Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

recouverts d'un émail jaune d'or, et dont les pattes de devant sont posées sur une boule à émail bleu. Dans un cartouche blanc ménagé sur la boule, on lit en capitales noires: Mr CUSTODE, manufacturier, en faïence, à Nevers, 1785. Ce doit être l'enseigne d'une succursale dans notre ville de ce fabricant de Nevers. Malheureusement ces lions sont bien endommagés, ils ne tarderont pas à se briser sous l'action du temps; il serait à souhaiter que notre Musée put leur donner - l'hospitalité.

M. l'abbé Brung parlant de l'atelier préhistorique du GrandPressigny qui tient le premier rang dans le monde scientifique, signale à notre attention les grattoirs. Ces outils, ainsi nommés en raison de leur usage, étaient, selon le besoin, de forme convexe ou concave et analogues à ceux dont se servent encore les Esquimaux. Suivant que l'on tenait le grattoir verticalement ou horizontalement, on avait un couteau, un rabot, ou encore une sorte de cuiller. L'homme cherchant de plus en plus à perfectionner donna au silex une forme particulière qui lui permit d'être employé à la fois et comme grattoir et comme burin, et l'on retrouve des pièces destinées à ces deux affectations. En outre, il existe un type assez rare, terminé par une sorte de hec de perroquet très soigneusement retouché et qui se distingue du grattoir-burin; M. l'abbé Brung, qui en possède quatre spécimens dans sa remarquable collection, a donné à ce type le nom de grattoir-bee; il le décrit dans un travail qui figurera dans notre Bulletin.

M. Ch. de Beaumont rappelle que l'on établit un chemin allant du Port de Vallières à Luynes; ce travail a donné lieu à quelques trouvailles de fers de chevaux et de mulets, de fragments de poterie.

Notre collègue parle ensuite de Rochecotte, localité dont l'importance ne date guère que du x siècle et dont le nom signifie très probablement : la Roche du Côteau.

C'est dans le riche dépôt du chartrier et du livre terrier de Rochecotte que M. de Beaumont a puisé ses très curieux renseignements, entre autres divers actes de vente en 1698 et en 1:00, la liste des seigneurs de ce domaine, etc... Parmi ces derniers, figure un Guillon de Rochecotte qui a possédé au AVIIIe siècle, ainsi que le fait observer M. Grimaud, la maison de Rabelais, à Chinon.

M. le président, après avoir remercié MM. Brung et de Beaumont, dont les travaux et les recherches doivent nous servir d'exemple, fait passer une photographie représentant une remarquable Vierge en marbre placée au Musée du Louvre, dans la salle de Michel Colombe et dite Vierge d'Olivet.

Une indication porte qu'elle appartient à l'Ecole des bords de la Loire du xvIe siècle. M. l'abbé Bossebœuf croit être en mesure de préciser davantage, grâce à une inscription qu'il a découverte sur l'agrafe du manteau; c'est un monogramme renfermant toutes les lettres du nom de Marchand.

D'après cette indication, cette superbe statue serait l'œuvre du sculpteur François Marchand, ou Marchant, que l'on croit natif d'Orléans. Au mois de septembre 1543, Marchant « maistre ymaigier à Orléans » est dit demeurant » en cette ville où il fit le Jubé de Saint-Père (Vie de saint Pierre), dont une partie est conservée à Saint-Denis. En 1542, François Marchant «< ymaigier, tailleur de marbre et de pierre », est dit «< demeurant à Chartres », où il travaille aux sculptures de la Cathédrale. — Ne serait-il pas parent de Jean Marchant, dont B. Fillon a écrit dans les Archives de l'Art français (1o série, t. IV, p. 78): << Chambord est d'un Français, né à Amboise, de Jean Marchant, comme l'a révélé M. de La Saussaye dans ses intéressantes notes sur le château de Chambord. »

Après cette communication, M. Ratel, dans ses notes relatives aux fouilles de Saint-Martin, soutient que la basilique de Saint-Perpet ne fut point réédifiée de fond en comble: il discute les allégations de M. de Lasteyrie d'après lequel les fondations de cet édifice ne peuvent remonter au-delà du xe siècle. A propos de la démolition de Saint-Pierre-le-Puellier, M. le président a appris qu'on y avait découvert des fragments d'étoffes et de cuir ainsi que des feuilles de laurier dans un tombeau; il est regrettable que ces objets n'aient pu être examinés par aucun de nos collègues.

La Société vote ensuite sur l'admission de MM. Alluchon, Jouanneau, Yvonneau et Lucas, présentés à la dernière réunion et qui sont, à l'unanimité, élus membres correspondants.

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 4 heures et demie.

Le Secrétaire général,
DE LÉPINAIST.

LE DUC D'AUMALE

MEMBRE D'HONNEUR DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE

La mort hélas! s'est bien pressée d'effacer de la liste de nos membres d'honneur un nom illustre entre tous. Du moins ne saurait-elle nous faire méconnaître ce que nous devons à la mémoire, j'allais dire de notre éminent confrère. En regrettant de ne pouvoir confier à une plume autorisée le soin de rappeler ce que fut le duc d'Aumale, je n'aurai garde d'oublier que je n'ai à envisager ici que le côté de cette grande physionomie qui nous appartient plus particulièrement, c'est-àdire l'homme d'esprit et de cœur, le lettré et l'historien, l'ami des arts et de toutes les nobles manifestations du génie humain.

