Page images
PDF
EPUB

LA VRAIE ET LA FAUSSE PHILAN-
THROPIE.

Il y a deux manières de se donner aux hommes: la première est de se faire aimer, non pour être leur idole, mais pour employer leur confiance à les rendre bons. Cette philanthropie est toute divine. Il y en a une autre qui est une fausse monnaie, quand on se donne aux hommes pour leur plaire, pour les éblouir, pour usurper de l'autorité sur eux en les flattant. Ce n'est pas eux qu'on aime, c'est soi-même. On n'agit que par vanité et par intérêt; on fait semblant de se donner, pour posséder ceux à qui on fait accroire qu'on se donne à eux. Ce faux philanthrope est comme un pêcheur qui jette un hameçon avec un appât: il paraît nourrir les poissons, mais il les prend, et les fait mourir. Tous les tyrans, tous les magistrats, tous les politiques qui ont de l'ambition, paraissent bienfaisants et généreux; ils paraissent se donner, et ils veulent prendre les peuples; ils jettent l'hameçon dans les festins, dans les compagnies, dans les assemblées publiques; ils ne sont pas sociables pour l'intérêt des hommes, mais pour abuser de tout le genre humain. Ils ont un esprit flatteur, insinuant, artificieux, pour corrompre les mœurs des hommes et pour réduire en servitude tous ceux dont ils ont besoin. La corruption de ce qu'il y a de meilleur est le plus pernicieux de tous les maux. De tels hommes sont les pestes du genre humain. Au moins l'amour-propre d'un misanthrope n'est que sauvage et inutile au monde; mais celui de ces faux philanthropes est traître et tyrannique; ils promettent toutes les vertus de la société, et ils ne font de la société qu'un trafic dans lequel ils veulent tout attirer à eux, et asservir tous les citoyens. Le misanthrope fait plus de peur et moins de mal. Un serpent qui se glisse entre les fleurs, est plus à craindre qu'un animal sauvage qui s'enfuit vers sa tanière, dès qu'il vous aperçoit.

L'ASSEMBLÉE DES ANIMAUX, POUR
CHOISIR UN ROI.

Le lion étant mort, tous les animaux accoururent dans son antre, pour consoler la lionne sa veuve, qui faisait retentir de ses cris les montagnes et les forêts. Après lui avoir fait leurs compliments, ils commencèrent l'élection d'un roi: la couronne du défunt était au milieu de l'assemblée. Le lionceau était trop jeune et trop faible pour obtenir la royauté sur tant de fiers animaux. Laissez-moi croître, disait-il, je saurai bien régner et me faire craindre à mon tour. En attendant je veux étudier l'histoire des belles actions de mon père, pour égaler un jour sa gloire. Pour moi, dit le léopard, je prétends être couronné; car je ressemble plus au lion que tous les autres prétendants: et moi, dit l'ours, je soutiens qu'on m'avait fait une injustice, quand on me préféra le lion; je suis fort, courageux, carnassier, tout autant que lui; et jai un avantage singulier, qui est de grimper sur les arbres. Je vous laisse à juger, messieurs, dit l'éléphant, si quelqu'un peut me disputer la gloire d'être le plus grand, le plus fort, et le plus grave de tous les animaux. Je suis le plus noble et le plus beau, dit le cheval. Et moi le plus fin, dit le renard; et moi le plus léger à la course, dit le cerf. Où trouverez-vous, dit le singe, un roi plus agréable et plus ingénieux que moi? Je divertirai chaque jour mes sujets. Je ressemble même à l'homme, qui est le véritable roi de toute la nature. Le perroquet alors harangua ainsi: Puisque tu te vantes de ressembler à l'homme, je puis m'en vanter aussi. Tu ne lui ressembles que par ton laid visage, et par quelques grimaces ridicules. Pour moi je lui ressemble par la voix, qui est la marque de la raison, et le plus bel ornement de l'homme. Tais-toi, maudit causeur, lui répondit le singe: tu parles, mais non pas comme l'homme; tu dis toujours la même chose, sans entendre ce que tu dis. L'assemblée se moqua de ces deux mauvais copistes de l'homme; et on donna la couronne à l'éléphant, parce qu'il a la force et la sagesse, sans avoir ni la cruauté des

bêtes furieuses, ni la sotte vanité de tant d'autres, qui veulent toujours paraître ce qu'elles ne sont pas.

