Ce que tu m'as promis, songe à l'exécuter: Joad. Sur-le-champ tu seras satisfaite: Je te les vais montrer l'un et l'autre à la fois. Paraissez, cher enfant, digne sang de nos rois! Connais-tu l'héritier du plus saint des monarques, Reine? De ton poignard connais du moins ces marques. Voilà ton roi, ton fils, le fils d'Ochozias. Peuples, et vous, Abner, reconnaissez Joas. Abner. Ciel! Athalie (à Joad). Perfide! Il fut par Josabeth à ta rage enlevé: Athalie. Ta fourbe à cet enfant, traître, D'un fantôme odieux, soldats, délivrez-moi. Joad. Soldats du Dieu vivant, défendez votre roi. (Le fond du théâtre s'ouvre: on voit le dedans du temple; et les Lévites armés entrent de tous côtés sur la scène.) Athalie. Où suis-je ? O trahison! ô reine infortunée !! D'armes et d'ennemis je suis environnée! Joad. Tes yeux cherchent en vain, tu ne peux échapper, Et Dieu de toutes parts a su t'envelopper. Ce Dieu que tu bravais en nos mains t'a livrée: Abner (se jetant aux pieds de Joas). Sur qui? | David, David triomphe; Achab scul est désur Joas! sur mon maître ! spiré, Femmes, vieillards, enfants, s'embrassant avec joie, Bénissent le Seigneur et celui qu'il envoie. Tous chantent de David le fils ressuscité. Athalie. Dieu des Juifs, tu l'emportes! Oui, c'est Joas; je cherche en vain à me tromper: Je reconnais l'endroit où je le fis frapper; Je vois d'Ochozias et le port et le geste; Tout me retrace enfin un sang que je dé truit. Que dis-je, souhaiter! je me flatte, j'espère On verra de David l'héritier détestable Et que la sainteté n'en soit point profanée. Allez, sacrés vengeurs de vos princes meurtris, De leur sang par sa mort faire cesser les cris. Si quelque ambitieux embrasse sa querelle, Qu'à la fureur du glaive on le livre avec elle. SCÈNE VII. Joas, Joad, Josabeth, Abner, etc. Joas. Dicu, qui voyez mon trouble et mon affliction, Détournez loin de moi sa malédiction, Et ne souffrez jamais qu'elle soit accomplie: Faites que Joas meure avant qu'il vous oublie. Joad (aux Lévites). Appelez tout le peuple, et montrons-lui son roi: Qu'il lui vienne en ses mains renouveler sa foi. Roi, prêtres, peuple, allons, pleins de reconnaissance, De Jacob avec Dieu confirmer l'alliance, Et, saintement confus de nos égarements, Nous rengager à lui par de nouveaux ser ments. Abner, auprès du roi reprenez votre place. 1 Voyez Rois II, ch. 11, v. 16. La guerre a ses faveurs, ainsi que ses disgraces: Déjà plus d'une fois, retournant sur mes traces, Tandis que l'ennemi, par ma fuite trompé, Tenait après son char un vain peuple occupé, Et, gravant en airain ses frêles avantages, De mes états conquis enchaînait les images, Le Bosphore m'a vu, par de nouveaux apprêts, Ramener la terreur du fond de ses marais, Et, chassant les Romains de l'Asie étonnée, Renverser en un jour l'ouvrage d'une année. D'autres temps, d'autres soins. L'Orient accablé Ne peut plus soutenir leur effort redoublé: La morale de la pièce. Il voit plus que jamais ses campagnes cou vertes De Romains que la guerre enrichit de nos pertes. Des biens des nations ravisseurs altérés, Désertent leur pays pour inonder le nôtre. Moi seul je leur résiste: ou lassée, ou soumis, Ma funeste amitié pèse à tous mes amis; Chacun à ce fardeau veut dérober sa tête. Le grand nom de Pompée assure sa conquête; C'est l'effroi de l'Asie; et, loin de l'y chercher, C'est à Rome, mes fils, que je prétends marcher. Ce dessein vous surprend; et vous croyez peut-être Que le seul désespoir aujourd'hui le fait naître. J'excuse votre erreur; et, pour être approuvés, De semblables projets veulent être achevés. Ne vous figurez point que de cette contrée Par d'éternels remparts Rome soit séparée: Je sais tous les chemins par où je dois passer; Et, si la mort bientôt ne me vient tra verser, Sans