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vante de lui donner régulièrement de la

soupe

à cette

heure.

Cette servante, se nommait Rosette. C'était une jeune fille, douce, jolie et sensible.

CHAPITRE III.

Faites du bien à l'homme, et il vous aimera.

La situation du pauvre petit bossu sans jambes intéressait la tendre Rosette. Aussitôt qu'elle entendait le coup de la béquille, toc, toc: "C'est Caro! criaitelle, en courant ouvrir la porte;" puis elle l'aidait à descendre de sa monture; elle le faisait entrer, lui donnait une chaise près du feu, s'informait de sa santé et de ses succès dans la matinée; elle le consolait quand il avait été malheureux; le félicitait lorsqu'il avait été heureux; elle causait avec lui, le faisait rire; enfin, cette jeune fille était si bonne pour Caro, que celui-ci l'aimait de tout son cœur. Il est si naturel d'aimer celui qui nous fait du bien.

Lorsque le bon homme avait mangé sa soupe, Rosette lui présentait toujours quelque petite friandise qu'elle avait mise en réserve. "Père Caro, mettez ces noix dans votre poche; père Caro, mangez cette pomme; père Caro, avalez ce petit coup de vin." C'était tous les jours quelque présent nouveau que le bossu recevait en disant: "Bonne Rosette, le bon dieu vous récompensera un jour." Ensuite il s'en allait, en la bénissant.

CHAPITRE IV.

Les larmes qui mouillent la tombe du pauvre sont

sincères.

Un jour Rosette ne vit pas venir son vieil ami. L'heure était passée, personne ne frappait. "Mon Dieu!* se dit-elle, quelque chose est arrivé à Caro, il est sans doute malade. . . . . . Il manque rarement de venir chercher sa soupe. Serait-il..... Elle n'osa pas

Tout-à

......

achever; cette pensée lui fendait le cœur. coup, elle entend frapper à la porte. "Ah! ce n'est pas Caro: ce n'est pas là le coup de sa béquille." Elle court, cependant. Son cœur est tourmenté par l'espoir et la crainte; elle ouvre. C'est Colas... Colas, les yeux pleins de larmes vient annoncer à Mr. le Curé que Caro n'est plus: une attaque d'apoplexie l'a étouffé dans la nuit ! . . . . Tendre Rosette, honnête Colas, âmes simples et pures, mouillez de vos larmes les restes glacés du pauvre Caro!

CHAPITRE V.

Ce que nous recevons d'un ami doit nous être cher On trouva dans une des poches du défunt, un papier qui contenait ses dernières volontés; les voici :

* Mon dieu! This expression, which literally means My God is not to be translated so in English, when used as a mere exclamation; in that sense it corresponds to good gracious! O dear! and any other usual interjection.

Je laisse à Rosette mon bât; à Colas mes béquilles, à condition qu'ils se marieront ensemble. Quant à la pauvre bête qui m'a servi si fidèlement, je supplie Monsieur le Curé de prendre soin de sa vieillesse.

Caro fut enterré et regretté de tout le monde. Rosette, surtout, et le brave Colas, en furent long-tems inconsolables.

Cependant, comme tout passe ici-bas, le chagrin passa aussi; et les habitans du village commencèrent à plaisanter sur la succession du petit bossu. "C'est pour battre ta femme," disait l'un à Colas, " que le défunt t'a laissé ses béquilles." "Sans doute, reprenait un autre, c'est pour cette fin que le bon homme a voulu que Rosette eût le bât qui, comme on sait, est le symbole de la patience." Chacun ajoutait son mot; et nos pauvres jeunes gens ne savaient que répondre. Néanmoins, par respect pour la mémoire de leur ami, ils conservèrent religieusement leur modeste héritage.

CHAPITRE VI.

Ce que c'est que l'économie!

QUELQUE temps après la mort de Caro, Colas, assis à la porte de sa cabane, pensait à sa récolte, lorsqu'il aperçut dans son jardin un cochon qui dévorait ses choux. Il entra dans sa chambre pour y prendre un bâton; mais, dans son empressement, ayant pris une des béquilles du bossu, il courut à l'animal sur le dos duquel il frappa si fort, que la béquille se rompit en

vingt morceaux... Quelle est sa surprise, lorsqu'il voit rouler sur la terre une quantité de pièces d'or! D'abord, l'honnête Colas n'ose se fier à ses yeux; mais après les avoir ramassées, palpées, tournées et retournées, il n'en doute plus. Il court à l'autre béquille, la saisit et est étonné de n'avoir pas plutôt remarqué son étonnante pesanteur; il la brise. Ainsi que l'autre, elle est creuse à la crosse, et pleine de monnaies d'or! Colas ne se possède plus de joie; il lève les mains au ciel, il se met à genoux, il prie Dieu, il se relève, il saute sous son humble toit, il pleure, il rit, il bénit la mémoire de son bienfaiteur; mille idées agréables remplissent son imagination et l'agitent; enfin, il se rappelle la clause du testament qui exige son union avec Rosette; il ramasse son trésor, et vole chez le Curé.

"Vois! Rosette, s'écrie-t-il, aussitôt qu'il l'apperçoit, vois!" Rosette ouvre ses grands yeux noirs, et Colas lui conte son bonheur. "Eh! s'écrie-t-elle à son tour, et mon bât?" Ils y courent ensemble. La lourde machine était à pourrir dans un coin du grenier. Ils la brisent, et la trouvent farcie de pièces d'or !

Colas et Rosette se marièrent. Ils achetèrent une jolie petite ferme, et vécurent dans une honnête aisance, heureux et dignes de l'être. Ils bénirent, jusqu'à la fin de leurs jours, la mémoire du bon et sensible Caro qui, par une sage économie, avait acquis les moyens de récompenser, après sa mort, des bienfaiteurs désintéressés.

PAULINE.

CHAPITRE I.

C'EST dans un pauvre hameau du plus pauvre canton de l'Auvergne, que Pauline fut élevée jusqu'à l'âge de douze ans ; dès son berceau, des événements que nous rapporterons plus tard l'avaient séparée de ses parents, et la bonne Gertrude avait pris soin de son enfance.

Elle était bien vieille, la bonne mère Gertrude; mais les soixante et dix ans qui avaient courbé son corps et blanchi sa tête, lui laissaient tout son courage: ce n'était pas le courage de l'ambition, de l'orgueil, de l'amour de la gloire ou des richesses; c'était celui qu'inspirent la bienfaisance, l'humanité, la sollicitude maternelle; car Gertrude était tout pour Pauline; mère, père, amis, le monde entier.

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Que deviendrais-tu, ma pauvre enfant, si la mort venait te priver de mes soins! disait-elle souvent. Ah! Dieu sait si je tiens à la vie pour moi-même s'il me fait la grâce de prolonger mes jours jusqu'à ce que tu puisses te conduire dans le monde, ou trouver des protecteurs qui me remplacent, je fermerai les yeux sans regrets." "Ne parlez donc pas toujours de mourir, ma bonne mère, interrompait Pauline, en détournant la tête pour essuyer la larme qui mouillait sa paupière; vous êtes 213

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