Page images
PDF
EPUB

politique: qu'il aimait mieux sacrifier mille écus que la vie d'un archer. On voit que des deux côtés la France n'avait rien à craindre qu'une plaie d'argent: Aussi, quand, le 6 juin 1475, le roi d'Angleterre, qui avait toujours été l'allié et quelquefois même le protégé du duc de Bourgogne, débarqua à Calais à la tête d'une armée imposante, Louis n'eut pas d'autre mesure à prendre qu'à ordonner un nouvel impôt. C'était plutôt pour satisfaire le veu national que par un désir personnel qu'Édouard arriva en ennemi sur la terre de France. Il eut soin de choisir pour ses principaux officiers des hommes replets et chargés de ventre, dit Mézeray. Les premières fatigues de la campagne les rebutèrent bientôt, et ils ne tardèrent pas à demander l'Angleterre, comme quelques mois auparavant ils avaient demandé la France. Louis ne sut pas profiter de cet esprit d'indolence qui travaillait l'armée anglaise. La guerre avec Édouard était, comme nous l'a

battre. Or, il advint un jour que trois compagnons entrèrent chez un tavernier de la ville. Ces gens devaient déjà beaucoup au tavernier: ils se présentèrent cependant et demandèrent à dîner, disant qu'ils partaient pour combattre l'ours, et qu'ils paieraient de reste ce qu'ils devaient avec la peau, qui était d'un grand prix. Le dîner fut servi; et les compagnons partirent. Près de la ville, ils rencontrèrent l'ours. Dès qu'ils le virent venir le courage leur faillit. Deux montèrent sur un arbre, un troisième se coucha par terre et fit le mort. Ces animaux ne touchent pas les cadavres, dit-on. L'ours s'approcha et flaira longtemps la tête de cet homme qui tremblait. Quand il fut parti, ses compagnons vinrent le relever:,,Que t'a dit, lui demandèrent-ils, cet animal qui t'a parlé si longtemps à l'oreille. Il m'a dit, répondit le compagnon, qu'il était prudent de ne vendre la peau de l'ours que quand l'ours était mort." „Dites, ajouta l'empereur, cette histoire au roi de France." C'est ainsi que fu-vons dit, une préoccupation qu'il vourent déjouées les machinations de Louis relativement aux possessions allemandes du duc de Bourgogne.

Cependant, voici qu'une fois encore, Louis supplée par ses ruses, par ses concessions serviles et misérables, par des promesses qu'il devait violer, à une bravoure qui n'avait jamais été que fortuite chez lui. Malgré les victoires de Charles VII, malgré le souvenir héroïque de Jeanne d'Arc, qui avait fait croire que le ciel était intervenu du côté de la France, on ne se rappelait que trop les journées de Crécy et de Poitiers, et il y avait quelque chose de terrible dans ces mots: L'Anglais est débarqué en France." Cette fois-ci le danger fut plus imaginaire que réel. Édouard était un prince abruti par la débauche. Il ne pouvait se passer longtemps des orgies de Londres, où il régnait en tyran depuis qu'il s'était débarrassé du duc de Clarence son frère, noyé dans une tonne de Malvoisie. D'une autre part, Louis voulait à toute force éviter la guerre avec l'Anglais. Il avait coutume de dire, non par humanité, mais par principe d'économie

lait éviter. D'un côté, les inquiétudes que lui donnaient les frequentes insubordinations de son connétable, le comte de Saint-Pol, et de l'autre le duc de Bourgogne, ceignant toutes les frontières de la France avec son armée imposante, tout le détermina à tenter une négociation. Le traité fut facilement accepté par les Anglais: Louis paya d'abord 75 mille écus d'or; ensuite, il promit à Édouard que le dauphin épouserait sa fille. Les deux rois eurent une entrevue sur le pont de Péquigny; le traité y fut ratifié, et quand l'armée anglaise eut bu trois cents chariots de vin, que le roi Louis lui avait envoyés, elle repassa la mer très contente du vin qu'on buvait en France et de l'or qu'on y donnait.