reculer plus loin l'effet de ma parole Je vous rends dans trois mois au pied du Capitole. Doutez-vous que l'Euxin ne me porte en deux jours Aux lieux où le Danube y vient finir son cours? Que du Scythe avec moi l'alliance jurée De l'Europe en ces lieux ne me livre l'entrée ? Recueilli dans leurs ports, accru de leurs soldats, Nous verrons notre camp grossir à chaque vu l'Espagne, et surtout les Gaulois, mêmes murs qu'ils ont pris autrefois vengeance, et, jusques dans la Grèce, Par des ambassadeurs accuser ma paresse: Ils savent que, sur eux prêt à se déborder, Ce torrent, s'il m'entraîne, ira tout inonder; Et vous les verrez tous, prévenant son ravage, Guider dans l'Italie et suivre mon passage. C'est là qu'en arrivant, plus qu'en tout | Le Parthe, des Romains comme moi la le chemin, Vous trouverez partout l'horreur du nom romain, Et la triste Italie encor toute fumante Que Rome fait sentir tout le poids de ses fers: Et de près inspirant les haines les plus fortes, Tes plus grands ennemis, Rome, sont à tes portes. Ah! s'ils ont pu choisir pour leur libérateur Spartacus, un esclave, un vil gladiateur; S'ils suivent au combat des brigands qui les vengent; De quelle noble ardeur pensez-vous qu'ils se, rangent Sous les drapeaux d'un roi longtemps victorieux, Qui voit jusqu'à Cyrus remonter ses aïeux? Que dis-je? en quel état croyez-vous la surprendre? Vide de légions qui la puissent défendre, Tandis que tout s'occupe à me persécuter, Leurs femmes, leurs enfants pourront-ils m'arrêter? Marchons, et dans son sein rejetons cette guerre Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre; Attaquons dans leurs murs ces conquérants si fiers; Qu'ils tremblent à leur tour pour leurs propres foyers. Annibal l'a prédit, croyons en ce grand homme: Jamais on ne vaincra les Romains que dans Rome. Noyons-la dans son sang justement ré pandu: Découvre mes vaisseaux déjà loin du Bosphore; Vous, que rien moment, Et méritez mon choix par votre empressement; Achevez cet hymen; et, repassant l'Euphrate, n'y retient, partez dès ce Faites voir à l'Asie un autre Mithridate. Que nos tyrans communs en pâlissent d'effroi; Et que le bruit à Rome en vienne jusqu'à moi. Pharnace. Seigneur, je ne vous puis déguiser ma surprise. J'écoute avec transport cette grande entreprise; Je l'admire; et jamais un plus hardi dessein Ne mit à des vaincus les armes à la main: Surtout j'admire en vous ce cœur infatigable Qui semble s'affermir sous le faix qui l'accable. Mais, si j'ose parler avec sincérité, Et vouloir affronter des travaux infinis, Dignes plutôt d'un chef de malheureux bannis, Que d'un roi qui naguère avec quelque apparence De l'aurore au couchant portait son espé Vaincus plus d'une fois aux yeux de la patrie, Soutiendront-ils ailleurs un vainqueur en furie? Sera-t-il moins terrible, et le vaincront-ils mieux, Dans le sein de sa ville, l'aspect de ses dieux? Le Parthe vous recherche, et vous demande un gendre. Mais ce Parthe, seigneur, ardent à nous défendre Lorsque tout l'univers semblait nous protéger, D'un gendre sans appui voudra-t-il se charger? M'en irai-je, moi seul, rebut de la fortune, Essuyer l'inconstance au Parthe si commune; Et peut-être, pour fruit d'un téméraire Montrer aux nations Mithridate détruit, Brûlez le Capitole, et mettez Rome en cendre. Mais c'est assez pour vous d'en ouvrir les chemins: Faites porter ce feu par de plus jeunes mains; Et tandis que l'Asie occupera Pharnace, De cette autre entreprise honorez mon audace. Commandez: laissez-nous, de votre nom suivis, Justifier partout que nous sommes vos fils. Embrassez par nos mains le couchant et l'aurore; Remplissez l'univers, sans sortir du Bosphore; Que les Romains, pressés, de l'un à l'autre bout, Doutent où vous serez, et vous trouvent partout. |