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CALIFORNIA

INTRODUCTION.

FORMATION DE LA LANGUE FRANÇAISE.1

Dans les siècles les plus reculés où les traditions historiques nous permettent de remonter, nous trouvons deux races distinctes se partageant la vaste étendue de pays comprise entre la Méditerranée, les Alpes, le Rhin, l'Océan et les Pyrénées. La première de ces deux races était la Gauloise, beaucoup plus nombreuse que l'autre; la seconde était composée d'Ibères qui, sous le nom d'Aquitains, habitaient entre la Garonne et les Pyrénées. A une époque postérieure, d'autres Ibères, appelés Ligures, quittèrent l'Espagne, envahirent la partie méridionale du territoire des Gaulois et s'établirent le long des côtés de la Méditerranée. Plus tard encore (600 av. J.-C.) des Grecs, obligés de s'expatrier pour éviter le joug des Perses, partirent de la Phocide et vinrent fonder des établissements dans le pays occupé par ces Ligures.

Lorsque César parut dans la Gaule, la population qui l'habitait pouvait être considérée comme formant trois peuples différents. Entre les Pyrénées et la Garonne étaient les Aquitains, comme nous l'avons dit; entre le Rhin au nord, la Seine et la Marne au midi, étaient les Belges; au centre se trouvaient les Gaulois proprement dits, dont le pays s'étendait entre les frontières de la Belgique et celles de l'Aquitaine. Nous ferons observer toutefois qu'une partie des Belges s'étaient répandus dans les contrées habitées par les Gaulois, entre l'embouchure de la Seine et celle de la Loire, sur toute la côte de

1 Cfr. Chevallet, p. 1. Herrig, La France litt.

La langue, c'est la nation.

l'Océan à laquelle on donna le nom d'Armorique.'

Les trois peuples avaient chacun un idiome particulier. Les vestiges de l'idiome des Aquitains ont disparu presque complétement, cependant on peut établir qu'il ne ressemblait pas à celui de leurs voisins du Nord. Les idiomes des Belges et des Gaulois, au contraire, différaient assez peu entre eux et pouvaient être considérés comme des dialectes de la même langue. C'est cette langue à laquelle on donne généralement le nom de celtique.

Le celtique fut donc la première langue parlée en deçà de la Loire, dans cette portion de pays où se développa plus tard la langue d'oïl, vraie source du français.

II ne nous est parvenu aucun monument de l'ancien celtique; l'histoire ne fait même pas mention d'un seul ouvrage écrit en cette langue. Les druides étaient les seuls qui eussent été capables de le composer; mais la religion leur défendait d'écrire quoi que ce fût qui touchât au druidisme, et le druidisme touchait à tout. Les seuls restes de cette langue qui soient arrivés jusqu'à nous consistent en quelques mots isolés; des noms de lieux, de provinces, de fleuves, de montagnes; des dénominations ayant rapport à la vie commune, aux mœurs, aux coutumes, explicables seulement à l'aide des langues celtiques actuelles, l'irlandais, l'écossais, le bas-breton et le gallois.

La colonie grecque de Marseille, trop faible pour résister à une guerre que son

1 Nous ne comprenons dans cette classification ni les colonies grecques, ni la Narbonnaise, qui était déjà soumise aux Romains, ni quelques peuplades germaniques qui s'étaient établies depuis peu sur la rive gauche du Rhin.

1

pour expliquer l'influence que la langue des nouveaux conquérants a pu avoir sur celle des Gallo-Romains. Au nord était le ripuaire, à l'est le neustrien, à l'ouest

ambition kif -avait attirée de la part des
Ligures, se vit forcée d'appeler à son se-
cours les Romains, ses anciens alliés. Ceux-
ci saisirent avidement l'occasion de mettre
le pied dans la Gaule et s'emparèrent de laÎ'ostrasien.
partie sud-est, à laquelle ils donnèrent le
nom de province romaine transalpine (154
av. J.-C.). Un siècle après, Jules César
envoyé dans cette province pour la gouver-
ner en qualité de proconsul, profite d'un
prétexte qui lui est offert pour attaquer les
Gaulois restés indépendants, et, après une
guerre de dix ans, il soumet la Gaule en-
tière à la domination romaine.

