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Napoléon se promenait alors sur le pont du Northumberland, quelquefois seul, quelquefois accompagné de Bertrand, Montholon, Gourgaud, Las Cases, tantôt se taisant, tantôt épanchant les sentiments qui remplissaient son âme. S'il était peu disposé à parler, il allait, après s'être promené quelque temps, s'asseoir à l'avant du bâtiment, sur un canon que tout l'équipage appela bientôt le canon de l'Empereur. Là il con

sidérait la mer azurée des tropiques, et se regardait marcher vers la tombe où devait s'ensevelir sa merveilleuse destinée, comme un astre qu'il aurait vu coucher. Il n'avait aucun doute, en effet, sur l'avenir qui lui était réservé, et se disait que là-bas, vers ce sud où tendait son vaisseau, il trouverait non pas une relâche passagère, mais la mort après une agonie plus ou moins prolongée.

FRANÇOIS AUGUSTE MIGNET.

François Auguste Mignet est né en 1796 à Aix, en Provence. Après avoir fait son droit à la Faculté d'Aix, où il se lia d'une étroite amitié avec Thiers, il alla se fixer à Paris. Il se fit connaître par un cours d'histoire professé à l'Athénée, par des articles de journaux, et par une Histoire de la révolution française, écrite à vingt-huit ans. Ce livre se distingue par une fermeté de jugement, un esprit de généralisation, une vue de l'ensemble, des formes nettes et arrêtées, qui ne sont pas toujours le partage de l'âge mûr. Malgré ses qualités, ce beau livre est plutôt une formule qu'une histoire. Mignet appartient à l'école philosophique. Les physionomies qu'il nous présente ont

PRISE DE LA BASTILLE.

Pendant cette matinée même on donna l'alarme, en annonçant que les régiments postés à Saint-Denis étaient en marche, et que les canons de la Bastille étaient braqués sur la rue Saint-Antoine. Le comité envoya de suite à la découverte, plaça des citoyens pour défendre ce côté de la ville, et on députa au gouverneur de la Bastille pour l'engager à retirer ses canons et à ne commettre aucune hostilité. Cette alerte, la crainte qu'inspirait la forteresse, la haine des abus qu'elle protégeait, la nécessité d'occuper un point si important, et de ne plus le laisser à ses ennemis dans un moment d'insurrection, dirigèrent l'attention de la multitude de ce côté. Depuis neuf heures du matin jusqu'à deux heures, il n'y eut qu'un mot d'ordre d'un bout de Paris à l'autre: A la Bastille! à la Bastille! Les citoyens s'y rendaient de tous les quartiers par pelotons, armés de fusils, de piques, de sabres. La foule qui l'environnait était déjà sonsidérable; les sentinelles de la place étaient postées, et les

toutes quelque chose de raide et d'immobile. Il n'en pouvait être autrement; ce ne sont pas des hommes, mais des idées. Depuis, Mignet a publié des Notices historiques et des Mémoires sur des questions d'histoire, une Histoire d'Antonio Pérès, une Histoire dés négociations relatives à la succession d'Espagne, une Histoire de Marie Stuart etc. Tous ces ouvrages sont remarquables par l'exactitude et la profondeur du savoir, par une rare pénétration, par un style ferme et pur, quoique parfois compassé et symétrique, par une élégance virile. Mignet est un écrivain consommé, mais il manque d'originalité.

ponts levés comme dans un moment de guerre.

Un député du district de Saint-Louis de la Culture, nommé Thuriot de la Rosière, demanda alors à parler au gouverneur, M. Delaunay. Admis en sa présence, il le somma de changer la direction des canons. Le gouverneur répondit que les pièces avaient été de tout temps sur les tours; qu'il n'était pas en son pouvoir de les faire descendre; que, du reste, instruit des inquiétudes des Parisiens, il les avait fait retirer de quelques pas et sortir des embrasures. Thuriot obtint avec peine de pénétrer plus avant et d'examiner si l'état de la forteresse était aussi rassurant pour la ville que le disait le gouverneur. Il trouva, en avançant, trois canons dirigés sur les avenues de la place, et prêts à balayer ceux qui entreprendraient de la forcer. Environ quarante Suisses et quatre-vingts invalides étaient sous les armes. Thuriot les pressa, ainsi que l'état-major de la place, au nom de l'honneur et de la patrie, de ne pas se montrer ennemis