TÉLÉMAQUE AUX CHAMPS ÉLYSÉES.

Il entrevoyait déjà de loin la douce et pure lumière du séjour des héros.

Là habitaient tous les bons rois qui avaient jusqu'alors gouverné les hommes sagement, ils étaient séparés du reste des justes. Comme les méchants princes souffraient dans le Tartare des supplices infiniment plus rigoureux que les autres coupables d'une condition privée, aussi les bons rois jouissaient dans les Champs Élysées d'un bonheur infiniment plus grand que celui du reste des hommes qui avaient aimé la vertu sur la terre. Télémaque s'avança vers ces rois qui étaient dans des bocages odoriférants sur des gazons toujours renaissants et fleuris; mille petits ruisseaux d'une onde claire arrosaient ces beaux lieux, et y faisaient une délicieuse fraîcheur; un nombre infini d'oiseaux faisaient résonner ces bocages de leur doux chant. On voyait tout ensemble les fleurs du printemps qui naissaient sous leurs pas avec les riches fruits de l'automne qui pendaient des arbres. Là, jamais on ne ressentit les ardeurs de la furieuse canicule; là, jamais les noirs aquilons n'osèrent souffler ni faire sentir les rigueurs de l'hiver. Ni la guerre altérée de sang, ni la cruelle envie qui mord d'une dent vénimeuse, des vipères entortillées dans son sein et autour de ses bras; ni les jalousies, ni les défiances, ni la crainte, ni les vains désirs n'approchent jamais de cet heureux séjour de la paix. Le jour n'y finit point, et la nuit avec ses sombres voiles y est inconnu, une lumière pure et douce se répand autour du corps de ces hommes justes et les environne de ses rayons comme d'un vêtement. Cette lumière n'est pas semblable à celle qui éclaire les yeux des misérables mortels et qui n'est que ténèbres. C'est plutôt une gloire céleste qu'une lumière; elle pénètre plus subtilement les corps les plus épais que les rayons du soleil ne pénètrent le plus

pur cristal; elle n'éblouit jamais; au contraire elle fortifie les yeux et nourrit dans le fond de l'âme je ne sais quelle sérénité: c'est d'elle seule que les hommes bienheureux sont nourris; elle sort d'eux et elle y entre, elle les pénètre et s'incorpore à eux. Ils la voient, ils la sentent, ils la respirent, elle fait naître en eux une source intarissable de paix et de joie, ils sont plongés dans cet abîme de joie comme les poissons dans la mer, ils ne veulent rien, ils ont tout sans rien avoir, car ce goût de lumière pure apaise la faim de leur cœur, tous leurs désirs sont rassasiés et leur plénitude les élève audessus de tout ce que les hommes vides et affamés cherchent sur la terre; tous les délices qui les environnent ne leur sont rien, parce que le comble de leur félicité qui vient du dedans ne leur laisse aucun sentiment pour ce qu'ils voient de délicieux au dehors. Ils sont tels que les dieux, qui rassasiés de nectar et d'ambroise ne daigneraient pas se nourrir des viandes grossières qu'on leur présenterait à la table la plus exquise des hommes mortels; tous les maux s'enfuient loin de ces lieux tranquilles, la mort, la maladie, la pauvreté, la douleur, les regrets, les remords, les craintes, les espérances même qui coûtent souvent autant que les craintes, les visions, les dégoûts, les dépits n'y peuvent avoir aucune entrée. Les hautes montagnes de Thrace, qui de leur front couvert de neige et de glace depuis l'origine du monde fendent les nues, seraient renversées en leur fondement posé au centre de la terre, que les cœurs de ces hommes justes ne pourraient pas même être émus; seulement ils ont pitié des misères qui accablent les hommes vivant dans ce monde, mais c'est une pitié douce et paisible qui n'altère en rien leur immuable félicité. Une jeunesse éternelle, une félicité sans fin, une gloire toute divine est peinte sur leurs visages, mais leur joie n'a rien de folâtre ni d'indécent, c'est une joie douce, noble, pleine de majesté; c'est un goût sublime de la vérité et de la vertu qui les transporte, ils sont sans interruption dans tous les

