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aborder l'infanterie, parviennement à regagner le terrain perdu, et à se loger dans les haies et les jardins de Castel-Ceriolo. Au même instant le général Bonaparte, à la tête de la soixante-douzième, vient soutenir la gauche de Lannes, pendant que Dupont, le chef d'état-major, va rallier en arrière les débris du corps de Victor, poursuivis par les chevaux d'Oreilly, mais protégés par Murat avec la réserve de cavalerie. La présence du Premier Consul, la vue des bonnets à poil de sa garde à cheval, ont ranimé les troupes. Le combat recommence avec une nouvelle fureur. Le brave Watrin, du corps de Lannes, avec la sixième de ligne et la vingt-deuxième, rejette à la baïonnette les soldats de Kaim dans le Fontanone. Lannes, remplissant la quarantième et la vingthuitième du feu de son âme héroïque, les pousse l'une et l'autre sur les Autrichiens. Partout on combat avec acharnement dans cette immense plaine. Gardanne essaie de reconquérir Marengo; Lannes tâche de s'emparer du ruisseau qui a d'abord si utilement couvert nos troupes; les grenadiers de la garde consulaire, toujours en carré, comme une citadelle vivante au milieu de ce champ de bataille, remplissent le vide entre Lannes et les colonnes de Carra-Saint-Cyr, entrées dans les premières maisons de Castel-Ceriolo. Mais le baron de Mélas, avec le courage du désespoir, ramenant ses masses réunies sur Marengo, débouche enfin du village, repousse les soldats exténués de Gardanne, qui s'attachent en vain à tous les obstacles. Oreilly achève d'accabler de mitraille la division Chambarlhac, toujours restée à découvert sous les coups d'une immense artillerie.

Il n'y a plus moyen de tenir; il faut céder le terrain. Le général Bonaparte ordonne de le céder peu à peu, en faisant une ferme contenance. Mais tandis que sa gauche, privée de Marengo et désormais sans appui, recule rapidement jusqu'à San-Giuliano, où elle va chercher un abri, lui continue à tenir la droite de la plaine, et s'y défend lentement, grâce au point de Castel

Ceriolo, grâce à l'énergie de la garde consulaire, grâce à Lannes surtout, qui fait des efforts inouïs. Tant qu'il se maintient à droite, le Premier Consul conserve une ligne de retraite assurée par Salé vers les bords du Pò; et, si même Desaix, dirigé la veille sur Novi, en revient à temps, il peut reconquérir le champ de bataille et ramener la victoire de son côté.

C'est dans ce moment que Lannes et ses quatre demi-brigades font des efforts. dignes des hommages de la postérité. L'ennemi, qui a débouché en masse de Marengo dans la plaine, vomit, par quatre-vingts bouches à feu, une grêle de boulets et de mitraille. Lannes, à la tête de ces quatre demi-brigades, met deux heures à parcourir trois quarts de lieue. Lorsque l'ennemi s'approche, et devient trop pressant, il s'arrête, et le charge à la baïonnette. Quoique son artillerie soit démontée, quelques pièces légères, attelées des meilleurs chevaux, et manœuvrées avec autant d'habileté que d'audace, viennent aider de leur feu les demi-brigades, qui sont serrées de trop près, et osent se mettre en batterie en face de la formidable artillerie autrichienne. La garde consulaire, qu'on n'a pu ébranler à force de charges de cavalerie, est maintenant attaquée à coups de canon. On cherche à la battre en brèche comme une muraille, puis on lance sur elle les chevaux de Frimont. Elle fait des pertes sensibles, et recule, mais sans se rompre. Carra-Saint-Cyr se replie aussi, et abandonne CastelCeriolo, en conservant toutefois un dernier appui dans les vignes en arrière de ce village. Nous restons cependant en possession de la route de CastelCeriolo à Salé. Partout la plaine présente un vaste champ de carnage, où le feu des explosions s'ajoute à celui de l'artillerie, car Lannes fait sauter les caissons qu'il ne peut plus ramener.