du peuple. Les officiers et les soldats jurèrent tous de ne pas faire usage de leurs armes s'ils n'étaient point attaqués. Thuriot monta ensuite sur les tours; et de là il aperçut une multitude immense qui accourait de toutes parts, et le faubourg Saint-Antoine qui s'avançait en masse. Déjà au-dehors on était inquiet de ne pas le voir revenir; et on le demandait à grands cris. Pour rassurer le peuple, il se montra sur le rebord de la forteresse, et fut salué par des applaudissements qui partirent du jardin de l'Arsenal. Il descendit, rejoignit les siens, leur fit part du résultat de sa mission, et se rendit ensuite au comité.

Mais la multitude impatiente demandait la reddition de la forteresse. De temps en temps on entendait s'élever du milieu d'elle ces paroles: Nous voulons la Bastille! nous voulons la Bastille! Plus résolus que les autres, deux hommes sortirent tout à coup de la foule, s'élancèrent sur un corps de garde, et frappèrent à coups de hache les chaines du grand pont. Les soldats leur crièrent de se retirer, en les menaçant de faire feu. Mais ils continuèrent à frapper, et eurent bientôt brisé les chaînes, abaissé le pont, sur lequel ils se précipitèrent avec la foule. Ils avancèrent vers le second pont pour l'abattre de même. La garnison fit alors sur eux une décharge de mousqueterie qui les dispersa. Ils n'en revinrent pas moins à l'attaque, et pendant plusieurs heures tous leurs efforts se dirigèrent contre le second pont, dont l'approche était défendue par le feu continuel de la place. Le peuple, furieux de cette résistance opiniâtre, essaya de briser les portes à coups de hache et de mettre le feu au corps de garde. Mais la garnison fit une décharge à mitraille, qui fut meurtrière pour les assiégeants, et qui leur tua ou blessa beaucoup de monde. Ils n'en devinrent que plus ardents; et secondés par l'audace et par la constance des braves Élie et Hulin, qui étaient à leur tête, ils continuèrent le siège avec acharnement.

Le comité de l'Hôtel-de-ville était dans la plus grande anxiété. Le siège

de la Bastille lui paraissait une entreprise téméraire. Il recevait coup sur coup la nouvelle des désastres survenus au pied de la forteresse. Il était entre le danger des troupes si elles étaient victorieuses, et celui de la multitude qui lui demandait des munitions pour continuer le siège. Comme il ne pouvait pas en donner parce qu'il en manquait, on criait à la trahison. Il avait envoyé deux députations pour suspendre les hostilités et inviter le gouverneur à confier la garde de la place à des citoyens; mais au milieu du tumulte, des cris, de la décharge de la mousqueterie, elles n'avaient pas pu se faire entendre. Il en envoya une troisième avec un tambour et un drapeau pour être plus facilement réconnue, mais elle ne fut pas plus heureuse. Des deux côtés on ne voulut rien entendre. Malgré ses tentatives et son activité, l'assemblée de l'Hôtel-de-ville était exposée aux soupçons des siens. Le prévôt des marchands excitait surtout la plus grande défiance. Il nous a, disait l'un, déjà donné plusieurs fois le change dans cette journée. Il parle, disait un autre, d'ouvrir une tranchée, et il ne cherche qu'à gagner du temps pour nous faire perdre le nôtre. Camarades, s'écria alors un vieillard, que faisons-nous avec ces traîtres? marchez, suivez-moi; sous deux heures la bastille sera prise.