Henri-Eugène-Philippe-Louis d'Orléans, duc d'Aumale, quatrième fils du roi Louis-Philippe et de la reine MarieAmélie, naquit à Paris le 16 janvier 1822. Les brillantes qualités manifestées par le jeune prince au collège Henri IV, au camp de Fontainebleau, et, plus tard, sur la terre d'Afrique, le mirent de bonne heure en évidence. Officier d'ordonnance, maréchal de camp et lieutenant général, il fit paraître, en toute rencontre, cette décision, cet esprit de patriotisme, cette bravoure, ces habitudes de discipline, ce culte de l'honneur qui lui faisaient considérer l'armée comme la famille idéale et qui lui gagnèrent toutes les sympathies. Le maréchal de camp Henri d'Orléans avait l'âge de Condé à Rocroy lorsque, en 1843, par un coup de main héroïque il enle

vait la Smala d'Abd-el-Kader. Il préludait ainsi, d'une part, à la pacification de la province de Constantine où il installa un poste destiné à devenir la ville d'Aumale, et, d'autre part, à cette fameuse journée du 23 décembre 1847 dans laquelle l'émir, qui avait ardemment prêché et vaillamment soutenu la guerre. devait faire sa soumission et se rendre au duc d'Aumale.

Il ne m'appartient pas de parler des qualités aussi brillantes que solides du vainqueur d'Afrique, et je n'ai pas davantage à apprécier le rôle politique du prince. A cet égard, je ne retiendrai qu'un souvenir; le duc d'Aumale sut allier le goût des institutions modernes avec le culte des traditions antiques et personne ne fut plus vraiment Français avec une pointe d'originalité bien caractéristique, qui lui assigne un rang à part parmi les hommes célèbres de notre siècle. Si la valeur du capitaine parait bien dans ces lignes écrites au général Bugeaud: « Je ne vous demande qu'une chose, c'est de ne pas oublier le régiment du duc d'Aumale quand il y aura des coups à recevoir et à donner; » l'âme du patriote, au sens le plus élevé, se manifeste dans la réplique qu'il fit au cours d'un procès fameux : « Il restait la France! »

De fait, toute sa vie, de loin ou de près, le duc d'Aumale eut le culte de la France qui brille dans ses beaux ouvrages aussi bien que dans les diverses circonstances de sa carrière. Par ses actes, en même temps que par ses paroles et par ses écrits, il n'a cessé d'aviver autour de lui la plus pure flamme du patriotisme et d'entretenir les nobles élans de la pensée. A Chantilly, cette résidence si bien faite pour sa personnalité, il se plaisait à dire à ses hôtes et quels hôtes! - <«<lci on ne parle que de la littérature, de l'art et de l'armée. »>

Mais je me hâte trop de songer au prince jouissant dans son magnifique palais des trésors que son savoir et son goût y ont amassés ; je dois auparavant le considérer au sein de l'épreuve qui devait mûrir ses pré

cieuses qualités. « L'or s'éprouve dans le creuset, » a dit le Sage antique. Les énergies intellectuelles et morales se trempent et s'affinent dans l'épreuve et l'adversité. Le duc, pour lequel le sol français avait cessé d'être hospitalier, se retira tour à tour à Twickenham et à Claremont; c'est dans cette retraite qu'il conçut et mit au jour ses premiers travaux militaires Zouaves et Chasseurs à pieds, et ses premiers ouvrages historiques, la Captivité du roi Jean et le Siège d'Alesia.

Capitaine distingué et prince du sang, le duc d'Aumale — qui avait épousé, le 25 novembre 1844, MarieCaroline-Augustine de Bourbon, fille du prince Léopold de Salerne avait maintes fois senti la grande ombre des princes de Condé passer silencieuse sous les voûtes de la chapelle et traverser les galeries du château de Chantilly. Il lui sembla que ces mânes sollicitaient son Souvenir et qu'il avait un devoir à remplir envers cette dynastie de héros. Il reprit sa plume nerveuse et élégante et écrivit l'Histoire des Princes de Condé, dont les premiers volumes parurent en 1861 mais, par suite de saisie, ne furent mis en vente qu'en 1869.

Ce grand ouvrage, qui constitue le plus sérieux des titres littéraires du duc d'Aumale, forma dès lors comme le pivot de ses travaux intellectuels. La trame serrée, la narration claire, ferme et d'un éclat tempéré - qui parfois s'élève au faîte de l'éloquence comme dans le récit de la bataille de Rocroy, la mise en œuvre concise, qui sait évoquer les événements sans d'ailleurs éblouir à la façon de Michelet le style naturel et limpide qui laisse transparaître la vérité des faits et la sincérité des sentiments, enfin le savoir aussi varié qu'étendu et la parfaite connaissance technique du sujet font du duc d'Aumale un maître en histoire militaire.

La place du prince était toute marquée dans les grands Corps de l'Etat. En 1871, il fut élu membre de l'Assemblée

« PreviousContinue »