleuron; devant lui est un quadrilatère semblable à celui des pièces baiocasses; au dessus, un objet formé de deux losanges avec un annelet au centre; dessous, une lyre debout accostée de deux annelets. Enfin, et c'est le point principal, sous la queue du monstre, mais parfaitement distinct de cet appendice, un cône allongé et affilé, semblable à celui qui surmonte la tête divine sur

certains statères d'origine armoricaine (Cf. H. de la Tour, Atlas, pl. XXIV no 6918).

A nos yeux, tout cet ensemble n'est autre qu'une allusion au soleil ou au feu, envisagé comme agent principal de la fécondation. Cet astre exerce en effet sa puissance sur la terre, adorée par les Gaulois et la plupart des tribus germaniques, qui la connaissaient sous le nom de Hertha, ici représentée par l'androcéphale composé de l'homme et de l'animal, comme l'était le Taureau du monde primitif chez les Perses. Cet androcéphale semble réunir les deux sexes, c'est-àdire qu'il est à la fois mâle et femelle, parce que la terre ou la nature, dont il paraît être l'emblême, est ellemême active en un sens et passive dans l'autre. Active, elle est cette force qui donne la vie à tous les êtres qu'elle recèle dans son sein; l'androcéphale apparaît alors muni de l'organe qui constitue le mâle; passive, elle est femelle, et dans ce cas le soleil, le feu céleste lui devient nécessaire pour qu'elle passe de la puissance à l'acte.

C'est cette idée que nous croyons ici exprimée, d'abord par le sanglier posé sur le dos du monstre, puis, et d'une manière encore plus significative, par le singulier objet figuré sous sa queue, lequel n'est autre que ce rayon dont nous venons de donner l'interprétation, rayon fécondant qui pénètre dans le sein de la terre comme le glaive d'or de Dschemschid qui, dans la doctrine perse, est celui du soleil Schid. On sait, d'ailleurs, que chez la plupart des peuples de l'antiquité l'image d'un rayon, d'un cône de lumière ou d'une flamme suffisait seule pour exprimer l'idée du grand astre.

Sans parler des accessoires comme la Lyre et les détails qui l'accompagnent, ni du Sanglier dont nous aurons à nous occuper plus longuement ailleurs, le sens de cette composition typique serait donc celui du soleil, centre du feu considéré non pas précisément comme agent cosmique, mais comme cause génératrice et pro

ductrice, idée qui nous paraît ressortir encore d'une figure de cette astre gravée sur d'autres monnaies, provenant toujours de l'île de Jersey.

Là, son disque rayonnant sur les deux tiers de son pourtour se prolonge en un rayon principal très nettement séparé des autres et terminé par un globule, ce qui donne à l'ensemble l'apparence d'un phallus; or ce rayon est constamment dirigé vers le dos de l'androcéphale. Si ce n'est point un effet de style, nous devons avoir ici une image réduite du type signalé plus haut mais de sens identique.

(A suivre.)

PEYRON.

LA VILLA GALLO-ROMAINE DE CHATIGNY1

Ceux de mes collègues qui assistaient à la séance du 22 décembre 1890 se souviendront peut-être d'une communication que M. Lhuillier fit en mon nom sur les vestiges d'une construction gallo-romaine, découverts par

moi à Chatigny, commune de Fondettes. Il ne s'agissait alors que de murailles parfaitement caractérisées, il est vrai, quant à l'époque, mais assez mal définies quant à la destination. Une circonstance absolument fortuite devait me faire retrouver au mois de juin de l'année suivante les restes beaucoup plus importants d'une villa gallo-romaine à environ 70 mètres plus à l'ouest, dans les vignes qui avoisinent le château. La situation particulièrement chaude de ce point,

situé

sur le versant du coteau qui fait face à la Loire,

me força de remettre les fouilles à l'automne, et quelques sondages préparatoirs furent seuls exécutés; ils me

1 Cette communication a été faite à la séance du 28 décembre 1892.

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