A dater de cette époque, le latin s'introduisit et se répandit insensiblement dans les Gaules par l'administration, la justice, les lois, les institutions politiques, civiles et militaires, la religion, le théâtre, et tous les autres moyens dont Rome savait si habilement se servir pour imposer sa langue aux nations. Avant la fin du IVe siècle, le latin était, du moins dans les villes, la langue usuelle des hautes classes de la société. Le peuple, et particulièrement celui des campagnes, n'eut pas d'abord les mêmes motifs que les classes supérieures pour rechercher la connaissance du latin; toutefois son intérêt, qui se trouvait enfin en jeu, l'y contraignit: il avait a communiqner chaque jour avec les riches et les puissants qui avaient laissé le celtique dans un dédaigneux oubli. | Au VIe siècle, nous ne retrouvons la langue indigène que dans les contrées montagneuses ou dans celles qui étaient éloignées des principaux centres de population et des grandes voies de communication établies par les Romains. On ne fait plus mention du celtique dans la seconde moitié du VIe siècle.

Tel était l'état du langage dans la Gaule, lorsque, de toutes parts, elle fut envahie par les nations germaniques: au sud par les Wisigoths, à l'est par les Burgondes, au nord par les Francs. Ces derniers, les plus forts et les plus habiles, finirent par absorber toutes les autres nationalités dans la leur, et ils donnèrent leur nom au pays conquis.

Avant de passer le Rhin, les Francs étaient une confédération de diverses tribus occupant le territoire compris entre l'Elbe, le Mein, le Rhin et la mer du Nord. Ils apportèrent une troisième langue dans les provinces en deçà de la Loire, le francique, qui était un dialecte du tudesque ou téotisque. Cette langue se composait d'autant de dialectes qu'il y avait de tribus confédérées. La nature de ce travail ne nous permet pas d'entrer dans des détails à ce sujet; il nous suffit d'admettre trois dialects principaux

Les Ripuaires et les Ostrasiens n'étaient séparés de la Germanie que par le Rhin, et leur population se grossissait sans cesse de nouvelles bandes germaniques qui passaient le fleuve pour s'associer à la fortune de leurs frères. Dans l'un et l'autre pays, le latin disparut comme langue usuelle, sans doute parce que les Gallo-Romains s'étaient retirés devant les barbares. Au latin succéda le tudesque, qui s'est perpétué jusqu'à nos jours dans les patois allemands de la rive gauche du Rhin.

Les Francs Saliens s'étant établis dans la plus grande partie de la Neustrie, celle qui s'étendait de la Scarpe à la Loire, et de la Meuse à l'Océan, avaient au contraire peu de relations avec les peuplades germaniques demeurées sur la rive droite du Rhin, tandis qu'ils se trouvaient mêlés aux populations gallo-romaines, de beaucoup supérieures en nombre, en civilisation et en culture intellectuelle de tout genre. Aussi, ils se virent contraints par la force des circonstances à apprendre la langue des vaincus, dont ils adoptèrent également l'administration et la religion. Cependant les Francs de la Neustrie conservèrent longtemps entre eux l'usage du francique dans leurs familles, dans les armées, dans les assemblées où les vainqueurs décidaient du sort des vaincus.

Au VIIIe siècle, la Neustrie subit une nouvelle invasion germanique, qui eut pour conséquence l'avénement de la dynastie ostrasienne des Carlovingiens. Charlemagne, le héros de la race carlovingienne, avait appris plusieurs langues étrangères; il parlait le latin avec facilité, mais le francique était sa langue maternelle. Il eut toujours une prédilection toute particulière pour l'idiome de ses ancêtres. Son fils, Louis le Débonnaire, se servait aussi à l'ordinaire de la langue francique. Toutefois le latin maintint sa prépondérance.

Mais quelle était la nature de cette langue latine? Voilà ce qu'il faut examiner pour tirer des conséquences exactes de notre aperçu historique.

Le peuple de chaque pays a un langage qui lui est propre; c'est une règle générale, fondée sur la nature. Il y avait donc à Rome une langue littéraire et un idiome vulgaire.

Il est probable que le latin écrit et le latin vulgaire furent identiques dans les commencements; mais, à dater des conquêtes romaines hors de l'Italie, époque à laquelle

se séparèrent d'une manière tranchante les | degrés divers de la hiérarchie sociale, il s'établit entre eux une différence fort marquée, qui alla toujours en augmentant.

La langue écrite était celle de la cour, des grands et des tribunaux: son siége principal était à Rome et son règne devait durer aussi longtemps que Rome commanderait. L'idiome vulgaire était la langue du peuple proprement dit, et par conséquent de la majorité de la nation. L'une se transplantait d'elle-même, se développait d'une manière normale et populaire; l'autre devait être étudiée ou apprise par l'usage; l'une portait en elle-même son principe vital; l'autre était l'œuvre de quelques savants qui la façonnaient selon leur bon plaisir.