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Il y avait plus de quatre heures qu'elle était assiégée, lorsque les gardesfrançaises survinrent avec du canon. Leur arrivée fit changer le combat de face. La garnison elle-même pressa le gouverneur de se rendre. Le malheureux Delaunay, craignant le sort qui l'attendait, voulut faire sauter la forteresse, et s'ensevelir sous ses débris et sous ceux du faubourg. Il s'avança en désespéré, avec une mêche allumée à la main, vers les poudres. La garnison l'arrêta elle-même, arbora le pavillon blanc sur la plate-forme, et renversa ses fusils, canons en bas, en signe de paix. Mais les assaillants combattaient et s'avançaient toujours en criant, Abaissez les ponts! A travers les créneaux un officier suisse demanda à capituler

et à sortir avec les honneurs de la guerre. Non, non! s'écria la foule. Le même officier proposa de mettre bas les armes, si on leur promettait la vie sauve. Abaissez le pont, lui répondirent les plus avancés des assaillants, il ne vous arrivera rien. Sur cette assurance ils ouvrirent la porte, abaissèrent le pont, et les assiégeants se précipitèrent dans la Bastille. Ceux qui étaient à la tête de la multitude voulurent sauver de sa vengeance le gouverneur, les Suisses et les invalides: mais elle criait: Livrez-nous-les, livreznous-les, ils ont fait feu sur leurs concitoyens, ils méritent d'être pendus. Le gouverneur, quelques Suisses et quelques invalides furent arrachés à la protection de leurs défenseurs, et mis à mort par la foule implacable.

SIEYES ET MIRABEAU.

Sans l'abbé Sieyes, l'assemblée constituante eût peut-être mis moins d'ensemble dans ses opérations; et sans Mirabeau, moins d'énergie dans sa conduite. Sieyes était un de ces hommes qui font secte dans des siècles d'enthousiasme, et qui exercent l'ascendant d'une puissante raison dans un siècle de lumières. La solitude et les travaux philosophiques l'avaient mûri de bonne heure; il avait des idées neuves, fortes, étendues, mais un peu systématiques. La société avait surtout été l'objet de son examen, il en avait suivi la marche, décomposé les ressorts; la nature du gouvernement lui paraissait moins encore une question de droit qu'une question d'époque. Dans sa vaste intelligence était ordonnée la société de nos jours; avec ses divisions, ses rapports, ses pouvoirs et son mouvement. Quoique froid, Sieyes avait l'ardeur qu'inspire la recherche de la vérité et la passion que donne sa découverte; aussi était-il absolu dans ses idées, dédaigneux pour celles d'autrui, parce qu'il les trouvait incomplètes, et qu'à ses yeux la demi-vérité, c'était l'erreur. La contradiction l'irritait; il était 'peu communicatif; il aurait voulu se faire

connaître en entier, et il ne le pouvait pas avec tout le monde. Ses adeptes transmettaient ses systèmes aux autres, ce qui lui donnait quelque chose de mystérieux, et le rendait l'objet d'une espèce de culte. Il avait l'autorité que procure une science politique complète; et la constitution aurait pu sortir de sa tête, tout armée comme la Minerve de Jupiter ou la législation des anciens, si de notre temps chacun n'avait pas voulu y concourir ou la juger. Cependant, à part quelques modifications, ses plans furent généralement adoptés, et il eut dans les comités beaucoup plus de disciples que de collaborateurs.

Mirabeau obtint à la tribune le même ascendant que Sieyes dans les comités. C'était un homme qui n'attendait qu'une occasion pour être grand. A Rome, dans les beaux temps de la république, il eût été un des Gracques, sur son déclin un Catilina, sous la fronde, un cardinal de Retz; et dans la décrépitude d'une monarchie, où un être tel que lui ne pouvait exercer ses immenses facultés que dans l'agitation, il s'était fait remarquer par la véhémence de ses passions, les coups de l'autorité, une vie passée à commettre des désordres et à en souffrir. A cette prodigieuse activité il fallait de l'emploi, la révolution lui en donna. Habitué à la lutte contre le despotisme, irrité des mépris d'une noblesse qui ne le valait pas, et qui le rejetait de son sein; habile, audacieux, éloquent, Mirabeau sentit que la révolution serait son œuvre et sa vie. Il répondit aux principaux besoins de son époque. Sa pensée, sa voix, son action étaient celles d'un tribun. Dans les circonstances périlleuses, il avait l'entraînement qui maîtrise une assemblée; dans les discussions difficiles, le trait qui les termine; d'un mot il abaissait les ambitions, faisait taire les inimitiés, déconcertait les rivalités. puissant mortel, à l'aise au milieu des agitations, se livrant tantôt à la fougue, tantôt aux familiarités de la force, exerçait dans l'assemblée une sorte de souveraineté. Il obtint bien vite une popularité immense, qu'il conserva jusqu'au bout: et celui qu'évitaient tous

Ce

les regards lors de son entrée aux états, fut à sa mort porté au Panthéon, au milieu du deuil et de l'assemblée et de la France. Sans la révolution, Mirabeau eût manqué sa destinée; car il ne suffit pas d'être grand homme, il faut venir à propos.