Cependant, deux ans après, pendant que Louis continuait ses intrigues et ses cruautés domestiques, pendant qu'un échafaud dressé en Grève le vengeait du connétable de Saint-Pol, son ennemi implacable, le duc de Bourgogne, de conquête en conquête, marchait à sa ruine. Après une longue guerre, il avait soumis la Lorraine; le roi René lui

promettait l'héritage de la Provence; | mariage de Marie avec Maximilien, fils

il entrevoyait déjà dans l'avenir que lorsqu'un seigneur aussi puissant débarquerait en Italie, l'Italie se rendrait à la terreur de ses armes toujours victorieuses. En passant par la Suisse, il attaqua, sous le prétexte le plus futile, quelques-uns de ces paysans si dévoués au gouvernement aristocratique de Berne. La Suisse renfermait dans ses montagnes protectrices un peuple fier de son indépendance et de ses vertus. Le duc éprouva sa première défaite à Granson. Deux mois après, Morat fut le tombeau de dix-huit mille de ses soldats, et enfin, le 5 janvier 1477, veille de la fête des Rois, le dernier duc de Bourgogne, déjà deux fois vaincu, tomba frappé à mort sous les murs de Nancy. Son corps fut retrouvé percé de trois coups. Le duc de Lorraine alla avec une barbe d'or, et suivant la mode des preux, le faire inhumer pompeusement à Nancy: mais le peuple croyait qu'un homme comme Charles le Téméraire ne pouvait mourir. On disait qu'une fois vaincu, il s'était retiré dans les montagnes, où il vivait en hermite. Cette fable s'accrédita tellement que plusieurs prêtèrent de l'argent à rendre quand il reviendrait.

La seule héritière du duc de Bourgogne était Marie, qui avait dû épouser Monsieur, frère du roi. Il ne fut pas difficile à Louis de la déposséder d'une partie de ses états et de réunir à la France toute la province de Bourgogne. Les gouverneurs des villes, les serviteurs les plus dévoués du duc, en tête desquels étaient Desquerdes, comte de Crèvecœur, ne tinrent pas contre les séductions habiles, ou contre la crainte des vengeances du roi. Il entra en maître dans cette province d'où tant de fois étaient sorties des armées qui l'avaient fait trembler. Quant aux villes de Flandre, une grande partie restèrent fidèles à Marie de Bourgogne. Pour les autres, les négociations de Louis échouérent; il fallut employer la force, et elles ne restèrent pas longtemps sous la suzeraineté de la France. Enfin, toute cette affaire de la succession du duc de Bourgogne, se termina par le

de l'Empereur Frédéric, lequel était si pauvre, dit-on, que ce fut sa fiancée qui fit tous les frais de la noce.

Louis était venu de nouveau se renfermer à Plessis-lès-Tours. Voici quelques anecdotes sur sa vie privée, qui contraste avec les traits de cruauté sanglante si fréquente dans son histoire. Nous avons dit qu'il aimait à se populariser partout, et qu'il ne craignait pas de se mêler à la domesticité. Un jour, dans ses cuisines, il rencontra un petit garçon dont la figure lui plut: „Que gagnes-tu, lui demanda-t-il? Autant que le roi, répondit l'enfant; lui et moi nous gagnons notre vie. Dieu le nourrit et le roi me nourrit." Cette réponse fit sa fortune; le roi le retira de son emploi servile et l'enrichit par la suite. Louis rencontra une fois l'évêque de Chartres monté sur une superbe mule avec un harnais d'or. „Ah! monseigneur l'évêque, nous ne sommes plus au temps de la primitive Église, quand les évêques montaient sur une ânesse garnie d'un licol." Vous avez bien raison, sire, mais c'était le temps où les rois étaient bergers." Quelquefois il trouvait le moyen d'élever et en même temps d'abaisser la noblesse. Un riche marchand lui demanda de l'anoblir: cette grâce obtenue, il se présenta devant le roi vêtu avec une magnificence ridicule. Louis lui tourna le dos, lui disant: Vous étiez le premier marchand de mon royaume, et vous avez préféré être le dernier gentilhomme: avez-vous gagné au change?" On pourrait citer à l'infini, de ce roi, des traits de bonhomie apparente, car souvent c'était une de ses finesses de jouer l'homme sans façon et sans malice. Mais ces bon-mots si spirituels, ces naïvetés qu'il préparait, ne sont que des esquisses légeres dans un tableau fortement sinistre, et dans cette histoire il n'y a guère que les perfidies et les ruses qui vous distraient des gibets et aes échafauds.