moments dans le même saisissement de cœur où est une mère qui revoit son cher fils qu'elle avait cru mort, et cette joie qui échappe bientôt à la mère, ne s'enfuit jamais du cœur de ces hommes, jamais elle ne languit un instant, elle est toujours nouvelle pour eux; ils ont le transport de l'ivresse sans en avoir le trouble et l'aveuglément. Ils s'entretiennent ensemble de ce qu'ils voient et de ce qu'ils goûtent: ils foulent à leurs pieds les molles délices et les vaines grandeurs de leur ancienne condition qu'ils déplorent; ils repassent avec plaisir ces tristes, mais courtes années, où ils ont eu besoin de combattre contre eux-mêmes et contre le torrent des hommes corrompus pour devenir bons; ils admirent le secours des dieux qui les ont conduits comme par la main à la vertu, au travers de tant de périls. Je ne sais quoi de divin coule sans cesse au travers de leurs cœurs comme un torrent de la divinité même qui s'unit à eux; ils voient, ils goûtent, ils sont heureux et sentent qu'ils le seront toujours; ils chantent tous ensemble les louanges des dieux, et ils ne font tous ensemble qu'une seule voix, une seule pensée, un seul cœur, une seule félicité qui fait comme un flux et reflux dans ces âmes unies. Dans ce ravissement divin, les siècles coulent plus rapidement que les heures parmi les mortels, et cependant mille et mille siècles écoulés n'ôtent rien à leur félicité toujours nouvelle et toujours entière. Ils règnent tous ensemble non sur des trônes que la main des hommes peut renverser; mais en euxmêmes avec une puissance immuable; car ils n'ont plus besoin d'être redoutables par une puissance empruntée d'un peuple vil et misérable. Ils ne portent plus ces vains diadèmes dont l'éclat cache tant de craintes et de noirs soucis, les dieux mêmes les ont couronnés de leurs propres mains avec des couronnes que rien ne peut flétrir.

Télémaque qui cherchait son père, et qui avait craint de le trouver dans ces lieux, fut si saisi de ce goût de paix, de joie et de félicité qu'il eût voulu l'y rencontrer, et qu'il s'affligeait

d'être contraint lui-même de retourner ensuite dans la société des mortels. C'est ici, disait-il, que la véritable vie se trouve, et la nôtre n'est qu'une mort; mais ce qui l'étonnait était d'avoir vu tant de rois punis dans le Tartare, et d'en voir si peu dans les Champs Élysées. Il comprit qu'il y a peu de rois assez fermes et assez courageux pour résister à leur propre puissance, et pour rejeter la flatterie de tant de gens qui excitent toutes leurs passions. Ainsi, les bons rois sont très rares, et la plupart sont si méchants que les dieux ne seraient pas justes, si après avoir souffert qu'ils aient abusé de leur puissance pendant leur vie, ils ne les punissaient pas après leur mort.

Télémaque ne voyant pas son père Ulysse parmi tous ces rois, chercha du moins des yeux le divin Laërte, son grand-père. Pendant qu'il le cherchait inutilement, un vieillard vénérable et plein de majesté s'avança vers lui. Sa vieillesse ne ressemblait pas à celle des hommes que le poids des années accable sur la terre; on voyait seulement qu'il avait été vieux avant sa mort; c'était un mélange de tout ce que la vieillesse a de grave avec toutes les grâces de la jeunesse; car les grâces renaissent même dans les vieillards les plus caducs au moment où ils sont introduits dans les Champs Élysées. Cet homme s'avançait avec empressement et regardait Télémaque avec complaisance, comme une personne qui lui était fort chère. Télémaque qui ne le reconnut point était en peine et en suspens. Je te pardonne, ô mon fils, lui dit le vieillard, de ne me point reconnaître, je suis Arcésius, père de Laërte. J'avais fini mes jours, un peu auparavant qu'Ulysse, mon petit-fils, partit pour aller au siège de Troie; alors tu étais encore un petit enfant entre les bras de ta nourrice; dès lors j'avais conçu de toi de grandes espérances; elles n'ont pas été trompeuses, puisque je te vois descendre dans le royaume de Pluton pour chercher ton père, et que les dieux te soutiennent dans cette entreprise. O heureux enfant! les dieux t'aiment et te