La moitié du jour est écoulée. M. de Mélas croit enfin tenir la victoire qu'il a si chèrement achetée. Ce vieillard, qui, par le courage au moins, se montre digne de son adversaire dans cette journée mémorable, rentre dans Alexandrie exténué de fatigue. Il laisse le

commandement à son chef d'état-major, M. de Zach, et expédie à toute l'Europe des courriers pour annoncer sa victoire et la défaite du général Bonaparte à Marengo. Ce chef d'état-major, chargé du commandement, forme alors le gros de l'armée autrichienne en colonne de marche, sur la grande route de Marengo à San-Giuliano. Il place en tête deux régiments d'infanterie, la colonne des grenadiers de Lattermann ensuite, et après les bagages. Il range à gauche le général Oreilly, à droite les généraux Kaim et Haddick, et il s'efforce de gagner, dans cet ordre, cette grande route de Plaisance, objet de tant d'efforts, et salut de l'armée autrichienne. Il est trois heures: si aucune circonstance nouvelle ne survient, la bataille peut être considérée comme perdue pour les Français, sauf à réparer le lendemain, avec les troupes qui se rebattront du Tessin et de l'Adda sur le Pô, le malheur de la journée. Desaix cependant reste encore avec la division Boudet tout entière: arrivera-t-il à temps... Telle est la circonstance de laquelle dépend le sort de bataille. Les aidesde-camp du Premier Consul avaient couru après lui dès le matin. Mais, longtemps avant d'être rejoint par eux, Desaix, au premier coup de canon tiré dans la plaine de Marengo, s'était arrêté sur place. Entendant ce canon lointain, il en avait conclu que l'ennemi, qu'on l'envoyait chercher à Novi sur la route de Gênes, était à Marengo même. Il avait aussitôt dépêché Savary avec quelques centaines de chevaux sur Novi, pour voir ce qui s'y passait, et avec sa division s'était mis à attendre, écoutant toujours le canon des Autrichiens et des Français, qui ne cessait de retentir dans la direction de la Bormida. Savary n'ayant rencontré personne dans les environs de Novi, Desaix s'était confirmé dans son heureuse conjecture, et, sans plus différer, avait marché sur Marengo, se faisant précéder par plusieurs aides-de-champ pour annoncer son arrivée au Premier Consul. Il avait cheminé toute la journée, et, à trois heures, en effet, ses tétes de colonne commençaient à se

montrer à l'entrée de la plaine, aux environs de San-Giuliano. Lui-même, les devançant au galop, accourait auprès de la personne du Premier Consul. Heureuse inspiration d'un lieutenant, aussi intelligent que dévoué! Heureuse fortune de la jeunesse! Si, quinze ans plus tard, le Premier Consul, aujourd'hui si bien secondé par ses généraux, avait trouvé un Desaix sur le champ de bataille de Waterloo, il eût conservé l'empire, et la France sa position dominatrice parmi les puissances de l'Europe!

La présence de Desaix va changer la face des choses. On l'entoure, on lui raconte la journée. Les généraux se forment en cercle autour de lui et du Premier Consul, et discutent vivement sur cette grave situation. La plupart sont d'avis de la retraite. Le Premier Consul n'est pas de cette opinion et il presse vivement Desaix de dire la sienne. Desaix, promenant ses regards sur ce champ de bataille dévasté, puis tirant sa montre et regardant l'heure, répond au général Bonaparte ces simples et nobles paroles: Oui, la bataille est perdue; mais il n'est que trois heures, il reste encore le temps d'en gagner une. Le général Bonaparte, charmé de l'avis de Desaix, se dispose à profiter des ressources que ce général lui amène, et des avantages que lui assure la situation prise dès le matin. Il est, en effet, dans la plaine à droite, tandis que l'ennemi est à gauche, en colonne de marche, sur la grande route, s'avançant sur San-Giuliano. Desaix arrivant par San-Giuliano avec six mille hommes de troupes fraîches, et donnant de front sur les Autrichiens, peut les arrêter court, pendant que le gros de l'armée ralliée se jettera dans leur flanc. Les dispositions sont faites en conséquence, et sur-le-champ.