99

Il y avait en effet quelque chose dans Louis que rien ne domptait: c'est un trait de son caractère que ni les succès, ni les désastres, ni la politique

n'effaçaient. Que des provinces, comme la Bourgogne et une partie de la Flandre, viennent se réunir à la France, et qu'elles soient dues à la politique habile ou aux armées victorieuses de son souverain, la passion qui dominait toutes les autres chez Louis, c'était celle de la vengeance, et souvent même celle de la cruauté gratuite. Ainsi, au moment où il parcourait la Bourgogne, où tant de victoires faciles lui ouvraient les portes des villes, il aimait à se dire que sur la Grève à Paris un échafaud dressé assouvissait une de ses haines les plus invétérées. Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, avait pris parti contre lui dans les guerres du bien public. Il le fit arrêter dans le château de Carlat en Auvergne. La Bastille le reçut pendant huit mois dans ses mystérieux cachots pleins de ténèbres et de cruautés. Le parlement avait été expressément chargé de le condamner à mort. Cependant quelques conseillers se refusèrent à un arrêt injuste, et la victime allait échapper au bourreau. Louis fit venir en grande hâte les conseillers récalcitrants, estitua ceux qu'il ne put corrompre, et peu de jours après, le président Jean Boulanger prononça l'arrêt fatal. Jusque-là, il n'y avait qu'une condamnation injuste, qu'une violation des lois, ordinaire à Louis. Mais la morale et l'humanité ne sauraient trop flétrir, comme un des actes les plus odieux de la cruauté la plus gratuite, l'ordre que donna le roi. Il voulut que les fils du duc de Nemours fussent attachés sous l'échafaud, et que le sang du père retombât sur ses enfants. Certes la nature la plus perverse ne peut rien imaginer de plus cruel. Louis avait essayé dans un procès de rendre infâme la mémoire du dernier duc de Bourgogne. Maximilien, qui avait épousé sa fille (Marie), entreprit de le venger. Déjà il avait remporté quelques victoires peu importantes sur les armes du roi de France. Un choc plus décisif eut lieu près du village de Guinegaste, en Flandre. Desquerdes, qui commandait l'armée royale, fut battu par Maximilien. Louis ne chercha pas à réparer cette défaite; car il rappela ses troupes,

et laissa à Maximilien tout l'honneur et tout le profit de la victoire.

Cependant l'héritier du trône languissait dans une ignorance honteuse. Louis semblait croire que le pouvoir ne lui échapperait jamais, et ne passerait point à son fils. L'enfant ne savait de latin que ces cinq mots, que son père lui avait appris: Qui nescit dissimulare, nescit regnare. Cette incurie ne s'explique que par une défiance extrême chez un roi qui craignait son fils parce que lui-même s'était fait craindre de son père. Or, pendant qu'il se préparait tranquillement pour de longues années de tyrannie, une maladie étrange vint le saisir. Il était à dîner, aux forges près de Chinon, quand tout d'un coup, il perdit la parole: il resta longtemps sans connaissance. Lorsqu'il fut tiré de cette espèce de sommeil, il demanda avidement quels étaient ceux parmi ses officiers qui l'avaient cru mort, et il les destitua sur-le-champ; il revint s'enfermer au château de Plessis-lès-Tours, plus sombre, plus cruel, plus tyran que jamais. Sans croire tout ce qu'on a raconté d'étrange et de féroce sur les derniers actes de ce Tibère malade, et volontairement prisonnier, sans prétendre qu'il prenait des bains de sang d'enfants, il est certain que sa cruauté et sa défiance redoublèrent aux approches de la mort. Voici ce que rapporte de ses précautions Commines, son serviteur et son défenseur habituel. ,,Tout à l'environ de la place dudit Plessis, il fit faire un treillis de gros barreaux de fer, et planter dedans sa muraille des broches ayant plusieurs pointes, comme à l'entrée par où l'on eût pu entrer aux fossés dudit Plessis. Aussi fit faire quatre moyneaux tous de fer bien espays, en lieu par où l'on pouvoit bien tirer à son ayse, et estoit chose bien triomphante, et couste plus de vingt mille francs; et à la fin y mit quarante arbalestriers, qui jour et nuit estoient en ces fossés, avec commission de tirer à tout homme qui en approcherait, jusqu'à ce que la porte fût ouverte le matin." De plus, Louis donnait dix mille écus par mois à son