Les Romains imposèrent leur langue à tous les peuples vaincus, on le sait; et il est bien naturel que ce ne fut pas la langue savante, mais l'idiome vulgaire, qui prit, cela s'entend de soi-même, de nombreuses teintes dialectales. La nature du sol, la configuration du pays, le degré d'extension qu'acquit la langue latine savante, la prononciation de la langue des vaincus, le rapport de la population indigène à celle des vainqueurs, contribuèrent à modifier l'idiome vulgaire latin.

Ces dialectes conquirent chaque jour plus de terrain sur la langue latine, et l'on peut dire que vers l'an 300 ap. J.-C., celle-ci était presque disparue du commerce de la vie. En effet, la langue savante se modelait tout à fait sur le grec; les écrivains étaient maniérés, ampoulés, obscurs à dessein; les grands se servaient du grec dans la conversation, ils étaient plus grecs que romains dans leur genre de vie; le cercle des idées s'était agrandi avec l'empire, on créa des expressions pour les rendre, et, dans cette opération, l'influence étrangère fut prédominante; le latin se corrompit au point que le sentiment de la signification propre des mots et du sens des formes grammaticales de la langue latine s'était tout à fait émoussé et obscurci parmi le peuple. Le latin devait avoir moins de vie encore pour les étrangers qu'on forçait à s'en servir. De plus, les pères de l'Eglise, qui voulaient exercer leur influence sur le peuple, puisaient à pleines mains dans les dialectes; ils augmentaient le vocabulaire, remettaient en honneur la poésie populaire, et l'idiome vulgaire osa se montrer à côté de la langue savante. Puis au démembrement de l'empire, lorsque fut rompu le lien spirituel et moral qui réunissait entre elles les diverses provinces, et que chaque partie forma un tout séparé, l'idiome vulgaire de chaque pays acquit plus d'indépendance et de valeur. Il y

eut alors une époque de transition. D. côté, on voit quelques savants se cramponner à la langue écrite, qui avait encore un appui dans la justice et l'école; de l'autre, l'idiome vulgaire lève fièrement la tête et une lutte désespérée s'engage. Elle dura des siècles, il est vrai; mais l'issue fut tout en faveur des idiomes populaires, car pour ceux-là même qui le défendaient, le latin savant était une langue morte. Au IXe siècle, quelques-uns de ces dialectes étaient parvenus à l'état de langue propre et distincte, et dès lors ils doivent perdre le nom de dialectes latins pour prendre celui de langues romanes et de dialectes romans.1 Nous datons l'histoire des langues romanes de cette époque, parce que les premiers monuments écrits qui nous en sont parvenus ne remontent pas plus haut.2

Nous venons d'établir que le latin vulgaire se substitua dans la Gaule au celtique, et que les Francs adoptèrent cette langue. Nous devons donc considérer la langue d'oïl comme un développement du vieil idiome latin vulgaire. Ce développement s'est fait d'une manière tout à fait organique. La structure et le génie d'une langue ne varient pas dans leur ensemble, même lorsque des influences étrangères viennent l'entraver dans son cours, et les changements qu'elle éprouve n'ont d'autre raison que la tendance à une adaption aussi parfaite que possible des formes de la langue à la pensée. Enrichissement du vocabulaire, détermination plus exacte de la signification des mots et essais réitérés de leur donner un son plus expressif et plus conforme à la pensée, tendance à la simplification des formes et à la souplesse des constructions; tels sont les changements qui d'ordinaire s'opèrent d'une manière normale dans les langues.

Le latin vulgaire adopta quelques éléments celtiques et allemands, qui passèrent en partie dans la langue d'oil.

Notre résumé historique aura sans doute fait pressentir au lecteur que l'élément cel

1 Ces nouvelles langues furent appelées romanes, parce qu'elles étaient l'idiome propre des vaincus, à qui f'on donnait le nom de Romains par opposition aux conquérants issus de la noble race teutonique. 2 La première mention de la lingua romana que l'histoire nous a conservée remonte au milieu du Vile siècle. En 659, Mummolin est élu évêque de Noyon, et son hagiographie nous dit qu'il connaissait parfaitement la langue romane et la tudesque.. - Dès l'an 813, le concile de Tours recommande aux évêques de traduire leurs homélies latines et certains ouvrages des Pères en roman. Il nous reste quelques vestiges de la langue romane de la fin du VIIe siècle; on les trouve dans les litanies qui se chantaient à cette époque dans

le diocèse de Soissons.

3 Il va de soi que cette conclusion s'applique aux autres langues romanes: provençal, italien, espagnol, portugais, valaque ou roumouni.

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