préparent une gloire semblable à celle de ton père; o heureux moi-même de te revoir! Cesse de chercher ton père Ulysse en ces lieux: il vit encore, il est réservé pour relever notre maison dans l'île d'Ithaque. Laërte même, quoique le poids des années l'ait abattu, jouit encore de la lumière, et attend que son fils lui revienne fermer les yeux. Ainsi les hommes passent comme les fleurs qui s'épanouissent le matin, qui le soir sont flétris et foulées aux pieds; les générations des hommes s'écoulent comme les ondes d'un fleuve rapide, rien ne peut arrêter le temps qui entraîne après lui tout ce qui paraît de plus immobile. Toi-même, ô mon fils, mon cher fils, toi-même, qui jouis maintenant d'une jeunesse si vive et si féconde en plaisirs, souviens-toi que ce bel âge n'est qu'une fleur qui sera presque aussitôt séchée qu'éclose; tu te verras changer insensiblement: les grâces riantes, les doux plaisirs, la force, la santé, la joie s'évanouiront comme un beau songe, il ne t'en restera qu'un triste souvenir; la vieillesse languissante et ennemie de plaisirs viendra rider ton visage, courber ton corps, affaiblir tes membres tremblants, faire tarir dans ton cœur la source de la joie, te dégoûter du présent, te faire craindre l'avenir, te rendre insensible à tout, excepté à la douleur. Ce temps te paraît éloigné, hélas! tu te trompes, mon fils, il se hâte, le voilà qui arrive; ce qui vient avec tant de rapidité, n'est pas loin de toi, et le présent qui s'enfuit est déjà bien loin, puisqu'il s'anéantit dans le moment que nous parlons, et ne peut plus se rapprocher. Ne compte donc jamais, mon fils, sur le présent, mais soutiens-toi dans le sentier âpre et rude de la vertu par la vue de l'avenir. Prépare-toi par des mœurs pures et par l'amour de la justice une place dans l'heureux séjour de la paix: tu es né pour régner après ton père Ulysse que tu verras enfin bientôt le maître dans Ithaque; tu es né pour régner, mais hélas! mon fils, que la royauté est trompeuse! Quand on la regarde de loin, on ne voit qu'autorité, qu'éclat et délices, mais de près tout est épineux;

un particulier peut sans se déshonorer mener une vie douce et obscure, un roi ne peut sans se déshonorer préférer une vie douce et oisive aux fonctions pénibles du gouvernement, il se doit à tous les hommes qu'il gouverne et il ne lui est jamais permis d'être à lui, ses moindres fautes sont d'une conséquence infinie, parce qu'elles causent le malheur des peuples, et quelquefois pendant plusieurs siècles; il doit réprimer l'audace des méchants, soutenir l'innocence, dissiper la calomnie. Ce n'est pas assez pour lui de ne faire aucun mal, il faut qu'il fasse tous les biens possibles dont l'état a besoin. Ce n'est pas assez de faire le bien pour soi-même, il faut encore empêcher tous les maux que d'autres feraient s'ils n'étaient retenus. Crains donc, mon fils, crains donc une condition si périlleuse, arme-toi contre les passions, et contre les flatteurs. En disant ces paroles, Arcésius paraissait animé d'un feu divin, il montrait à Télémaque un visage plein de compassion pour les maux qui accompagnent la royauté. Quand elle est prise, disait-il, pour se contenter soi-même, c'est une monstrueuse tyrannie; quand elle est prise pour remplir ses devoirs et pour conduire un peuple innombrable, comme un père conduit ses enfants, c'est une servitude accablante qui demande un courage et une patience héroïque. Aussi est-il certain que ceux qui ont régné avec une sincère vertu possèdent ici tout ce que la puissance des dieux peut donner pour rendre une félicité complète.

Pendant qu'Arcėsius parlait de la sorte, ses paroles entraient jusqu'au fond du cœur de Télémaque: elles s'y gravaient comme un habile ouvrier grave avec son burin sur l'airain les figures ineffaçables qu'il veut montrer aux yeux de la plus reculée postérité. Ses sages paroles étaient comme une flamme subtile qui pénétrait dans les entrailles de Télémaque, et il se sentait ému et embrasé, je ne sais quoi de divin semblait fondre son cœur au-dedans de lui. Ce qu'il portait dans la plus intime partie de lui-même le consumait secrètement, il ne pouvait ni le contenir ni le sup

porter, ni résister à une si violente impression: c'était une douleur douce et paisible, un sentiment vif et délicieux qui était mêlé d'un tourment capable d'arracher la vie.