Les trois demi-brigades de Desaix sont formées en avant de San-Giuliano, un peu à droite de la grande route; la trentième déployée en ligne, la neuvième et la cinquante-neuvième en colonnes serrées sur les ailes de la première. Une légère ondulation du terrain les cache à l'ennemi. A leur

gauche se trouvent les débris ralliés et un peu remis de Chambarlhac et Gardanne, sous le général Victor; à leur droite dans la plaine, Lannes dont le mouvement de retraite s'est arrêté; puis la garde consulaire, puis Carra-SaintCyr, qui s'est maintenu le plus près possible de Castel-Ceriolo. L'armée forme ainsi une longue ligne oblique de San-Giuliano à Castel-Ceriolo. Entre Desaix et Lannes, et un peu en arrière, on a placé la cavalerie de Kellermann dans un intervalle. Une batterie de douze pièces, seul reste de toute l'artillerie de l'armée, est répandue sur le front du corps de Desaix.

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Ces dispositions faites, le Premier Consul parcourt à cheval les rangs de ses soldats, et parle aux divers corps. Mes amis, leur dit-il, c'est assez reculer; souvenez-vous que j'ai l'habitude de coucher sur le champ de bataille. Après avoir ranimé ses troupes, qui, rassurées par l'arrivée des réservés, brûlent de vaincre, il donne le signal. La charge est battue sur toute la ligne. Les Autrichiens, en ordre de marche plutôt qu'en ordre de bataille, cheminaient sur la grande route. La colonne dirigée par M. de Zach s'avançait la première. Un peu en arrière, venait le centre à demi déployé dans la plaine, et faisant face à Lannes.

Le général Marmont démasque à l'improviste douze pièces de canon. Une épaisse mitraille tombe sur la tête de la colonne autrichienne surprise, et ne s'attendant pas à une nouvelle résistance, car on croyait les Français décidément en retraite. Elle avait peine à se remettre de cette subite émotion, quand Desaix ébranle la neuvième légère. Allez avertir le Premier Consul, dit-il à son aide-de-camp Savary, que je charge, et que j'ai besoin d'être appuyé par la cavalerie. Desaix, à cheval, marche lui-même en tête de cette demi-brigade. Il franchit avec elle le léger pli de terrain qui la dérobait à la vue des Autrichiens, et se révèle brusquement à eux par une décharge de mousqueterie exécutée à bout portant. Les Autrichiens répondent, et Desaix tombe aussitôt percé d'une balle dans la poitrine.

Cachez ma mort, dit-il au général Boudet, qui était son chef de division, car cela pourrait ébranler les troupes.

Inutile précaution de ce héros! On l'a vu tomber, et ses soldats, comme ceux de Turenne, demandent à grands cris à venger leur chef. La neuvième légère qui, ce jour-là, mérita le titre d'incomparable, qu'elle a porté jusqu'à la fin de nos guerres, la neuvième légère, après avoir vomi ses feux, se range en colonne, et tombe sur la masse profonde des Autrichiens. A sa vue les deux premiers régiments qui ouvraient la marche, surpris, se rejettent en désordre sur la seconde ligne, et disparaissent dans ses rangs. La colonne des grenadiers de Lattermann se trouve alors seule en tête, et reçoit ce choc en troupe d'élite. Elle tient ferme. La lutte s'étend sur les deux côtés de la grande route. La neuvième légère est appuyée à droite, par les troupes de Victor ralliés, à gauche, par les trentième et cinquanteneuvième demi-brigades de la division Boudet, qui ont suivi le mouvement. Les grenadiers de Lattermann se défendent avec peine, quand tout à coup un orage imprévu vient fondre sur leur tête. Le général Kellermann, qui, à la demande de Desaix, avait reçu l'ordre de charger, part au galop, et passant entre Lannes et Desaix, place une partie de ses escadrons en potence pour faire face à la cavalerie autrichienne qu'il voyait devant lui, puis, avec le reste, se jette dans le flanc de la colonne des grenadiers, assaillis déjà de front par l'infanterie de Boudet. Cette charge, exécutée avec une vigueur extraordinaire, coupe la colonne en deux. Les dragons de Kellermann sabrent à droite et à gauche, jusqu'à ce que, pressés de tous côtés, les malheureux grenadiers déposent les armes. mille d'entre eux se rendent prisonniers. A leur tête, le général Zach lui-même est obligé de remettre son épée. Les Autrichiens sont ainsi privés de direction pour la fin de la bataille; car M. de Mélas, comme on l'a vu, croyant la victoire assurée, était rentré dans Alexandrie. Kellermann ne s'en tient pas là; il s'élance sur les dragons de Lich