médecin. Il entremêlait toutes ces défiances de sa superstition habituelle et de quelques repentirs. Il fit venir pour le confesser François de Paule; il délivra La Balue, enfermé depuis quatorze ans. Il ordonna des prières publiques pour qu'un vent de bise qui l'incommodait s'arrêtât. Il alla en pèlerinage à St.-Claude, auquel ses gens l'avaient voué: il était accompagné de six mille hommes de guerre, et faisait, dit Mézeray, de terribles coups par le chemin. Ensuite, de peur qu'on ne le tint pour mort, son activité politique redoublait. On parlait plus que jamais du roi Louis dans le royaume; et en effet, il venait de rendre un important service à la France. Il sut, par des manœuvres habiles, attirer à lui la succession du roi René, et la Provence depuis ne fut plus distraite du royaume. Puis, comme si la mort n'avait jamais dû l'atteindre, le malade triomphait de celle de Marie de Bourgogne, de celle d'Édouard d'Angleterre. Lui qui ne portait jamais que des habits vieux et usés, il ne paraissait plus en public que vêtu de satin et d'or. Enfin, il semblait, à force de précautions, d'activité, vouloir

terrasser la mort, qui l'atteignit cependant le 30 août 1483, à l'âge de 61 ans, et après un règne de 22 ans. Il fut enterré à Notre-Dame-de-Cléry. Ainsi mourut Louis XI, fourbant avec Dieu comme il avait fourbé avec les hommes.

Quels furent les résultats politiques de son règne? Il porta les coups de hache les plus fermes et les plus retentissants au système féodal, et par là délivra la France du joug étranger. Louis XI abattit l'arbre de la féodalité, parce qu'il avait peur d'en être écrasé. C'est un bucheron qui porte la coignée dans un chêne pour profiter de ses dépouilles, mais non pas pour fertiliser le terrain qui est stérile sous son ombrage. Il inventa la poste, mais comme un nouveau moyen de despotisme. Il tenta de réunir dans un code unique les mille réseaux des coutumes qui enlaçaient la France dans des replis de chicane et d'interprétation; mais c'était pour tenir dans une de ses mains toute la justice du royaume, et Dieu sait comme il l'administrait. Il fit périr plus de quatre mille personnes sur l'échafaud.

AUGUSTIN THIERRY.

Augustin Thierry est né à Blois, en 1788, d'une famille pauvre et obscure. Après de brillantes études, il professa quelque temps. Il débuta dans la littérature par une série d'articles d'histoire et de critique, insérés dans divers journaux, et publiés depuis sous le titre de Dix ans d'études historiques et de Lettres sur l'Histoire de France. Ces excellents recueils ont exercé une grande influence sur les historiens venus après Augustin Thierry. L'Histoire de la conquête d'Angleterre par les Normands, publiée en 1826, est un récit dramatique et philosophique, qui réunit à une vaste érudition toutes les richesses d'une imagination féconde et d'un style pur, gracieux, animé,

BATAILLE DE HASTINGS.

Sur le terrain qui porta depuis, et qui aujourd'hui porte encore le nom de lieu de la bataille, les lignes des Anglo-Saxons occupaient une longue chaîne de collines fortifiées de tous côtés par un rempart de pieux et de claies d'osier. Dans la nuit du 13 octobre, Guillaume fit annoncer aux Nor

poétique. En 1840, parurent les Récits des temps mérovingiens, intéressante suite de tableaux de la vie civile, politique et religieuse en France, au Vie siècle. Augustin Thierry, devenu aveugle, a poursuivi avec la même ardeur le cours de ses glorieux travaux, et l'on peut dire que c'est l'homme de France qui dans ce siècle a le plus contribué, après Guizot, au progrès des sciences historiques. Depuis 1835, jusqu'à sa mort, arrivée le 23 Mai 1856, il à dirigé l'immense publication faite par le gouvernement français de tous les materiaux appartenant à l'histoire du tiers état. L'Introduction de ce vaste recueil est elle-même un admirable résumé de cette histoire.

mands que le lendemain serait jour de combat. Des prêtres et des religieux qui avaient suivi en grand nombre l'armée envahissante, attirés, comme les soldats, par l'espoir du butin, se réunirent pour faire des oraisons et chanter des litanies, pendant que les gens de guerre préparaient leurs armes et leurs chevaux. Le temps qui resta

aux aventuriers après ce premier soin, ils l'employèrent à faire la confession de leurs péchés et à recevoir les sacrements. Dans l'autre armée, la nuit se passa d'une manière toute différente; les Saxons se divertissaient avec grand bruit et chantaient leurs vieux chants nationaux, en vidant, autour de leurs feux, des cornes remplies de bière et de vin.

