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IX

LE ROSIER

Je l'ai planté, je l'ai vu naître
Ce beau Rosier où les oiseaux
Viennent chanter sous ma fenêtre,
Perchés sur ses jeunes rameaux.

Joyeux oiseaux, troupe amoureuse,
Ah! par pitié ne chantez pas;
L'amant qui me rendait heureuse,
Est parti pour d'autres climats.

Pour les trésors du nouveau monde
Il fuit l'amour, brave la mort.
Hélas! pourquoi chercher sur l'onde
Le bonheur qu'il trouvait au port.

Vous, passagères hirondelles,
Qui revenez chaque printemps,
Oiseaux voyageurs, mais fidelles,
Ramenez-le moi tous les ans.

De Leyre. 17

X

PAUVRE JACQUES

Pauvre Jacques, quand j'étais près de toi,

Je ne sentais pas ma misère;

Mais à présent que tu vis loin de moi,

Je manque de tout sur la terre.

Quand tu venais partager mes travaux
Je trouvais ma tâche légère,

T'en souviens-t-il? tous les jours étaient beaux
Qui me rendra ce temps prospère.

Quand le soleil brille sur nos guérets,
Je ne puis souffrir sa lumière ;

Et quand je suis à l'ombre des forêts,
J'accuse la nature entière.

Pauvre Jacques, etc.

La marquise de Travanet. 1780

XI

LOUIS XVI AUX FRANÇAIS
O mon peuple, que vous ai-je donc fait?
J'aimais la vertu, la justice.
Votre bonheur fut mon unique objet,
Et vous me traînez au supplice.

Français, Français, n'est-ce pas parmi vous
Que Louis reçut la naissance?

Le même ciel nous a vus naître tous:
J'étais enfant dans votre enfance.

O mon peuple! ai-je donc mérité

Tant de tourments et tant de peines ? Quand je vous ai donné la liberté,

Pourquoi me chargez-vous de chaines?

Tout jeune encor, tous les Français en moi
Voyaient leur appui tutélaire :

Je n'étais pas encore votre roi,

Et déjà j'étais votre père.

U

Quand je montai sur ce trône éclatant
Que me destina ma naissance,
Mon premier pas dans ce poste brillant
Fut un édit de bienfaisance.

Le bon Henri, longtemps cher à vos cœurs,
Eut cependant quelques faiblesses :
Mais Louis XVI, ami des bonnes mœurs,
N'eut ni favoris, ni maîtresses.

Nommez-les donc, nommez-moi les sujets
Dont ma main signa la sentence !
Un seul jour vit périr plus de Français
Que les vingt ans de ma puissance.

Si ma mort peut faire votre bonheur,
Prenez mes jours je vous les donne.
Votre bon roi, déplorant votre erreur,
Meurt innocent et vous pardonne.

O mon peuple! recevez mes adieux.

Soyez heureux, je meurs sans peine, Puisse mon sang, en coulant sous vos yeux, Dans vos cœurs éteindre la haine.

Id. 1793

XII

LA VEILLÉE

Heureux qui dans sa maisonnette,
Dont la neige a blanchi le toit,
Nargue le chagrin et le froid
Au refrain d'une chansonnette.

Que les soirs d'hiver sont charmants
Lorsqu'une famille assemblée
Sait, par divers amusements,
Égayer, égayer la veillée.

Assis près de sa bien aimée,
Voyez le paisible Lapon;
Lorsque la neige à gros flocon
Tombe sur sa hutte enfumée,
Autour du feu dans son réduit
La famille entière assemblée
Semble trouver six mois de nuit

Trop courts, trop courts pour la veillée.

J'aime surtout une soirée

Où l'on parle de revenants,

Alors qu'on entend tous les vents

Souffler autour de la contrée.

À ces récits intéressants

Toute la troupe emerveillée,

Tremble, écoute et voudrait long-temps

Prolonger, prolonger la veillée.

C'est au hameau, dans une étable,

Qu'on se rassemble chaque soir,

Les vieilles ont le dévidoir,

Les vieux ont le broc sur la table;
Les jeunes garçons amoureux
Des fillettes de l'assemblée,

Abrègent par des chants, des jeux,

De l'hiver, de l'hiver la veillée.

Villemontez. 1800

XIII

LES BOSSUS

Depuis longtemps je me suis aperçu
De l'agrément qu'on a d'être bossu.
Polichinelle en tous lieux si connu,
Toujours chéri, partout si bien venu,
Qu'en eût-on dit s'il n'eut été bossu?

Loin qu'une bosse soit un embarras,
De ce paquet on fait un fort grand cas ;
Quand un bossu l'est derrière et devant,
Son estomac est à l'abri du vent,
Et ses épaules sont plus chaudement.

On trouve ici des gens assez mal nés
Pour s'aviser d'aller leur rire au nez:
Ils l'ont toujours aussi long que le bec
De cet oiseau que l'on trouve à Quebec ;
C'est pour cela qu'on leur doit du respect.

Tous les bossus ont ordinairement
Le ton comique et beaucoup d'agrément.
Quand un bossu se montre de côté,
Il règne en lui certaine majesté,
Qu'on ne peut voir sans en être enchanté.

Si j'avais eu les trésors de Crésus,
J'aurais rempli mon palais de bossus.
On aurait vu près de moi, nuit et jour,
Tous les bossus s'empresser tour à tour,
De montrer leur éminence à ma cour.

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