Deux

tenstein et les met en fuite. Ceux-ci se replient sur le centre des Autrichiens, qui se déployait dans la plaine, en face de Lannes, et y causent quelque désordre. Lannes avance alors, pousse avec vigueur ce centre ébranlé des Autrichiens, tandis que les grenadiers de la garde consulaire et Carra-Saint-Cyr se portent de nouveau sur Castel-Ceriolo, dont ils n'étaient pas fort éloignés. Sur toute la ligne de San-Giuliano à Castel-Ceriolo, les Français ont repris l'offensive; ils marchent en avant, ivres de joie et d'enthousiasme, en voyant la victoire revenir à eux. La surprise, le découragement ont passé du côté des Autrichiens.

Admirable puissance de la volonté qui s'obstine, et parvient en s'obstinant à ramener la fortune! De San-Giuliano à Castel-Ceriolo, cette ligne oblique des Français avance au pas de charge, refoulant les Autrichiens, tous étonnés d'avoir une nouvelle bataille à livrer. Carra-Saint-Cyr a bientôt reconquis le village de Castel-Ceriolo, et le général Ott, qui s'était d'abord avancé au delà de ce village, craignant d'être débordé, songe à rétrograder avant d'avoir perdu ses communications. Un mouvement de panique se communique à sa cavalerie; elle s'enfuit au galop, en criant: aux ponts. Alors c'est à qui arrivera le premier à ces ponts de la Bormida. Le général Ott repassant par CastelCeriolo, avec les troupes de Vogelsang, est obligé de se faire jour à travers les Français. Il y réussit, et regagne en hâte les bords de la Bormida, où tout se précipite avec furie.

Les généraux Kaim, Haddik veulent en vain tenir au centre; Lannes ne leur en laisse pas le moyen, les jette dans Marengo, et va les pousser dans le Fontanone, et du Fontanone dans la Bormida. Mais les grenadiers de Weidenfeld tiennent tête un instant, pour donner à Oreilly, qui s'était avancé jusqu'à Cassina - Grossa, le temps de rebrousser chemin. De son côté, la cavalerie autrichienne essaie quelques charges, pour arrêter la marche des Français. Mais elle est ramenée par les grenadiers à cheval de la garde

en

consulaire, que conduisent Bessières et le jeune Beauharnais. Lannes et Victor, avec leurs corps réunis, se jettent enfin sur Marengo, et culbutent Oreilly, ainsi que les grenadiers de Weidenfeld. La confusion, sur les ponts de la Bormida, s'accroît à chaque instant. Fantassins, cavaliers, artilleurs s'y pressent désordre. Les ponts ne pouvant pas contenir tout le monde, on se jette dans la Bormida pour passer à gué. Un conducteur d'artillerie essaie de la traverser avec la pièce de canon qu'il conduisait; il y réussit. L'artillerie tout entière veut alors suivre son exemple, mais une partie des voitures reste engagée dans le lit de la rivière. Les Français, ardents à la poursuite, prennent hommes, chevaux, canons, bagages. L'infortuné baron de Mélas, qui, deux heures auparavant, avait laissé son armée victorieuse, était accouru au bruit de ce désastre, et n'en pouvait croire ses yeux. Il était au désespoir.

Telle fut cette sanglante bataille de Marengo, qui exerça une immense influence sur les destinées de la France et du monde; elle donna en effet dans le moment la paix à la République, et, un peu plus tard, l'Empire au Premier Consul. Elle fut cruellement disputée, et elle en valait la peine; car jamais résultat ne fut plus grave pour l'un et pour l'autre des deux adversaires. M. de Mélas se battait afin d'éviter une affreuse capitulation; le général Bonaparte jouait en ce jour toute sa fortune. Les pertes, vu le nombre des combattants, furent immenses, et hors de toutes les proportions habituelles. Autrichiens perdirent environ huit mille hommes en morts ou blessés, et plus de quatre mille prisonniers. Leur état-major fut cruellement décimé; le général Haddik fut tué; les généraux Vogelsang, Lattermann, Bellegarde, Lamarsaille, Gottesheim furent blessés; et, avec eux, un grand nombre d'officiers. dirent donc, en hommes hors de combat ou pris, le tiers de leur armée, si elle était de 36 à 40 mille hommes, comme on l'a dit généralement. Quant aux Français, ils eurent six mille tués ou blessées; on leur enleva un millier