Au matin, dans le camp normand, l'évêque de Bayeux, fils de la mère du duc Guillaume et d'un bourgeois de Falaise, célébra la messe et bénit les troupes, armé d'un haubert sous son rochet; puis il monta un grand coursier blanc, prit une lance et fit ranger sa brigade de cavaliers. Toute l'armée se divisa en trois colonnes d'attaque: à la première étaient les gens d'armes venus du comté de Boulogne et du Ponthieu, avec la plupart des hommes engagés personnellement pour une solde; à la seconde, se trouvaient les auxiliaires bretons, manceaux et poitevins; Guillaume en personne commandait la troisième, formée des recrues de Normandie. En tête de chaque corps de bataille, marchaient plusieurs rangs de fantassins à légère armure, vêtus d'une casaque matelassée et portant des arcs longs d'un corps d'homme, ou des arbalètes d'acier. Le duc montait un cheval espagnol qu'un riche Normand lui avait amené d'un pèlerinage à SaintJacques de Galice. Il tenait suspendues à son cou les plus révérées d'entre les reliques sur lesquelles Harold avait juré, et l'étendard bénit par le pape était porté à côté de lui par un jeune homme appelé Toustain-le-Blanc. Au moment où les troupes allaient se mettre en marche, le duc élevant la voix, leur parla en ces termes:

„Pensez à bien combattre, et mettez tout à mort; car si nous les vainquons, nous serons tous riches. Ce que je gagnerai, vous le gagnerez; si je conquiers, vous conquerrcz; si je prends la terre, elle sera à vous. Sachez pourtant que je ne suis pas venu ici seulement pour prendre mon dû, mais pour venger notre nation entière des félonies, des parjures et des trahisons de

ces Anglais. Ils ont mis à mort les Danois, hommes et femmes, dans la nuit de Saint-Brice. Ils ont décimé les compagnons d'Alfred, mon parent, et l'ont fait périr. Allons donc, avec l'aide de Dieu, les châtier de tous leurs méfaits."

L'armée se trouva bientôt en vue du camp saxon, au nord-ouest de Hastings. Les prêtres et les moines qui l'accompagnaient se détachèrent, et montèrent sur une hauteur voisine pour prier et regarder le combat. Un Normand appelé Taillefer poussa son cheval en avant du front de bataille, et entonna le chant des exploits, fameux dans toute la Gaule, de Charlemagne et de Roland. En chantant, il jouait de son épée, la lançait en l'air avec force et la recevait dans sa main droite; les Normands répétaient ses refrains ou criaient: Dieu aide! Dieu aide!

A portée de trait, les archers commencèrent à lancer leurs flèches, et les arbalétriers leurs carreaux; mais la plupart des coups furent amortis par le haut parapet des redoutes saxonnes. Les fantassins armés de lances, et la cavalerie, s'avancèrent jusqu'aux portes des redoutes, et tentèrent de les forcer. Les Anglo-Saxons, tous à pied autour de leur étendard planté en terre, et formant derrière leurs redoutes une masse compacte et solide, reçurent les assaillants à grands coups de hache, qui brisaient les lances et coupaient les armures de mailles. Les Normands, ne pouvant pénétrer dans les redoutes ni en arracher les palissades, se replièrent, fatigués d'une attaque inutile, vers la division que commandait Guillaume. Le duc alors fit avancer de nouveau tous ses archers, et leur ordonna de ne plus tirer droit devant eux, mais de lancer leurs traits en haut, pour qu'ils descendissent par-dessus le rempart du camp ennemi. Beaucoup d'Anglais furent blessés, la plupart au visage, par suite de cette manoeuvre; Harold luimême eut l'œil crevé d'une flèche, et il n'en continua pas moins de commander et de combattre. L'attaque des gens de pied et de cheval recommença de près, aux cris de Notre-Dame! Dieu

« PreviousContinue »