DUMOURIEZ ET ROLAND.

Dumouriez était âgé de quarante-sept ans lorsque la révolution commença; il avait jusque-là vécu dans l'intrigue, et il s'en souvint trop à une époque où il ne fallait employer les petits moyens que pour aider les grands, et non pour les suppléer. La première partie de sa vie politique se passa à chercher par qui il pourrait parvenir, et la seconde, par qui il pourrait se conserver. Courtisan avant 1789, constitutionnel sous la première assemblée, girondin sous la seconde, jacobin sous la république, c'était éminemment un personnage de position. Mais il avait toutes les ressources des grands hommes: un caractère entreprenant, une activité infatigable, un coup d'œil prompt, sûr, étendu; une impétuosité d'action et une confiance dans les succès extraordinaires; et, en outre, il était ouvert, facile, spirituel, hardi, propre aux factions et aux armes, plein d'expédients, étonnant par ses à-propos, et, dans une position difficile sachant s'y soumettre pour la changer. Il est vrai que ses grandes qualités se trouvaient affaiblies par quelques défauts. Il était hasardeux, léger, et d'une grande inconstance de pensées et de moyens, à cause de son besoin continuel d'action. Mais le grand défaut de Dumouriez était l'absence de toute conviction politique. En liberté comme en puissance, on ne fait rien, dans un temps de révolution, si l'on n'est pas l'homme d'un parti, et, lorsqu'on est ambitieux: si l'on ne voit pas plus loin que son but, et si l'on ne veut pas être plus fort que les siens. C'est ainsi que fit Cromwell, et qu'a fait Bonaparte; tandis que Dumouriez, après avoir été l'employé des partis, crut pouvoir les vaincre tous avec des intrigues. Il lui

manquait la passion de son temps: c'est ce qui complète un homme, et seul peut le rendre dominateur.

Roland était l'opposé de Dumouriez. C'était un caractère que la liberté trouvait tout fait, comme si elle l'avait formé elle-même. Roland avait des manières simples, des mœurs austères, des opinions éprouvées; il aimait la liberté avec enthousiasme, et il était capable de lui consacrer avec désintéressement sa vie entière, ou de périr pour elle sans ostentation et sans regret. Homme digne d'être né dans une révolution, et peu propre aux troubles et aux luttes des partis, ses talents n'étaient pas supérieurs, son caractère était un peu roide; il ne savait ni connaître ni manier les hommes; et, quoiqu'il fût laborieux, éclairé, actif, il eût été peu marqué sans sa femme. Tout ce qui lui manquait, elle l'avait pour lui; force, habileté, élévation, prévoyance. Madame Roland fut l'âme de la Gironde: c'est autour d'elle que se réunissaient ces hommes brillants et courageux, pour s'entretenir des besoins et des dangers de la patrie; c'est elle qui excitait ceux qu'elle savait propres à l'action, et poussait à la tribune ceux qu'elle savait éloquents.

La cour nomma ce ministère, qui fut composé dans le mois de mars, le ministère sansculotte. La première fois que Roland se présenta au château, avec des cordons aux souliers et en chapeau rond, contre les règles de l'étiquette, le maître des cérémonies refusa de l'admettre. Mais, forcé de le laisser entrer, il s'adressa à Dumouriez en montrant Roland: Eh! monsieur, point de boucles à ses souliers! Ah! monsieur, tout est perdu! répliqua Dumouriez avec le plus grand sang-froid.

DANTON.