Ensuite Télémaque commença à respirer plus librement, il reconnut dans le visage d'Arcésius une grande ressemblance avec Laërte, il croyait même se souvenir confusément d'avoir vu en Ulysse son père des traits de cette même ressemblance lors qu'Ulysse partit pour le siège de Troie. Ce souvenir attendrit son cœur, des larmes douces et mêlées de joie coulaient de ses yeux, il voulait embrasser une personne si chère, plusieurs fois il l'essaya inutilement, cette ombre vaine échappa à ses embrassements comme un songe trompeur se dérobe à l'homme qui croit en jouir. Tantôt sa bouche altérée poursuit une eau fugitive, tantôt ses lèvres s'agitent

pour former des paroles que sa langue engourdie ne peut proférer; ses mains s'étendent avec effort et ne prennent rien, ainsi Télémaque ne peut contenter sa tendresse, il voit Arcésius, il l'entend, il lui parle, il ne peut le toucher, enfin il lui demande qui sont ces hommes qui sont autour de lui? Tu vois, mon fils, lui répondit ce sage vieillard, ces hommes qui ont été l'ornement de leur siècle, la gloire et le bonheur du genre humain. Tu vois le petit nombre de rois qui ont été dignes de l'être et qui ont fait avec fidélité la fonction des dieux sur la terre; ces autres que tu vois assez près d'eux, mais séparés par ce petit nuage, ont une gloire beaucoup plus grande, ce sont des héros à la vérité, mais la récompense de leur valeur et de leurs expéditions militaires ne peut être comparée avec celle des rois sages, justes, et bienfaisants.

ESPRIT FLÉCHIER.

Esprit Fléchier, évêque de Nîmes, naquit en 1636 à Pernes, petite ville du diocèse de Carpentras. Après avoir professé la rhétorique à Narbonne, enseigné le catéchisme à des enfants à Paris, il se fit connaître

par quelques poésies latines, et il fut nommé lecteur du Dauphin. Bientôt ses Oraisons funèbres mirent le sceau à sa réputation. Il a écrit une Histoire de Théodose le Grand. Fléchier mourut en 1710.

ORAISON FUNEBRE DE HENRI DE LA TOUR- bée: cet homme qui portait la gloire

D'AUVERGNE, VICOMTE DE TURENNE.

(Exorde et fragments.)

Turenne comparé à Judas Machabée. Ses qualités militaires. Ses vertus et sa vie privée. Sa dernière campagne et sa mort.

Fleverunt eum omnis populus Israël
planctu magno; et lugebant dies mul-
tos; et dixerunt: quomodo cecidit po-
tens, qui salvum faciebat populum
Israel?
(1. Mac. 9.)
Tout le peuple le pleura amèrement
et, après avoir pleuré durant plu-

sieurs jours, ils s'écrièrent: Com-
ment est mort cet homme puissant,
qui sauvait le peuple d'Israël ?

Je ne puis, messieurs, vous donner d'abord une plus haute idée du triste sujet dont je viens vous entretenir, qu'en recueillant ces termes nobles et expressifs dont l'Écriture sainte se sert pour louer la vie et pour déplorer la mort du sage et vaillant Macha

de sa nation jusqu'aux extrémités de la terre; qui couvrait son camp du bouclier, et forçait celui des ennemis avec l'épée; qui donnait à des rois ligués contre lui des déplaisirs mortels, et réjouissait Jacob par ses vertus et par ses exploits, dont la mémoire doit être éternelle.

Cet homme qui défendait les villes de Juda, qui domptait l'orgueil des enfants d'Ammon et d'Esaü, qui revenait chargé des dépouilles de Samarie, après avoir brûlé sur leurs propres autels les dieux des nations étrangères; cet homme que Dieu avait mis autour d'Israël, comme un mur d'airain où se brisèrent tant de fois toutes les forces de l'Asie, et qui, après avoir défait de nombreuses armées, déconcerté les plus fiers et les

1 I. Mac. III, IV, V, etc.

« PreviousContinue »