Les

Ils per

de prisonniers, ce qui présente encore | fils de Mahomet avaient ressenti un une perte du quart, sur 28 mille sol- peu de cette exaltation qui les poussa dats présents à la bataille. Leur état- autrefois contre les croisés. On entenmajor était aussi maltraité que l'état- dit retentir, comme au douzième siècle, major autrichien. Les généraux Mai- les cris de la guerre sainte; et il y eut nony, Rivaud, Malher, Champeaux, des dévots musulmans qui firent vœu étaient blessés, le dernier mortellement. d'accomplir le combat sacré, lequel conLa plus grande perte était celle de De- siste à tuer un infidèle. En Égypte, saix. La France n'en avait pas fait où l'on voyait les Français de près, une plus regrettable, depuis dix ans de où l'on appréciait leur humanité, où guerre. Aux yeux du Premier Consul, l'on pouvait les comparer aux soldats cette perte fut assez grande pour dimi- de la Porte, surtout aux Mamelucks; nuer chez lui la joie de la victoire. en Égypte enfin, où l'on était témoin Son secrétaire, M. de Bourienne, ac- de leur respect pour le prophète (respect courant pour le féliciter de ce miracu- ordonné par le général Bonaparte), l'aleux triomphe, lui dit: Quelle belle version pour eux était moindre; et, journée! Oui, bien belle, répondit quand ils quittèrent plus tard le pays, le Premier Consul, si ce soir j'avais pu le fanatisme était déjà sensiblement embrasser Desaix sur le champ de ba- refroidi. On venait même d'apercevoir taille. J'allais le faire, ajouta-t-il, mi- en certains endroits, pendant la dernière nistre de la guerre; je l'aurais fait insurrection, de vrais signes d'attacheprince, si j'avais pu. Le vainqueur ment pour nos soldats, au point que de Marengo ne se doutait pas encore, les agents anglais en avaient été surqu'il pourrait bientôt donner des cou- pris. Mais dans le reste de l'Orient ronnes à ceux qui le servaient. L'in- on n'était frappé que d'une chose, c'éfortuné Desaix était gisant auprès de tait l'invasion par les infidèles d'une San-Giuliano, au milieu de ce vaste vaste contrée musulmane. champ de carnage. Son aide-de-camp Savary, qui lui était depuis longtemps attaché, le cherchant au milieu des morts, le reconnut à son abondante chevelure, le recueillit avec un soin pieux, l'enveloppa dans le manteau d'un hussard, et, le plaçant sur son cheval, le transporta au quartier-général de Torre-di-Garofolo.

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Bien que la plaine de Marengo fût inondée de sang français, la joie régnait dans l'armée. Soldats et généraux sentaient le mérite de leur conduite, et appréciaient l'immense importance d'une victoire remportée sur les derrières de l'ennemi. Les Autrichiens, au contraire, étaient consternés; ils se savaient enveloppés et réduits à subir la loi du vainqueur.

KLÉBER ET DESAIX.

Ce n'est jamais sans danger qu'on ébranle profondément les grands sentiments de la nature humaine. L'Islamisme tout entier s'était ému de la présence des Français en Égypte. Les

Un jeune homme, natif d'Alep, nommé Suleiman, qui était en proie à une grande exaltation d'esprit, qui avait fait des voyages à La Mecque et à Médine, qui avait étudié à la mosquée El-Azhar, la plus célèbre et la plus riche du Kaire, celle où l'on enseigne le Koran et la loi turque, qui voulait enfin entrer dans le corps des docteurs de la foi, se trouvait errant dans la Palestine, quand les débris de l'armée du visir la traversèrent. Il fut témoin des souffrances, du désespoir de ses coreligionnaires; son imagination malade en fut vivement émue. L'aga des janissaires, qui avait eu occasion de le voir, excita encore son fanatisme par ses propres suggestions. Ce jeune

homme offrit d'assassiner le sultan des Français, ce général Kléber. On lui donna un dromadaire, et une somme d'argent pour faire le voyage. Il se rendit à Gazah, traversa le désert, vint au Kaire, s'enferma plusieurs semaines dans la grande mosquée, où étaient reçus les étudiants, les pauvres voyageurs, aux frais de ce pieux établisse

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