Danton était un révolutionnaire gigantesque. Aucun moyen ne lui paraissait condamnable, pourvu qu'il lui fût utile; et, selon lui, on pouvait tout ce qu'on osait. Danton, qu'on a nommé le Mirabeau de la populace, avait de

la ressemblance avec ce tribun des les le Téméraire, auquel il ressemblait hautes classes; des traits heurtés, une de visage; l'ambition industrieuse, le voix forte, un geste impétueux, une goût des beaux-arts, le talent pour les éloquence hardie, un front dominateur. sciences mécaniques de son aïeul l'emLeurs vices aussi étaient les mêmes; pereur Maximilien, lui avaient été mais ceux de Mirabeau étaient d'un transmis avec l'héritage de leur domipatricien, ceux de Danton d'un démo- nation et de leurs desseins. L'homme crate; et, ce qu'il y avait de hardi dans n'avait pas fléchi sous la charge du les conceptions de Mirabeau, se retrou- souverain. Les grandeurs et les félivait dans Danton, mais d'une autre cités que le hasard de nombreuses sucmanière; parce qu'il était, dans la ré- cessions et la prévoyance de plusieurs volution, d'une autre classe et d'une princes avaient accumulées sur lui, il autre époque. Ardent, accablé de dettes les porta à leur comble. Pendant longet de besoins, de mœurs relâchées, s'a- temps ses qualités si différentes et si bandonnant tour à tour à ses passions fortes lui permirent de suffire non sans ou à son parti, il était formidable dans succès à la diversité de ses rôles et à sa politique, lorsqu'il s'agissait d'arri- la multiplicité de ses entreprises. Toutever à son but, et redevenait noncha- fois la tâche était trop immense pour lant après l'avoir atteint. Ce puissant un seul homme. démagogue offrait un mélange de vices et de qualités contraires. Quoiqu'il se fût vendu à la cour, il n'était pourtant pas vil; car il est des caractères qui relèvent jusqu'à la bassesse. Il se montra aussi exterminateur, sans être féroce: inexorable à l'égard des masses, humain, généreux même, pour les individus. Une révolution à ses yeux était un jeu, où le vainqueur, s'il en avait besoin, gagnait la vie au vaincu. Le salut de son parti passait pour lui avant la loi, même avant l'humanité, c'est ce qui explique ses attentats après le 10 août, et son retour à la modération quand il crut la république affermie.

CHARLES-QUINT.

Charles-Quint a été le souverain le plus puissant et le plus grand du seizième siècle. Issu des quatre maisons d'Aragon, de Castille, d'Autriche, de Bourgogne, il en a représenté les qualités variées et, à plusieurs égards, contraires, comme il en a possédé les divers et vastes états. L'esprit toujours politique et souvent astucieux de son grand-père Ferdinand le Catholique; la noble élévation de son aïeule Isabelle de Castille, à laquelle s'était mêlée la mélancolique tristesse de Jeanne la Folle sa mère; la valeur chevaleresque et entreprenante de son bisaïeul Char

Roi d'Aragon, il lui fallait maintenir en Italie l'œuvre de ces prédécesseurs, qui lui avaient laissé la Sardaigne, la Sicile, le royaume de Naples, et y accomplir la sienne en se rendant maître du duché de Milan, afin d'enlever le haut de cette péninsule au rival puissant qui aurait pu le déposséder du bas. Roi de Castille, il avait à poursuivre la conquête et à opérer la colonisation de l'Amérique. Souverain des Pays-Bas, il devait préserver les possessions de la maison de Bourgogne des atteintes de la maison de France. Empereur d'Allemagne, il avait, comme chef politique, à la protéger contre les invasions des Turcs, parvenus alors au plus haut degré de leur force et de leur ambition; comme chef catholique, à y empêcher les progrès et le triomphe des doctrines protestantes. Il l'entreprit successivement. Aidé de grands capitaines et d'hommes d'État habiles, qu'il sut choisir avec art, employer avec discernement, il dirigea d'une manière supérieure et persévérante une politique toujours compliquée, des guerres sans cesse renaissantes. On le vit à plusieurs reprises se transporter dans tous les pays, faire face à tous ses adversaires, conclure lui-même toutes ses affaires, conduire en personne la plupart de ses expéditions. Il n'évita aucune des obligations que lui imposaient sa grandeur et sa croyance. Mais, sans cesse dé

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