Page images
PDF
EPUB

XLVI

PRÉDICATEUR COURTISAN

Certain prédicateur prêchait devant le roi : "Sire, dit-il, une commune loi

Nous condamne à mourir tous, tous..." Mais il remarque

Un mouvement d'effroi dans les yeux du monarque, Et reprend aussitôt, d'un ton de voix plus doux : Sire, je vous le dis, nous mourrons presque

66

tous ! "

XLVII

Madame E. P.

CONTRE UN ANCIEN SÉNATEUR

Quand vous voulez singer les héros de l'histoire,
Ayez au moins bonne mémoire ;
N'imitez pas ce sénateur

Qui, fier de conserver ses emplois, sa richesse,
Et de François premier imitant la grandeur,
Mandait à sa moitié: "Dieu soit loué, comtesse,
Nous ne perdons rien, fors l'honneur ! "

[blocks in formation]

XLVIII

LE ROI D'YVETOT

Il était un roi d'Yvetot

Peu connu dans l'histoire,
Se levant tard, se couchant tôt,
Dormant fort bien sans gloire,
Et couronné par Jeanneton
D'un simple bonnet de coton,
Dit-on.

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!
Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

Il faisait ses quatre repas

Dans son palais de chaume,

Et sur un âne, pas à pas,
Parcourait son royaume.
Joyeux, simple et croyant le bien,
Pour toute garde il n'avait rien

Qu'un chien.

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah! Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

Il n'avait de goût onéreux

Qu'une soif un peu vive;

Mais, en rendant son peuple heureux,

Il faut bien qu'un roi vive.

Lui-même, à table et sans suppôt,
Sur chaque muid levait un pot
D'impôt.

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!
Quel bon petit roi c'était là !
La, la.

Il n'agrandit point ses États,
Fut un voisin commode,
Et, modèle des potentats,
Prit le plaisir pour code.
Ce n'est que lorsqu'il expira
Que le peuple, qui l'enterra,
Pleura.

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!
Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

On conserve encor le portrait
De ce digne et bon prince;
C'est l'enseigne d'un cabaret
Fameux dans la province.
Les jours de fête, bien souvent,
La foule s'écrie en buvant

Devant :

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!

Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

Béranger. 18

XLIX

SUR UN COURTISAN

-De toutes les couleurs prompt à se revêtir, D'un vrai caméléon il a le caractère....

-De toutes les couleurs?... Ah! comme on ex

agère !

Je ne l'ai jamais vu rougir.

Fabien Pillet. 18

L

CONTRE UN CRITIQUE

Il m'appelle petit auteur !
Eh bien, c'est un petit malheur.
En attendant que l'on me dise
De quelle taille est mon censeur,
Je le mesure à sa sottise,

Et suis frappé de sa grandeur !

Id.

LI

CONTRE UN ENVIEUX

Voyez de Méricourt l'air sombre; voyez, dis-je,
Comme il paraît triste aujourd'hui ;

De son propre malheur vous croyez qu'il s'afflige?
Eh non! C'est du bonheur d'autrui.

Ponsardin-Simon. 18

LII

ÉPITAPHE D'UN AMI

-Ci-gît qui fut toujours sensible, doux, fidèle, Et, jusques au tombeau, des amis le modèle. Il ne me quitta pas quand je perdis mon bien. -C'était un homme unique !-Hélas! c'était mon

chien.

Edmond Dallier.

18

LIII

UN BON CONSERVATEUR

Je ne suis pas de ceux qui ne respirent
Qu'orage, trouble et révolution.

De lutte en lutte ainsi nos maux empirent.
J'aime la paix, je haïs l'ambition.

Pourquoi ce bruit qui toujours me réveille?
Mon lit est fait ! Dans un songe flatteur
J'y dors si bien sur l'une et l'autre oreille.
Conservez-moi! je suis conservateur.

Mon lit est fait! et ce n'est pas sans peine !
Comme l'oiseau, j'ai tressé brin à brin
Plume, duvet, fil de soie et de laine ;
Et le voilà! je m'y repose enfin.

Vents, bercez-moi d'une aile fraîche et pure
Avec l'ombrage, avec le flot chanteur !
Terre, et vous, cieux, et toute la nature,
Conservez-moi! je suis conservateur.

S

« PreviousContinue »